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Chang Cheh / Zhang Che 张彻

Présentation

par Brigitte Duzan, 18 février 2014

 

Zhang Che (张彻), ou Chang Cheh dans sa transcription hongkongaise courante, est l’un des grands réalisateurs de Hong Kong qui a révolutionné le film de wuxia (武侠片) à partir du milieu des années 1960, dans le cadre de la renaissance des films en mandarin dans la colonie britannique sous l’égide de la Shaw Brothers.

 

C’est le succès des nouveaux films de wuxia, dont « The One-Armed Swordsman » (《独臂刀》) de Zhang Che en 1967, qui permit à la Shaw Brothers d’affirmer sa suprématie sur son rival historique, le studio Cathay qui disparut en 1970. Zhang Che fut déterminant dans la reconfiguration du genre, en mettant l’accent sur les valeurs masculines – et violentes - des héros de la tradition héritée du roman « Au bord de l’eau »  (水浒传》), tandis que King Hu (胡金铨), de son côté, préférait mettre en exergue les héroïnes martiales remontant aux chuanqi des Tang (1).

 

Chang Cheh jeune

 

Zhang Che, cependant, a eu une longue et prolifique carrière qui mérite d’être appréciée au-delà des clichés auxquels on la résume souvent. Il a réalisé une centaine de films en une quarantaine d’années, à Hong Kong, mais aussi à Taiwan et même en Chine continentale, tournant parfois jusqu’à huit films en une année. Si sa vision nouvelle du wuxia a amorcé la transition vers le film de kung-fu, il a été précurseur à bien d’autres titres, et pourfendeur de nombreuses conventions. Son œuvre est le reflet d’une personnalité complexe, nourrie de littérature et d’opéra.

 

Scénariste pendant vingt ans

 

Zhang Che n’était pas prédestiné à devenir réalisateur, et a dû se contenter longtemps d’être scénariste.

                                                                                                                                  

Années 1940 : Scénariste à Shanghai

 

De son vrai nom Zhang Yiyang (张易扬), Zhang Che est né en février 1923 dans le district de Qingtian (青田), dans le sud-est du Zhejiang. On dit que son père était un seigneur de guerre.

 

Pendant la guerre, à la fin des années 1930, il est allé faire des études de sciences politiques à l’Université nationale centrale (国立中央大学) qui se trouvait alors à Chongqing. A la fin de son cursus, il obtint un poste de scénariste au Comité central des activités culturelles (中央文化运动委员会), puis a été nommé secrétaire du Comité des activités culturelles de la ville de Shanghai (上海市文化运动委员会). C’est ainsi qu’il fit la connaissance d’artistes et de personnalités du monde du cinéma.

 

Son premier scénario date de 1947 : c’est celui de « La femme au visage masqué» (《假面女郎》), l’un des derniers films tournés à Shanghai par Fang Peilin (方沛霖) avant de partir à Hong Kong.

 

1949 : Taiwan

 

C’est à Taiwan, en 1949, que Zhang Che tourne son premier film : « Alishan dans la tourmente » (《阿里山风云》). C’est le premier film en « guoyu » (ou mandarin de Taiwan) réalisé après la chute du régime colonial japonais. Zhang Che est l’auteur du scénario, ainsi que de la chanson qui est le thème du film, d’abord intitulée « La jeune fille d’Alishan » (《阿里山的姑娘》), avant de devenir célèbre sous le titre « La haute montagne est verte » (《高山青》).

 

La chanson Gaoshan qing 高山青

 

Les événements politiques l’incitent à rester dans l’île. Il écrit ensuite surtout pour le théâtre. En 1956, il écrit le texte d’une pièce dont le rôle principal est interprété par la star de la Cathay, Li Mei (李湄), qui lui commande le scénario d’un film et l’invite à venir à Hong Kong le tourner avec elle.

 

1957 : Hong Kong

 

Le film sort en 1957 : c’est « Wild Fire » (野火). Mais c’est un échec. Zhang Che se replie sur l’écriture : critiques de films, articles divers, et même nouvelles et romans, sous des pseudonymes.

 

Ce sont ses articles et critiques qui attirent l’attention sur lui. Il est embauché comme scénariste d‘abord par la Cathay, puis, en 1962, par la Shaw Brothers qui lui permet très vite de passer à la réalisation car le studio était en plein développement.

 

Réalisateur vedette de la Shaw Brothers

 

1963-67 : Premiers films

 

Dès 1963, le studio lui confie en effet la coréalisation, avec Yuan Qiufeng (袁秋枫), d’une adaptation d’un opéra huangmei : « The Butterfly Chalice » (蝴蝶杯). D’une part, Zhang Che y montre son amour de l’opéra, mais il en profite, déjà, pour pourfendre une convention : le personnage masculin est interprété par un homme, Jin / Chin Feng (金峰), et non par une femme. D’autre part, on trouve au générique des acteurs qui vont devenir des figures clefs de la première génération d’acteurs de Zhang Che : outre Jin Feng, Lo Lieh (罗烈), Tian Feng (田丰), Wu Ma (午马)...

 

Au niveau du style, cependant, Zhang Che est, dans ce film, clairement influencé par Li Han-hsiang (李翰祥) dont « The Love Eterne » (《梁山伯与祝英台》) sort d’ailleurs la même année.

 

Bande annonce de The Butterfly Chalice (sous-titres anglais)

 

L’année suivante, en 1964, Zhang Che tourne « The Tiger Boy » (虎侠歼仇), dans lequel apparaît pour la première fois celui qui va devenir son premier acteur fétiche : Jimmy Wang / Wang Yu (王羽). Avec « The Magnificent Trio » en 1965 (边城三侠), ce sont deux films qui préfigurent les grands films de wuxia qui vont suivre dans la carrière de Zhang Che, et dont « The One-Armed Swordman » (《独臂刀》), en 1967, est la première grande réussite.

 

1967 :Le sabreur manchot, violence et opéra

 

Cheng Peipei et Wang Yu dans Golden Swallow

 

Avec ce film, Zhang Che fixe ses codes et son esthétique, qu’il développera tout au long des années suivantes.

 

A une époque où les actrices concentraient à Hong Kong tout l’intérêt des spectateurs, où King Hu faisait de Cheng Pei-pei (郑佩佩) l’Hirondelle d’or de son film éponyme, et la digne descendante des grandes actrices de wuxia qui avaient enflammé les foules à la fin des années 1920 à Shanghai, Zhang Che exalte les valeurs masculines de fraternité et d’héroïsme et donne les rôles principaux à

ses acteurs. Même quand il réalise une suite à « L’hirondelle d’or » de King Hu, avec « Golden Swallow » (金燕子) en 1968, le personnage féminin cède la primeur à son homologue masculin.

 

Brisant une autre convention, les héros de Zhang Che sont promis à des morts magnifiques, dans des bains de sang filmés de façon réaliste, avec poches de sang éclatant sous le choc des lames, mais en fait d’un sur-réalisme épique renvoyant aux mises en scène d’opéra. La violence devient un facteur clef dans ses scénarios : Zhang Che apparaît comme le maître d’une esthétique de la mort et de la violence, d’un style qualifié de yanggang (阳刚) qui est une ode fervente à la masculinité.

 

L’histoire de « The One-Armed Swordman »  reprend cependant bien des thèmes traditionnels du wuxia, et en particulier la liberté individuelle, teintée d’esprit rebelle et la fidélité aux maîtres, jusqu’au sacrifice.

 

Quand l’école de l’Epée d’or est attaquée, le serviteur Fang Cheng sacrifie sa vie pour sauver celle de son maître

 

One-Armed Swordsman

Qi Rufeng (齐如峰) qui, par gratitude, accepte son fils Fang Gang (方刚) comme élève. Mais celui-ci est 

 

En 1967, sur le tournage de One-Armed Swordsman

 

méprisé par les autres élèves. Au cours d’un combat, dépitée de ne pas avoir de succès auprès de lui, la fille unique du maître, Qi Pei (齐佩), lui tranche un bras. Il est sauvé par une jeune paysanne, Xiao Man (小蛮), qui lui confie un vieux manuel familial où il trouve la description d’un style spécial pour épéiste manchot. Quand l’école est à nouveau attaquée, Fang Gang peut sauver son maître, mais il préfère, à la fin, se retirer à la campagne pour mener une vie tranquille avec Xiao Man.

 

Cette conclusion est typique des nouvelles de wuxia depuis les chuanqi des Tang, mais Zhang Cheen a inversé les codes : habituellement, ce sont les héroïnes, les nüxia, qui disparaissent une fois leurs hauts faits terminés. L’histoire se termine par quelques mots laconiques : et on ne l’a plus jamais revue, ou : on n’a plus jamais entendu parler d’elle. Ici c’est le xia, le héros masculin, qui renonce à prendre la tête de l’école, et se retire dans une vie qui n’est même pas monastique, simplement ordinaire. Le film se termine par un

 

Avec son assistant John Woo

anti-climax que l’on peut rapprocher de la fin heureuse des mélodrames traditionnels du cinéma de Hong Kong, cantonais surtout, à l’époque.

 

L’Assassin

 

« The One-Armed Swordman » a été un incroyable succès commercial, propulsant Jimmy Wang au rang de star, préfigurant Bruce Lee ; c’est le premier film de Hong Kong à avoir dépassé le million de dollars de HK, confirmant le flair de Zhang Che, premier à avoir senti que le public demandait maintenant des héros masculins.

 

Hong Kong était en plein tumulte : l’année 1967 est marquée par des émeutes, et c’est pendant ces émeutes que Zhang Chen tourne « The Assassin » (大刺客). Les

valeurs de révolte et de liberté individuelle prônées dans ces films prennent donc une signification particulière dans le contexte politique de la colonie.

 

1968-71 : de Jimmy Wang à David Chiang

 

En 1969, « Return of the One-Armed Swordsman» (独臂刀王), après « Golden Swallow», parachève codes et règles, avec une pléiade d’acteurs qui constituent une première génération autour de Jimmy Wang. Zhang Che est épaulé par un duo de chorégraphes, Tong Gaai / Tang Gang (唐佳), formé à l’opéra cantonais, et Lau Kar-leung / Liu Jialiang (刘家良), qui règlent les scènes de combats comme des séquences martiales d’opéras. Même les scènes d’éventration, qui deviennent récurrentes à partir de « Vengeance » (报仇),  en 1970, sont inspirées d’une tradition opératique ; d’ailleurs, ce film est adapté d’un opéra, « The Frontier Gate » (《界牌关》).

 

 

Bande annonce de Vengeance

  

« Vengeance » marque une nouvelle étape. Nouvelle étape, d’abord, dans l’esthétique, avec un jeu de couleurs bleutées qui saturent l’atmosphère dès la séquence initiale, mais aussi dans la technique, avec en particulier une utilisation poétique duralenti pour filmer la mort du héros, comme dans une extase finale. Dans « Vengeance », le personnage interprété par Ti Lung avance ainsi au ralenti vers la mort qui l’attend dans la maison de thé en tenant à la main une cage d’oiseaux – scène d’une beauté irréelle dont John Woo a repris l’image en 1992 au début de « Hard Boiled » - ou

 

The New One-Armed Swordman

« A toute épreuve » - (辣手神探) : Chow Yun-fat apparaît marchant lentement en tenant lui aussi une cage d’oiseaux…

 

David Chiang et Ti Long en 1969, au moment du « New One-Armed Swordsman »

 

Nouvelle étape, aussi, dans le choix des acteurs avec, après le départ de Jimmy Wang de la Shaw Brothers, la consécration du formidable duo d’acteurs Ti Lung (狄龙) / David Chiang / Chiang Da-wei (姜大卫) que l’on retrouve dans les films de Zhang Che pendant toute la décennie 1970, à commencer, en 1971, par « The New One-Armed Swordsman », en français « La rage du tigre » (新独臂刀).

 

Ce film est un remake du premier qui porte à son paroxysme la violence inhérente à l’univers de Zhang Che. Le scénario, signé Ni Kuang (倪匡) comme le premier, est une histoire de vengeance typique des films de Zhang Che, et des films de wuxia en général, mais avec un côté provoquant dans le sanguinaire et l’atroce. L’histoire supprime la relation complexe avec les deux femmes au cœur du premier film pour se concentrer sur celle – ambigüe et exaltée – entre les deux « héros », l’infirme Chiang anéantissant une armée pour

venger la mort de son ami démembré, attaché à des chaînes.

 

Dans ce film, le réalisateur décline ses images devenues obsessionnelles en incroyables morceaux de bravoure restés célèbres pour leur démesure. On est proche de l’opéra dans sa dimension symbolique. Et c’est cette dimension symbolique du « sabreur manchot » qui sera reprise, comme en hommage, par Tsui Hark (徐克) quand il signera en 1995 une nouvelle version de ses exploits : « The Blade » ().

 

En 1972, sur un autre scénario de Ni Kuang, cette fois adapté d’un épisode du grand classique de Shi Nai’an (施耐庵), « The Water Margin »  (水浒传) est une dernière œuvre de la période reprenant les mêmes acteurs et thèmes de vengeance sanglante, mais comme apaisée, avant de passer, la même année, à un style différent….

 

A partir de « Vengeance », au début des années 1970, Zhang Che fait évoluer le style du wuxiades combats à l’épée aux

 

Water Margin

jeux très réalistes de « fists and legs », se posant ainsi en précurseur du kung-fu que Bruce Lee va populariser à partir de « The Big Boss » en 1971. Un Bruce Lee que Zhang Che ne réussira pas à faire entrer à la Shaw Brothers….

 

1972-1976 : The Boxer from Shantung et la série des Shaolin

 

The Boxer from Shantung

 

En 1972, « The Boxer from Shantung » - ou « Le justicier de Shanghai » - (《马永贞》) apparaît plus comme un film de gangsters que de wuxia, mais avec une conclusion désabusée qui tranche avec les règlements de compte habituels du genre. Aux côtés de David Chiang, le film consacre comme nouvel acteur clef Chen Kuan-tai (陈观泰), apparu dans « Vengeance » en 1970.

 

L’année suivante, cependant, marque une nouvelle étape dans la filmographie de Zhang Chen : des films situés dans la dynastie des Qing, avec de méticuleuses reconstitutions des décors et des costumes. Celui qui amorce la série est « Blood Brothers » (《刺马》), interprété par  le trio David Chiang / Ti Lung / Chen Kuan-tai, sur une chorégraphie de Lau Kar-leung. On ne peut s’empêcher – malgré ses dénégations - de voir un remake de ce film dans celui de 2007 de Peter Chan (陈可辛) « The Warlords » (《投名状》), qui s’appelait à l’origine…

« The Blood Brothers ». C’est sans aucun doute un reflet de la fascination exercée par Zhang Che sur Peter Chanqui lui a de nouveau été comparé lors de la sortie de son dernier film, « Wuxia » (《武侠》), en 2011 (2).

 

Au milieu des années 1970, il tourne une série de films sur des thèmes historiques : la rébellion des Boxers, Marco Polo… En même temps, Zhang Che introduit le genre du kung-fu, qui est une extension logique de sa filmographie centrée sur les exploits physiques de héros incarnés par des stars d’arts martiaux. Les grands classiques de la période, de1974 à 1976, sont les films décrivant la rébellion des moines de Shaolin contre la dynastie des Qing, conduisant à la destruction du monastère, dont, en 1974, « Five Shaolin Masters » (《少林五祖》) et, en 1976, « Shaolin Temple » (少林寺), le second étant le prologue du premier et se terminant par l’attaque de l’armée des Qing, ne laissant que huit survivants parmi les moines.

   

Chang Cheh en tournage

dans les années 1970

 

 

Le film de Shaolin Temple

 

The Brave Archer

 

Dans ce dernier film, on retrouve les acteurs vedettes de Zhang Che, dont, en têtes d’affiche, David Chiang et Ti Lung, avec un nouveau venu, Fu Sheng (傅声), que Zhang Che avait remarqué dans la Southern Drama School de la Shaw Brothers où il était entré en 1971.

 

Fu Sheng va jouer de 1977 à 1982 dans la série des « Brave Archer » adaptés de la trilogie de Jin Yong (金庸) « The Legend of the Eagle-Shooting Heroes » (射雕英雄传) – quatre films sur des scénarios de Ni Kuang aussi complexes que les histoires originales de Jin Yong, mais où l’intérêt réside dans l’exaltation de la fougue et des corps des acteurs et dans les scènes d’action, filmées en couleurs superbes et en plans longs mettant en valeur la gestuelle chorégraphiée.

 

Zhang Che était un fin lettré, mais a rarement tenté d’adapter des œuvres littéraires, sauf « Water Margin » et Jin Yong, justement – et il n’a pas considéré ces adaptations comme

ses meilleures œuvres. Il a insisté sur le fait que ses scénarios sont des œuvres originales. Ils sont en

 

Ses acteurs fétiches avec le réalisateur : de g. à dr.

Fu Sheng, Ti Lung, Chang Cheh et David Chiang

 

général calqués sur les histoires traditionnelles de la littérature de wuxia, mais surtout construits sur quelques-uns de leurs thèmes principaux, axés sur les valeurs viriles des xia. En fait ils sont d’abord structurés selon des schémas récurrents de revanche automatique : l’amputation d’un héros doit entraîner ipso facto celle d’un méchant, et la mort de deux méchants être équilibrée par celle de deux héros…. Tout semble dicté par une logique mathématique qui laisse l’esprit aux prises avec l’image.

 

1978-1989 : les cinq poisons et les super ninjas

 

La période suivante est marquée par cinq autre acteurs introduits, en plus de Fu Sheng, dans « Shaolin Temple » : les « Five Venoms » (ou cinq poisons) qui donnent leur nom en 1978 à un film annonçant un changement de style lié, comme souvent chez Zhang Che, au changement d’acteurs (et, dans ce cas, de chorégraphe) : « The Five Deadly Venoms » (五毒》).

 

Le film est l’histoire d’un groupe de cinq experts d’arts martiaux ayant chacun un style lié à un animal particulier et désigné comme tel : le mille-pattes (蜈蚣), le serpent (), le scorpion (蝎子), le lézard (壁虎) et le crapaud (蛤蟆). Les acteurs se connaissaient depuis l’enfance, et avaient été formés à l’école de l’opéra de Pékin de Taiwan avant d’entrer à la Shaw Brothers et de rencontrer Zhang Che.

 

C’était après la rupture de celui-ci avec son chorégraphe Lau Kar-leung à la suite du tournage de « Disciples of Shaolin »

 

The Five Deadly Venoms

(洪拳小子), en 1975. Les cinq acteurs seront aussi chorégraphes des films où ils joueront, dont  

 

Crippled Avengers

 

« Crippled Avengers » (残缺), un film qui atteint des sommets dans l’atrocité, certes, mais aussi dans l’inventivité des scènes d’action.

 

Ici encore, le scénario est bâti sur une histoire de revanche impitoyable : un homme dont le fils a eu les mains tranchées par des ennemis se venge sur les coupables en les mutilant un à un, les quatre hommes s’entraînant alors pour développer les capacités qui leur restent afin de se venger à leur tour. Le film baigne dans une atmosphère macabre, mais d’un esthétisme extrême dans la chorégraphie des combats et jusque dans les couleurs, le rouge omniprésent du sang versé se détachant sur les

couleurs saturées des décors et costumes. Il y a quelque chose de baroque dans « Crippled Avengers », comme dans les « Chinese Superninjas » (五遁忍术) de 1982.

 

Mais c’est un baroque qui annonce une décadence, comme un ultime feu d’artifice. Dans les années 1980, Zhang Che a du mal à se renouveler et s’essouffle peu à peu. Il est passé de mode à Hong Kong. Il va tourner à Taiwan, puis en Chine continentale, une fois encore anticipant un mouvement qui va s’amplifier à partir de la fin des années 1990.

 

Rebond de carrière en Chine

 

1986-1993 : six films en Chine

 

En 1984, Zhang Che tourne encore un film avec la Shaw Brothers, « Dancing Warrior » (霹雳情), puis, à partir de 1986 et « Great Shanghai 1937 » (大上海1937), il tourne six films en Chine.

 

Mais il est malade, et atteint d’une surdité croissante.

 

1989 : Just Heroes

 

Aussi, en 1989, ses anciens collaborateurs et acteursse réunissent-ils pour réaliser un film afin de lui permettre, grâce aux bénéfices réalisés, de prendre une retraite tranquille en se consacrant à l’écriture. Y participent entre autres David Chiang, Ti Lung, Danny Lee, et même Yuen Woo-ping, comme souvent chez Zhang Che dans un rôle secondaire ; il est réalisé par l’ancien assistant de Zhang Che du temps de « One-Armed Swordsman », John Woo (吴宇森) resté l’un de ses plus indéfectibles admirateurs et disciples, assisté de Wu Ma.

 

Le film sort en 1989 sous le titre de « Just Heroes »

 

Just Heroes

(《义胆群英》). Selon John Woo lui-même, le budget étant très serré, il a rapporté des bénéfices appréciables. Mais Zhang Che l’a mal pris : il n’avait aucunement l’intention de prendre sa retraite. Il a donné l’argent à des étudiants en cinéma, puis est reparti tourner en Chine.

 

L’équipe de Just Heroes autour de Chanc Cheh

en 1989, avec john Woo à droite

 

Son dernier film date de 1993. Il est décédé en juin 2002 à Hong Kong.

 

Zhang Che a initié un mouvement totalement nouveau de films de wuxia, puis de kung-fu, et exercé une influence considérable sur toute une génération de réalisateurs hongkongais qui ont suivi ses traces. Il continue à être considéré comme l’un des grands parrains du cinéma de Hong Kong, mais il a aussi été le mentor de Quentin Tarantino, qui s’est inspiré de lui pour concevoir son propre univers, à commencer par « Kill Bill » : le scénario est une histoire de vengeance que n’aurait pas reniée Zhang Che,

mais Tarantino pervertit cependant l’univers et les codes de son modèle en faisant d’une tueuse à gages son personnage principal.

 

L’héritage de Zhang Che est plutôt à rechercher à Hong Kong, où il a sans doute été mieux compris qu’ailleurs. Dans les témoignages de ses proches, on lit l’admiration et le respect pour un personnage d’une grande culture, témoin ces souvenirs de John Woo :

Dès notre première rencontre je fus très impressionné par l’homme. C’était un véritable gentleman, toujours très élégant, et surtout un intellectuel, l’incarnation contemporaine des anciens lettrés chinois (peu de personnes savent qu’il est, entre autres, un véritable maître calligraphe). Le plus frappant, au bout du compte, c’est que sa personnalité ressemblait à s’y méprendre à celle des personnages de ses films : un esprit chevaleresque toujours rivé aux notions d’honneur et de loyauté. Il m’appréciait beaucoup, comme il appréciait d’ailleurs tous les gens qui, à l’époque, tentaient de faire bouger les choses…. (3)

 

Ses films en apparaissent d’autant plus comme ceux d’un esthète.

 

 

Notes

(1) Sur les nüxia des chuanqi, voir : www.chinese-shortstories.com/Reperes_historiques_

Wuxia_Breve_histoire_du_wuxia_xiaoshuo_I_2a.htm

(2) Voir l’article du 4 juillet 2011 : http://news.mtime.com/2011/07/04/1463903.html

从张彻到陈可辛:华语“新武侠”前世今生考

De Zhang Che à Peter Chan : la vie antérieure et l’existence actuelle du  « nouveau wuxia ».

(3) Chang Cheh par John Woo, hors-série spécial Asie (été 1993) de la revue "Le Cinéphage".

 


 

A voir en complément

 

Documentaire de la Shaw Brothers sur Zhang Che :

 

1ère partie

 

2ème partie

 


 

A lire en complément

 

Un article de Zhang Che sur les croisements de cultures occidentale et orientale et le mélange des cultures du peuple et de l’élite à la base du wuxia, l’influence de l’opéra et de Kurosawa, le parallèle avec King Hu, sa lutte contre les conventions, etc…

"Creating the Martial Arts Film and the Hong Kong Cinema Style,"

in The Making of Martial Arts Films -- As Told by Filmmakers and Stars

Hong Kong film archive, 1999, pages 16-24

http://changcheh.0catch.com/ar/art4.htm

 

     

 

 
 
     
     
     
     
     
     
     
     

 

   

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 



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