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Avec « Love for Life », Gu Changwei rentre dans le rang

par Brigitte Duzan, 05 septembre 2011

 

En mai 2011 est sorti en Chine le troisième film de Gu Changwei (顾长卫), « Love for Life » (《最爱》), assorti  d’un documentaire de Zhao Liang (赵亮) intitulé « Together » (《在一起》) qui peut en être considéré comme le making off mais va en fait bien au-delà.

 

Ces deux réalisateurs étaient jusqu’ici considérés comme deux brillants représentants du cinéma indépendant chinois. Or, leurs deux nouveaux films ne laissent pas de surprendre venant d’eux. Commençons par le premier.

 

Gu Changwei a été le directeur de la photo des plus grands réalisateurs de sa génération (comme Chen Kaige, Zhang Yimou ou Jiang Wen), mais est aussi le réalisateur de deux films remarquables : « Le paon » (孔雀), qui fut couronné de l’Ours d’argent au festival de Berlin en 2005, et « Le début du

printemps » (《立春》), sorti en 2007 sans

 

Love for Life

avoir connu le même succès, mais pourtant tout aussi remarquable, en particulier pour l’interprétation de son épouse, Jiang Wenli (蒋雯丽), qui a reçu pour son interprétation dans le film le prix de la meilleure actrice au festival de Rome en 2007.

 

Le rêve au village des Ding

 

Son troisième film était annoncé depuis plusieurs mois, sous son titre initial : « A tale of magic » (《魔术外传》). Inutile de dire qu’il était attendu avec l’impatience justifiée par le talent démontré dans les deux premiers films du réalisateur. On avait en outre appris que non seulement l’histoire ressemblait à celle du roman de Yan Lianke « Le rêve au village des Ding » (丁庄梦), mais qu’il s’agissait en fait d’une adaptation du livre, réquisitoire féroce dénonçant les responsabilités diverses, y compris officielles, dans la rapide propagation du virus du SIDA dans les années 1990, et évidemment interdit (1).

 

Le film est donc le premier à traiter de ce sujet jusqu’ici tabou, de la même manière, d’ailleurs, que le film de Feng Xiaogang sur le tremblement de terre de Tangshan, « Aftershock » (《唐山大地震》), fut le premier à aborder cet autre sujet éminemment tabou.

 

Avec une pléiade d’excellents acteurs, le film avait tout de

suite suscité l’intérêt et était très attendu. Il a d’autant plus déçu, et cette déception est encore plus amère si l’on en analyse les raisons. Comme Feng Xiaogang, qui apparaît d’ailleurs dans son film, Gu Changwei traite obliquement des sujets qui fâchent, en faisant passer un message liminaire qui correspond à la politique officielle du moment.

 

Pour bien comprendre, il faut partir du roman.

 

Le rêve au village des Ding 

 

« Le rêve au village des Ding » est l’un des romans les plus remarquables de Yan Lianke et reconnu comme tel : il fut en 2005 lauréat du prix des ‘Dix meilleurs romans’ décerné par le magazine Zazhou Zhoukan (亞洲週刊) et, à tort ou à raison, mais de manière significative, a été comparé, à « La Peste » de Camus. (2)

                              

Le livre traite de la terrible propagation du SIDA dans le Henan, province natale de l’auteur, à partir du milieu des années 1990.  La province fut en effet l’une de celles les plus touchées par le fléau qui s’est alors abattu sur la Chine, pour une raison que les autorités chinoises ont refusé de reconnaître et soigneusement camouflée, faisant de toute la question un sujet tabou qui a valu arrestation, inculpation et emprisonnement à nombre d’activistes.

 

La frénésie des ventes de sang  

 

Les années 1990 furent en Chine celles du miracle économique, ce furent aussi des années où la course à l’enrichissement personnel fut la plus effrénée. Tous les moyens étaient bons, sans restrictions ni considérations morales. Le cas du trafic de sang en est juste un exemple extrême, aux conséquences catastrophiques. Beaucoup de paysans ont alors contracté le virus du SIDA après avoir donné leur sang, lorsque les ventes de plasma furent devenues une source de profits énormes et faciles pour tout un réseau de trafiquants, mais aussi de responsables provinciaux et locaux et d’institutions publiques.

 

Yan Lianke eut connaissance de l’étendue du désastre en 1995, lorsqu’il fut contacté par une doctoresse à la retraite (3) pour prendre en charge deux orphelins du SIDA d’un village près de Kaifeng. Atterré par ce qu’il découvrit et ce

 

Gu Changwei

qu’on lui raconta, il y revint sept fois, rassembla un dossier accablant et se sentit investi de la mission d’en témoigner, pour que, à défaut de justice, lumière soit faite.

 

Au plus fort d’une affaire qui tourna à la frénésie se multiplièrent des trafiquants surnommés les « rois du sang » (血王”), ou « têtes du sang » (血头”) : ils passaient dans les villages recueillir le sang des paysans pour le revendre à des centres de collecte créés par les autorités locales, et même, peu à peu, par la police et l’armée. Les paysans, au début, ne se montrèrent guère coopératifs : l’opération était contraire aux principes confucéens, et, pratiquement, leur faisait craindre d’être affaiblis, donc incapables de travailler. On gagna leur confiance en leur disant que leur sang leur serait réinjecté une fois le plasma prélevé. L’appât du gain facile fit le reste. Ce fut un phénomène semblable à la ruée vers l’or.

 

Mais les conditions dans lesquelles se firent les prises de sang, couplées à l’ignorance, entraînèrent la propagation fulgurante du virus HIV dans la population : les mêmes aiguilles servirent des journées entières et le sang collecté fut mélangé sans contrôle préalable avant d’être réinjecté après prélèvement du plasma. Il y eut donc contamination générale qui se transmit et aux donneurs et aux transfusés en hôpital, en particulier aux femmes enceintes. Le phénomène fit alors boule de neige au sein des villages, mais on considère que la transmission sexuelle ne représente que 2 à 3 % du total.

 

Le plus terrible est que la conscience de l’étendue de la catastrophe ne se dévoila que peu à peu, lorsque les personnes contaminées commencèrent à mourir.

 

Non seulement l’affaire fut aussitôt étouffée, mais aucun des responsables officiels ne fut ni désavoué ni même inquiété, ils furent au contraire promus à des échelons supérieurs de la hiérarchie (4), manière comme une autre d’éviter qu’un scandale soit ébruité.

 

Le roman de Yan Lianke

 

Le livre de Yan Lianke n’est ni un reportage, ni une étude, c’est un roman : un roman très subtil qui procède par allusions plus que par descriptions, tout en suivant l’injonction de Ba Jin (巴金) de « dire la vérité » (讲真话; il est en outre superbement écrit et structuré (5).

 

- L’histoire :

 

Le récit est raconté à la première personne par un enfant mort avant que ne débute l’histoire, pour avoir mangé une tomate empoisonnée par les villageois afin de se venger de son père, Ding Hui (丁辉), le « roi du sang » local. C’est son grand-père, Ding Shuiyang (丁水阳), qui, une dizaine d’années plus tôt, avait convaincu ses congénères d’accepter de vendre leur sang pour sortir de la pauvreté et concourir au développement du village ; il avait pris de l’eau d’une source boueuse près de la rivière et avait affirmé à la ronde qu’on pouvait en prendre autant qu’on voulait, jamais on n’arriverait à l’assécher…

 

Il n’avait pas prévu que son fils aîné s’enrichirait honteusement dans l’affaire, ni que son fils cadet serait l’un des villageois contaminés. Maintenant, quand commence le récit, les villageois ont été fauchés par la maladie, et un grand nombre sont morts, « tombés comme des feuilles mortes » (和树叶飘落一样死掉了). Le grand-père propose alors l’école dont il a été le gardien pendant des années, et qui est maintenant vide, comme une sorte de refuge de pestiférés, à l’écart du village ; il crée là une communauté basée sur des principes égalitaires et généreux, de soutien et d’entraide.

 

Mais cette idée de départ est vite battue brèche par la réalité humaine : des menus larcins, le désir de pouvoir.. jusqu’au jour où est découverte l’histoire d’amour qui s’est développée entre l’oncle du narrateur et l’une des malades, qui sont tous deux mariés ; l’adultère est dénoncé, et les deux amants sont promenés sur la place publique comme au temps de la Révolution culturelle, et barbouillés de sang contaminé. 

 

Yan Lianke semble indiquer qu’une communauté idéale ne peut exister même entre réprouvés de la société, que la terreur inspirée par la maladie brise dans un premier temps les tabous sociaux, mais que les vieux schémas de pouvoir et de répression reprennent vite le dessus, sous de nouvelles formes. La mort ne réconcilie finalement personne. 

 

- La structure

 

Le livre est divisé en huit parties et le récit du narrateur structuré autour de plusieurs rêves récurrents du grand-père. Le titre devrait d’ailleurs plutôt être traduit par « Les rêves au village des Ding » plutôt que « Le rêve… », au singulier, l’absence de marque du pluriel en chinois entraînant l’ambiguïté. En tout cas, l’importance des rêves est soulignée par la référence à l’histoire de Joseph, dans l’Ancien Testament, où le rêve du Pharaon préfigure l’apparition de sept années de peste.

 

Ces rêves forment une structure allégorique, qui rompt le réalisme du récit, et ou plutôt introduit sous l’aspect du songe ce que cette réalité a d’insupportable : rêve de la fabrique de cercueils, pour lesquels tous les arbres sont coupés, rêve de l’or, sous diverses formes. La réalité qui apparaît en filigrane est atterrante : le propre fils du grand-père a vendu les cercueils que le gouvernement avait offerts pour enterrer les morts, et avec cet argent s’est acheté une superbe maison traditionnelle, avec un coffre-fort dans lequel il conserve ses billets de 100 yuans ; ses deux autres mines d’or sont aussi des sous-produits de l’épidémie : son ascension dans la hiérarchie officielle et l’organisation d’une agence matrimoniale pour arranger des mariages entre enfants décédés. Il utilise d’ailleurs son propre fils, le narrateur, pour s’acheter une alliance avec un grand ponte du Parti dont la fille est retardée mentale.

 

C’est cette dernière avanie qui entraîne la révolte du grand père, après avoir vu plusieurs fois en rêve son petit fils se plaindre de son père. Il tue alors son fils. Arrêté et emprisonné quelque temps, il revient au village pour trouver, de façon symbolique, toute la plaine devant lui réduite à l’état de désert, cette plaine de Chine centrale qui est réputée être le berceau de la civilisation chinoise ; la description finale est celle du début du roman, on se rend compte qu’il est construit en un immense flashback. Il ne semble guère y avoir d’issue : à perte de vue, tout est desséché, teinté de rouge par les flots de sang, les hommes se sont enfermés chez eux pour ne plus ressortir.

 

Pourtant, la dernière vision du grand-père offre un semblant d’espoir : une pluie soudaine vient tout balayer, et il voit une femme lancer avec une branche de saule des mottes de boue qui prennent forme humaine et viennent danser devant ses yeux. Yan Lianke semble vouloir dire que, même au plus profond du désastre, l’espoir d’une renaissance est toujours permis ; dans des entretiens à la sortie du livre, il a loué l’énergie et la résilience du paysan chinois dans le malheur.

 

En même temps, le roman souligne les défauts d’un système politique qui permet à des individus comme Ding Hui d’agir dans la plus parfaite impunité. Mais le ton est plus allégorique que réaliste, Yan Lianke ne juge ni ne dénonce, il ne fait que raconter, laissant au lecteur le soin de se former sa propre opinion.

 

Le film de Gu Changwei

 

« Love for Life » (《最爱》) commence par une adaptation assez fidèle de l’histoire du « Rêve au village des Ding », dans un style qui rappelle le meilleur de Gu Changwei, mais il dévie ensuite, pour devenir un mélo légèrement teinté d’érotisme, qui n’a plus rien à voir ni avec le réalisateur ni avec l’œuvre originale. On peut se demander pourquoi.

 

Une première partie réussie

 

Le film débute, comme le livre, par le récit du 

 

Deyi et Qinqin

jeune Zhao Xiaoxin (小鑫), mort en ingurgitant une tomate empoisonnée, puis continue par une scène où un chanteur aveugle offre une chanson pour célébrer la découverte d’un médicament, nouvelle qui se

 

Deyi et Qinqin le jour de leur mariage

 

révèle être fausse et suscite la colère de la foule ; le grand-père de l’enfant, le vieux Zhuzhu (老柱柱), maudit son fils aîné et, pour tenter de se racheter, offre l’hospitalité aux malades dans l’école abandonnée.

 

Les séquences suivantes sont consacrées à la vie dans ce phalanstère où les conflits personnels ne tardent pas à affleurer, tandis que se noue une histoire d’amour entre le fils cadet, contaminé, du vieux Zhuzhu, appelé ici Zhao Deyi (赵得意), et sa cousine Qinqin (琴琴). La mort de l’ancien chef du village jette un certain discrédit sur toute l’opération, et les

malades reviennent vivre au village, où ils sont l’objet de discriminations constantes.

 

Cette partie est très bien filmée et interprétée. Des flashbacks en noir et blanc expliquent les faits antérieurs, comme de soudaines images surgies de l’inconscient. Quant à l’interprétation, la palme revient certainement au rôle de villageoise interprété par l’épouse du réalisateur, Jiang Wenli (蒋雯丽), qui fait ici une composition étonnante, au moins aussi réussie que celle qui lui a valu le prix d’interprétation du festival de Rome en 2007.

 

 

La cuisinière (Jiang Wenli)

 

L’ancien chef de village (Sun Haiying)

 

Là où Yan Lianke soignait sa symbolique et nous livrait une histoire à mi-chemin du rêve et de la réalité, Gu Changwei, qui est réputé pour le traitement très subtil des caractères dans ses films, accentue cet aspect du récit, aidé par une pléiade d’acteurs excellents, outre Jiang Wenli : Tao Zeru (陶泽如) dans le rôle du vieux Zhuzhu, Sun Haiying  (孫海英) dans celui du vieux chef de village, ou Wang Baoqiang  (王宝强) dans un rôle secondaire.

 

Malheureusement, la liaison entre Deyi et Qinqin est découverte, et, comme dans le livre, leur vaut la vindicte publique étant donné qu’ils sont tous deux mariés. Rejetés par leurs conjoints respectifs, ils vont vivre ensemble à l’écart du village. Et, à partir de là, le film dévie lui aussi totalement.

 

Une deuxième partie affligeante

 

Le film est dès lors centré sur les deux personnages de Deyi et Qinqin et leur histoire d’amour maudit sur fond de SIDA, alors que l’histoire correspondante dans le roman restait secondaire. Cela nous vaut des scènes répétées de manifestations de tendresse diverses, y compris une scène où Qinquin se sert de son corps humide pour rafraîchir Deyi délirant, en proie à une forte fièvre …

 

Les lourdeurs de cette deuxième partie – malgré une photographie superbe - sont accentuées par les deux acteurs dont on a pourtant fait les principales têtes d’affiche du film et la base de la publicité : le chanteur de cantopop de Hong Kong Aaron Kwok (ou Guo Fucheng 郭富城) et l’actrice Zhang Ziyi (章子怡). Ils sont trop beaux pour être vrais, et manquent totalement de crédibilité dans leurs rôles : ils ont l’allure de jeunes intellectuels citadins égarés dans un bled paumé dont ils ne partagent même pas la manière de parler, et ont l’air aussi peu malades que vous et moi.

 

Gu Changwei sur le tournage, avec Aaron Kwok (郭富城)

 

Toute la subtilité du livre et de la 1ère moitié du film part ici en miettes. Comme dans « La fondation de la République », on voit même, de temps en temps, rapidement passer une figure connue : les réalisateurs Feng Xiaogang (冯小刚) et Lu Chuan (陆川), l’acteur-réalisateur Jiang Wen (姜文), comme si leur seule présence pouvait faire prendre la sauce

 

Christopher Doyle

 

Elle ne prend pas. Même la photo ne semble pas intégrée, et pourtant elle a été confiée au grand maître Christopher Doyle – le directeur de la photo de Zhang Yimou et de

Wong Kar-wai, entre autres – et à Yang Tao (杨涛), directeur de la photo de « Little Red Flowers » (《看上去很美》) de Zhang Yuan, ou « Lan Yu » (《蓝宇》) de Stanley Kwan : les superbes paysages récurrents semblent, au fur et à mesure que progresse le film, de plus en plus plaqués comme des décors servant de transition entre deux séquences, ou deux images.

 

Le film de Gu Changwei durait initialement deux heures et demie. Il est donc possible que ce soit le format final et les coupures réalisées pour satisfaire les censeurs qui aient entraîné une deuxième partie réduite à la portion congrue, avec une perte concomitante de profondeur psychologique.

 

Mais que s’est-il passé ? Et d’abord, comment se fait-il qu’ait été autorisé un film sur un sujet jusqu’ici notoirement tabou ?

 

Le message du ministère

 

Yang Tao

 

Il s’est passé la même chose que pour « Aftershock » (6) : il s’agissait d’escamoter le politique (et les responsabilités politiques) pour présenter un événement confinant au scandale sous son aspect humanitaire et affectif. Le tremblement de terre de Tangshan tout comme le scandale du trafic du sang au Henan sont deux sujets tabous que le gouvernement chinois a décidé de dédramatiser, en utilisant le cinéma pour redorer son blason. Mais les méthodes sont bien plus insidieuses qu’aux vieux temps de la propagande maoïste.

 

Dans le cas du trafic du sang au Henan, le problème était d’autant plus ardu que les souvenirs des fautes gouvernementales sont encore frais : c’est en grande partie à cause des actions visant à supprimer la contestation du rôle de l’Etat en commençant par bâillonner les activistes et leur interdire les opérations de mise en garde et d’entraide qui auraient été utiles pour informer et mobiliser la population que le virus s’est développé à la vitesse qu’on a vue.

 

Mais la progression accélérée de la contamination ces dernières années a changé la donne et rendu nécessaire une action d’envergure, et d’information d’abord. Les chiffres publiés en 2010 par le ministère de la Santé sont atterrants : on considère qu’il y a aujourd’hui 740 000 porteurs du virus HIV en Chine, estimation qui semble conservatrice car sont inclus dans ce chiffre quelque 400 000 porteurs vraisemblables, non testés. Les décès augmentent chaque année ; ils ont atteint 7 700 en 2010.

 

Il est vrai que de grands efforts ont été faits en Chine depuis le livre de Yan Lianke pour enrayer la progression de la maladie, et soigner les malades. Mais l’un des problèmes majeurs auquel ceux-ci sont confrontés est la discrimination dont ils continuent d’être victimes, phénomène général, et pas seulement en Chine (6) né de la peur panique d’une maladie incurable qui semble encore à beaucoup une malédiction céleste. « Love for Life » a pour mission de participer à la lutte contre cette discrimination.

 

Le message est clair : les malades du SIDA sont des gens comme tout le monde, qui ont besoin d’affection et d’amour, Le malheur est que cela peut faire une affiche pour le ministère de la Santé, mais difficilement un bon film, dans les conditions de la censure actuelle.

 

Il est surtout attristant de voir un réalisateur du calibre de Gu Changwei réduit à se plier à ce genre d’exercice télécommandé sinon commandé, par désespoir de ne pas trouver les moyens de réaliser ses films, ou de ne pas pouvoir les faire distribuer s’il arrive à en réaliser un. La période actuelle est tout particulièrement  difficile pour les cinéastes ; leur liberté de manœuvre a été peu à peu réduite à une peau de chagrin depuis l’année 2004 qui peut faire figure d’année de transition dans la production cinématographique chinoise : ce fut celle qui vit la sortie de « The World » (《世界》), premier film de Jia Zhangke réalisé dans les circuits officiels. C’était le début d’une reprise en main du cinéma indépendant qui n’a fait que s’amplifier depuis lors.

 

Le film de Gu Changwei en streaming (avec sous-titres anglais) :

http://v.pptv.com/show/tap8ibmLIOHbZV78.html

 

 

Notes
(1) Yan Lianke est sans conteste l’un des romanciers chinois contemporains les plus profonds et les plus intéressants ; voir sa présentation sur :
http://www.chinese-shortstories.com/Auteurs_de_a_z_YanLianke.htm
(2) Sans comparaison avec le roman antérieur de Yu Hua (余华), « Le vendeur de sang » (《许三观卖血记》), publié en 1995, avant les débuts de l’affaire du SIDA. Situé dans la période des trente années suivant 1949, « Le vendeur de sang » a cependant l’avantage de montrer que les paysans n’avaient pas attendu les années 1990 pour vendre leur sang afin d’arrondir leurs fins de mois. Mais cela restait dans des proportions et avec des fréquences raisonnables.
(3) Gao Yaojie (高耀洁), gynécologue née en 1927, dont l’action a été déterminante dans la prévention du SIDA au Henan, et dans l’aide aux populations contaminées. Voir sa biographie et des liens vers certains de ses écrits et interviews : http://en.wikipedia.org/wiki/Gao_Yaojie
(4) Par exemple, au ‘pire’ moment, de 1992 à 1998, le secrétaire du Parti pour la province du Henan était Li Changchun (李长春), aujourd’hui membre du comité permanent du Bureau politique du Comité central du Parti. En 1998, il a été muté au Guangdong, puis, en remerciement de ses bons et loyaux services au Henan, promu au poste de responsable du Département central de la Propagande ; en 2006, l’Administration de la Presse et de l’Administration, qui dépend de ce département, a bloqué la distribution du livre de Yan Lianke. En janvier 2011, à l’occasion du 90e anniversaire de la fondation du PCC, Li Changchun a appelé les autorités concernées à « accélérer la réforme du système culturel » du pays. Elle est en de bonnes mains.
(5) Voir le texte chinois sur internet :
http://culture.163.com/special/00281M4U/dingzhuangmeng.html
(6) Voir deux excellents articles sur l’escamotage du politique dans ce film :
http://www.thebeijinger.com/blog/2010/08/02/Aftershock-Tangshan-as-a-Family-Affair
http://granitestudio.org/2010/08/02/aftershock-and-the-legacy-of-the-1976-tangshan-earthquake/
(7) Voir le remarquable film sur le sujet qu’est le « Philadelphia » de Jonathan Demme, où Tom Hanks joue le rôle d’un malade du SIDA qui a été licencié parce qu’on a découvert qu’il était séropositif et, avocat lui-même, décide de se défendre en prenant un avocat. Le film date de 1993, et dénonce à la fois les préjugés contre le SIDA et l’homosexualité.
 



A lire en complément :
« Together » : quand Zhao Liang tourne pour le ministère de la Santé

 

 

 

 

 

 

 
     
     
     
     
     
     
     
     

 

   

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 



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