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« The Butterfly Murders »: premier film de Tsui Hark, entre tradition et modernité

par Brigitte Duzan, 04 avril 2014

 

« The Butterfly Murders » (蝶变) est un film atypique qui n’a eu aucun succès à sa sortie, en juillet 1979, mais qui a une importance historique à double titre : il marque les débuts de cinéaste de Tsui Hark (徐克) et il est l’un des premiers films représentatifs de la Nouvelle Vague du cinéma de Hong Kong.

 

Sa conclusion apocalyptique d’un nihilisme désenchanté, sur fond de tuerie généralisée, est le premier volet de ce qu’on a appelé la « trilogie du chaos », avec « We’re going to Eat You » (地狱无门》), une histoire de cannibales, et « Dangerous Encounters First Kind » (第一类型危险》), sur de jeunes délinquants, que l’on retient surtout pour la violence qui s’en dégage.

 

The Butterfly Murders

 

Ce n’est pourtant pas l’essentiel, en particulier en ce qui concerne  « The Butterfly Murders ». De manière significative, avec ce premier film, Tsui Hark s’attache surtout à revoir et moderniser selon sa vision personnelle la tradition et les codes du film de wuxia, en y apportant des techniques empruntées à l’étranger.

 

Genèse et inspiration

 

« The Butterfly Murders » reflète l’esprit innovant, voire iconoclaste, qui a présidé à l’émergence de la Nouvelle Vague, à Hong Kong, à la fin des années 1970. Pour innover, Tsui Hark est cependant parti de la tradition du wuxia, dans la lignée de King Hu (胡金铨), et, comme Chor Yuen (楚原), sous l’égide de Gu Long.

 

La télévision d’abord

 

Comme la plupart des réalisateurs de la Nouvelle Vague, c’est à son retour à Hong Kong après des études aux Etats-Unis, à l’université du Texas, que Tsui Hark a débuté sa carrière à Hong Kong, en 1977.

 

A son retour, en effet, il est tout de suite embauché par la chaîne de télévision TVB (Television Broadcast Limited). Totalement inconnu, il participe à la production de plusieurs mélos sans intérêt. Mais la télévision est en effervescence, et, dans le contexte d’un cinéma atone, représente un réservoir de talents qui s’y forment et y trouvent une atmosphère propice.

 

Cependant, c’est aussi un secteur très concurrentiel, en pleine effervescence. En 1978, l’une des figures majeures de la TVB, Selina Chow Leong Suk-yi, quitte la chaîne pour rejoindre sa rivale, la Commercial Television ou CTV (香港佳艺电视), en emmenant avec elle un groupe de jeunes aspirants réalisateurs, dont Tsui Hark.

 

Lancée en septembre 1975, CTV avait réussi à se placer en seconde position derrière TVB grâce à une série de wuxia diffusée en 1976, « The Legend of the Condor Heroes» (射雕英雄传), d’après l’œuvre de Jin Yong (金庸) (1). Le genre était à la mode. Au même moment, TVB aussi produisit une série de wuxia qui eut beaucoup de succès, adaptée d’un autre roman de Jin Yong, le premier, « The Book and the Sword » (书剑恩仇录》).

 

Il n’est donc pas étonnant que, pour sa première réalisation, la CTV ait demandé à Tsui Hark de faire une série du même genre : le terrain était balisé. En même temps, il s’agissait de se démarquer de la concurrence.

 

Une adaptation de Gu Long

 

Golden Blade Sentimental Swordsman

 

Diffusée en juillet 1978 en neuf épisodes de cinquante minutes, la série « Golden Blade Sentimental Swordsman » (《金刀情侠》) a été conçue dès l’abord de manière originale. Première originalité, ce n’est pas Jin Yong qui a été choisi, mais Gu Long (古龙), et, dans l’œuvre de Gu Long, un roman de la série Xiao Li Fei Dao (小李飞刀系列). Originalité supplémentaire, c’est le troisième roman de la série qui a été retenu, « Eagle Soaring in the Ninth Month » (《九月鹰飞》), roman qui est en

fait la suite du premier, « Sentimental  Swordsman, Ruthless Sword » (《多情剑客无情剑》).

 

Or il se trouve que ce roman venait d’être adapté par Chor Yuen, et que le film, « The Sentimental Swordsman » (《多情剑客无情剑》), avait été l’un des grands succès de l’année 1977. « Golden Blade Sentimental Swordsman » s’affiche ainsi comme un successeur en droite ligne du précédent.

 

Dès le départ, l’optique est donc résolument différente des productions télévisées courantes à Hong Kong dans ce domaine ; Tsui Hark va en outre apporter des innovations techniques qui font de cette réalisation un ballon d’essai pour son premier film, « The Butterfly Murders » (蝶变).

 

De  la télévision au cinéma

 

La série est bien reçue, mais, victime de son incapacité à contrôler ses coûts et des restrictions imposées par sa licence, la CTV cesse ses opérations un mois plus tard, et licencie son personnel.

 

L’expérience n’est cependant pas en pure perte pour Tsui Hark. Son film est remarqué par l’un des principaux producteurs cinématographiques et découvreurs de talents à l’époque à Hong Kong, Ng See-yuen (吴思远), fondateur en 1975 de la Seasonal Films Corporation.Tsui Hark est engagé, pour faire un film de wuxia: ce sera « The Butterfly Murders ». Ng See-yuen produira aussi le second film de Tsui Hark :« We are going to eat you » (地狱无门). Mais les échecs commerciaux de ces films l’inciteront à ne pas poursuivre.

 

« The Butterfly Murders » est trop atypique pour avoir eu du succès. C’est l’un des rares films des débuts de la Nouvelle Vague – avec « The Sword » () de Patrick Tam (1980)

 

Ng See-yuen

- à ne pas traiter de problèmes sociaux d’actualité. Tsui Hark s’est attaché à revisiter le film de wuxia en s’appuyant sur ses éléments traditionnels, mais en y apportant des innovations formelles originales.

 

The Butterfly Murders : innovation sur fond de tradition

 

C’est dans« Golden Blade Sentimental Swordsman » que Tsui Hark a fait ses premières tentatives d’innovations sur la forme et le fond qu’il reprendra ensuite dans « The Butterfly Murders ». C’est donc par cette série télévisée qu’il faut commencer pour comprendre sa démarche. 

 

1.       Golden Blade Sentimental Swordsman 

 

Comme indiqué précédemment, la série télévisée est adaptée du troisième roman de la série Xiao Li Fei Dao (小李飞刀系列) de Gu Long, « Eagle Soaring in the Ninth Month » (《九月鹰飞》), dont l’histoire est la suite directe du premier, « Sentimental Swordsman, Ruthless Sword » (《多情剑客无情剑》).

 

L’intrigue de Gu Long

 

A la fin de ce premier roman, le héros, Li Xunhuan (李寻欢), ayant réussi à éliminer le chef maléfique de la Secte de l’Argent (钱帮), Shangguan Jinhong (上官金虹), se retire loin du monde. « Eagle Soaring in the Ninth Month » a donc pour personnage principal son disciple Ye Kai (叶开),qui a hérité de sa technique dite de « la dague volante ».

 

Ye Kai se retrouve confronté à la fille de Shangguan Jinhong, Shangguan Xiaoxian (上官小仙), être maléfique qui, sous couvert de retard mental, est la seule à savoir où se cache le trésor de son père et a des ambitions hégémoniques. Au terme d’une histoire pleine de rebondissements et de retournements typique de Gu Long, Ye Kai en viendra à bout et retrouvera la femme qu’il aime…

 

Plus que l’histoire, cependant, TsuiHark a voulu rendre l’atmosphère et le suspense du récit de Gu Long, en mettant l’accent, comme lui, sur la personnalité et les sentiments des personnages, garants de la logique de l’intrigue, et en préservant ses retournements inattendus caractéristiques. Dans cette optique, il a enlevé de l’importance aux combats.

 

Moins de combats, plus de sentiments

 

Un papillon dans un tableau

du début de la dynastie des Song

 

La tradition de la primauté accordée aux combats dans les films de wuxia a toujours été relative, car liée à l’opéra. Elle avait déjà été battue en brèche par Chor Yuen, et ce n’est pas pour rien queTsui Hark se met ouvertement sous son égide en adaptant la suite de l’histoire de son « Sentimental Swordsman ».

 

Mais Tsui Hark rompt carrément la tradition du genre non seulement en mettant l’accent sur les sentiments de ses personnages, mais encréanten outre une atmosphère très particulière, différente de celle des wuxiapian classiques dont les personnages sont généralement imperméables aux affects et peu prônes aux effusions.

 

Ainsi, dans une étonnante séquence, le personnage principal, Ye Kai, qui a été gravement blessé, est sauvé par une nonne taoïste ; comme il tremble de froid, elle enlève ses vêtements

pour le réchauffer de son propre corps (2). L’émotion est littéralement à fleur de peau, et on ne retrouvera pas une telle chaleur humaine chez Tsui Hark avant 1994 et « The Lovers » (梁祝), l’adaptation – très personnelle - de la légende des amants-papillons…

 

Et beaucoup d’innovations techniques

 

Tsui Hark innove surtout en utilisant pour tourner en studiodes techniques normalement utilisées pour des tournages en extérieur, en particulier pour l’éclairage. Il tourne avec une seule caméra, plan par plan, en changeant l’éclairage chaque fois, ce qui permet de rendre au mieux l’expression des personnages.

 

Mais même ses scènes de combats sont différentes. Il utilise beaucoup de gros plans, et une technique de montage spécifique. Il coupe (un peu comme King Hu) pour passer très vite à la conclusion, ce qui donne de la rapidité à ces scènes. Un exemple en est donné par la séquence d’ouverture du film. C’est la fin d’une confrontation entre deux personnages : après un plan moyen d’un personnage tenant son épée est donné à entendre le son du coup donné, mais sans le voir porté, et aussitôt après on a un gros plan sur l’épée, tombée dans la neige ; le plan suivant montre la victime s’effondrant. C’est moins subtil que le « glimpse » de King Hu, mais c’est simple et efficace.

 

« The Butterfly Murders » poursuivre ces recherches d’innovation technique en s’inspirant de l’étranger.

 

2.       The Butterfly Murders 

 

Un scénario mêlant diverses sources d’inspiration

 

Pour ce film, Tsui Hark a voulu innover dès le scénario. L’histoire n’est pas directement adaptée d’une œuvre spécifique de Gu Long (3), sauf l’emprunt à « Eagle Soaring in the Ninth Month » de l’idée du trésor caché activement convoité, mais elle a les caractéristiques générales d’une intrigue typique de lui, avec luttes entre clans, meurtres inexpliqués, mobiles cachés et retournements imprévus qui ménagent un suspense savamment renouvelé.

 

Séquence initiale

 

Le thème des papillons, cependant, est emprunté à Hitchcock et le fil narratif principal construit selon un thème moderne, le tout étant baigné dans une atmosphère de conte fantastique.

 

C’est en effet le grand classique de Hitchcock « Les oiseaux » qui a fourni l’idée de départ. On en a d’ailleurs un rappel dans la séquence introductive du film : un corbeau à l'œil menaçant croasse en premier plan, témoin d’une hécatombe qui a laissé un monceau de cadavres derrière lui – image qui est en fait la fin de l’histoire, le scénario étant construit en boucle. Et l’on retrouve un oiseau à la Hitchcock venant conclure l’affrontement final.

 

L’imprimerie

 

Mais, les oiseaux n’ayant pas de connotation particulière dans la culture chinoise, Tsui Hark et ses deux scénaristes, Lam Chi-ming (林志明) et  Lin Fan (林凡), ont opté pour des papillons tueurs, des papillons manipulés dont l’art du dressage, spécifiquement féminin,fait partie de l’intrigue.

 

Ce choix de papillons apporte évidemment une touche poétique qui

rappelle aussi la peinture chinoise. Depuis Zhuangzi, les papillons sont, dans la culture chinoise, l’émanation du rêve ; la légende en a fait le symbole des amoureux réunis, et ils sont en peinture un motif symbolique de la beauté de la nature, associé aux fleurs. Mais un poème de Zheng Banqiao (郑板桥) (4) souligne leur pouvoir envoûtant :   

Quoi de plus gai que rêver qu’on rêve,

Les papillons nous ensorcellent…

Il ne restait plus qu’à imaginer ce pouvoir instrumentalisé…

 

Une histoire à la Gu Long

 

L’histoire est tortueuse. Elle se situe pendant une période trouble où quelque 72 clans rivaux se livrent des guerres sans merci. Un lettré, Fang Hong-Ye (方红叶), écrit l’histoire d’un château, le château de Shen (沈家堡), victime d’attaques de papillons meurtriers. Or, un imprimeur est mystérieusement assassiné après la visite d’un homme détenteur d’un manuscrit qu’il prétend être de la main de ce lettré et qu’il veut faire imprimer – mais qui est dénoncé par l’imprimeur comme étant un faux.

 

Les papillons à l’œuvre

L’homme est tué trois jours plus tard, par les hommes de main du clan qui contrôle le territoire où se trouve l’imprimerie. Sur ce, le puissant chef de ce clan, Tian Feng (田丰), reçoit un appel à l’aide du maître du château de Shen. Tian Feng envoie un éclaireur à Shenet part avec une petite troupe, accompagné d’une jeune femme experte en qinggong, Qing Yingzi, ou Ombre verte (青影子).

 

L’écrivain-narrateur Fang Hong-ye

 

Quand ils arrivent, cependant, ils découvrent l’éclaireur mort et le château désert. Tian Feng est alors conduit par une servante muette jusqu’au maître du château retranché avec son épouse dans les souterrains de sa demeure, en compagnie, aussi, de l’écrivain arrivé la veille sur les lieux. Commence alors un huis-clos tendu tandis que le maître des lieux décrit les événements qui ont conduit au massacre, que les papillons menacent de s’infiltrer par le moindre interstice, et que le mystère s’épaissit au fil de découvertes de chambres secrètes dans les souterrains.

 

Le maître du château est tué à son tour. Trois inquiétants personnages débarquent alors sur les lieux, à la recherche d’un trésor caché dans les souterrains du château : des armes qui donneraient l’avantage à tout guerrier aux ambitions hégémoniques…et qui sont le ressort caché de toute l’histoire.

 

Comme chez Gu Long, celle-ci devient enquête policière, menée par un Fang qui se fait détective et finit par démasquer la véritable identité de tous ces personnages, y parvenant, tel Chu Liuxiang, par la seulelogique et la force de son esprit de déduction. Il est le seul qui survivra, les autres s’étant entretués.

 

Le scénario possède ce qui fait la force des romans de Gu Long : la formidable

 

Ombre verte

capacité à créer un suspense alimenté par des rebondissements successifs et se concluant par un dernier retournement dévoilant l’identité cachée d’un personnage voire de plusieurs.

 

L’écrivain et Ombre verte enquêtant

 dans les souterrains du château

 

Il part d’un thème classique dans les romans de wuxia – la lutte pour s’approprier une épée exceptionnelle ou un livre ancien d’arts martiaux permettant d’acquérir un pouvoir invincible – et tente de le moderniser en remplaçant l’épée par des armes modernes, jouant en même temps sur une autre tradition, l’invention de la poudre à canon par les Chinois.

 

Sur ce schéma classique modernisé, cependant, comme les autres jeunes réalisateurs de la Nouvelle Vague, Tsui

Hark s’est surtout intéressé à la forme, en travaillant sur les innovations stylistiques et techniques qu’il pouvait apporter à un genre pétri de traditions.

 

Des innovations stylistiques et techniques

 

Comme dans sa série télévisée précédente, ce qu’il a d’abord voulu, c’est créer une atmosphère. Ici, c’est celle, sombre et inquiétante, des films fantastiques européens des années 1950-1960, et en particulier du fantastique gothique ; on pense au grand classique du genre, fondé sur l’imaginaire d’Edgar Poe, « La chute de la maison Usher », de Roger Corman, avec son ambiance lourde, où suinte le désespoir d’une issue fatale pour ses habitants frappés d’une obscure malédiction, et ses souterrains comme des

 

L’entrée du château de Shen, désert

catacombes où sont préparés, déjà, les cercueils de chacun.

 

Mêmes souterrains et même ambiance chez Tsui Hark, renforcée comme chez Corman par les couleurs et l’éclairage – l’un de ses principaux axes de recherche depuis ses débuts à la télévision – auxquels il faut ici ajouter la musique. On sent le jeune réalisateur pris de l’ambition frénétique d’opérer une synthèse de tous les genres qui gravitent depuis ses origines autour de celui du wuxia : film fantastique, policier, thriller de science-fiction…. S’appuyant pour ce faire sur des modèles étrangers, mais sans rejeter ceux spécifiques de la tradition chinoise.

 

Tian Feng, en pseudo chevalier du Graal

 

Ses séquences de début et de fin, montrant la silhouette du lettré Fang se détachant sur le ciel, dans un paysage désertique, rappellent des images de western, et de western spaghetti, mais aussi des images classiques du wuxia, où les auberges héritées de King Hu sont aux marges du monde, souvent dans le désert. On pourrait faire une analyse semblable des costumes : Tsui Hark amêlé le vêtement blanc du héros chez Chang Cheh et autres, à de grandes capes à capuches, ou une armure baroque, dans une tradition médiévale revisitée.

 

Quant à Qing Yingzi, elle est une image satirique, alerte et enjouée, de la nüxia traditionnelle, un clin d’œil ironique aux premiers effets spéciaux des films de wuxia, jouant sur des fils ici parfaitement visibles, et devenus même art spécifique de combat.

 

Tsui Hark reprend également la technique du montage testée précédemment à la télévision, fondée sur l’élimination des étapes et mouvements superflus, donnant à ses combats la rapidité requise sans effets spéciaux. Ils sont d’ailleurs chorégraphiés dans un style qui se rapproche du combat à mains nues du kungfu.

 

L’impression générale est bien celle d’un mélange de genres et de styles qui traduit l’ambition première de fondre tradition et modernité.

 

Le mystérieux visiteur masqué sous son armure

 

Tradition et modernité : la tentation du réalisme

 

L’iconographie du wuxia revisitée

 

Ce désir de fondre tradition et modernité – tendance de fond dans toute l’œuvre de Tsui Hark - est concrétisé thématiquement dans une confrontation très habile entre la tradition représentée par les arts martiaux, et la modernité des armes explosives, mais elles-mêmes ancrées dans la tradition. La découverte du laboratoire de recherche et de fabrique d’armes est un rappel de l’histoire de l’invention par les Chinois de la poudre à canon et des grenades, qui sont d’une importance cruciale dans le scénario.

 

Le réalisme de la représentation d’une imprimerie ancienne reste cependant un réalisme de façade, nimbé des couleurs du temps, et la représentation de l’atelier secret de fabrication des armes traduit un souci du détail historique plus imaginaire que factuel. Le film est le reflet de l’imaginaire lié la tradition du wuxia, avec la touche de fantastique onirique qui s’y est greffée.

 

De façon générale, « The Butterfly Murders » reflète le talent d’un jeune réalisateur revenu depuis peu des Etats-Unis avec l’ambition de moderniser le cinéma de Hong Kong, en commençant par le genre le plus ancré dans la tradition, celui du wuxia.

 

Mais il contient en germe une dérive vers le réalisme qui va s’accentuer, dans les films postérieurs de Tsui Hark, avec le recours croissant aux effets spéciaux.

 

Le mélange d’armes

L’excès de réalisme détruira alors l’imaginaire sur lequel est fondé le wuxia, comme toutes les œuvres ancrées dans la tradition et la légende qu’a revisitées Tsui Hark. Le wuxia se prête mal au réalisme, et les meilleures tentatives pour le moderniser sont celles fondées sur l’imaginaire, dont Wong Kar-wai (王家卫) fournit un excellent exemple avec « Les cendres du temps » (东邪西毒).

 

 

Notes

(1) Sur Jin Yong et son œuvre, voir : chineseshortstories, à venir

(2) On peut rapprocher cette séquence de la séquence similaire du dernier film de Gu Changwei (顾长卫) « Love for Life » (《最爱》) où Zhang Ziyi tente de réchauffer Aaron Kwok de la même manière, et se demander si celle de TsuiHark n’a pas inspiré l’autre…

(3) Il y a bien un roman de Gu Long intitulé « Meteor, Butterfly, Sword » (《流星蝴蝶剑》), mais Papillon est juste le prénom d’un personnage.

(4) Nom de pinceau de Zheng Xie (郑燮), peintre et calligraphe du Jiangsu [1693-1765], l’un des huit excentriques de Yangzhou (扬州八怪). Les vers sont tirés d’un poème de la série « Lune de Xijiang »  (西江月).

 

 

Analyse réalisée pour la présentation du film à l’Institut Confucius de l’université Paris Diderot, le 3 avril 2014, dans le cadre du cycle Littérature et Cinéma.

 


 

Pour mémoire : les principaux acteurs 

 

« The Butterfly Murders » n’a pas bénéficié du casting prestigieux des films des grands studios de l’époque, mais les acteurs sont excellents.

Lau Siu-ming 刘兆铭 le lettré Fang Hong-ye 方红叶

Né en 1931, il était danseur et c’est son premier rôle au cinéma. Il jouera l’année suivante dans « The Sword » de Patrick Tam, puis dans les trois épisodes de « A Chinese Ghost Story »….

Wong Shu-tong 黄树棠 Tian Feng, chef de clan

Il avait déjà une longue carrière derrière lui, débutée en 1966, mais dans des seconds rôles. Tian Feng est son premier grand rôle. Il est également directeur de l’action.

Michelle Yim 米雪 Ombre verte 青影子

Née en 1955 et formée à l’école de la Shaw Brothers, elle venait de tourner à la CTV en 1976 dans la série télévisée adaptée de Jin Yong « Legend of the Condor Heroes ». C’est là que Tsui Hark l’avait remarquée.

Chang Kuo-chu 张国柱 Maître Shen

Né en 1947. En 2010, il a interprété le rôle principal de Mr. Lau dans le film de Freddie Wong « The Drunkard » (《酒徒》).

Jojo Chan 陈琪琪 l’épouse de maître Shen

 

 

 

 

 
     
     
     
     
     
     
     
     

 

   

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 



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