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Gu Changwei 顾长卫

Né en 1957

Présentation

par Brigitte Duzan, 16 juin 2012, actualisé 06 février 2015

 

Gu Changwei (顾长卫) a d’abord été chef opérateur, et il est reconnu comme l’un des chefs opérateurs les plus géniaux du cinéma chinois contemporain. Avec « Le paon » (孔雀), en 2005, il s’est affirmé également comme un metteur en scène de grand talent.

 

Chef opérateur de la cinquième génération

 

Gu Changwei (顾长卫) est né en 1957 à Xi’an, dans le Shaanxi, dans une famille d’enseignants. Tout jeune, doué d’une grande sensibilité artistique, il envisage de devenir peintre. C’est un enfant timide, qui bégaie un peu : il en a longtemps gardé une certaine réticence à s’exprimer en public.

 

Eveil d’un cinéaste

 

Gu Changwei

 

Après le lycée, il a travaillé dans un cinéma local. C’est ainsi qu’il a pu voir un grand nombre de films et a commencé à s’intéresser au cinéma. Mais il lui a fallu attendre la fin de la Révolution culturelle, et la réouverture de l’Académie du cinéma de Pékin, en 1978, pour pouvoir commencer ses études. Il fait donc partie de la célèbre promotion de 1982, celle des réalisateurs dits de la cinquième génération, mais lui est issu du département photo, comme Zhang Yimou.

 

La première épreuve du concours d’entrée pour ce département était une épreuve de dessin. La base de la sensibilité artistique de ces futurs cinéastes était en effet picturale, et Gu Changwei en est un exemple type. Mais ce n’est pas la peinture chinoise qui l’a le plus influencé, comme il l’a expliqué :

 

« Bien sûr, les films chinois ont une touche typiquement chinoise, mais cela ne veut pas dire que l’on doive être obsédé par la recherche de nos racines en peinture traditionnelle. Ce n’est pas nécessaire. J’aime les tableaux occidentaux parce qu’ils sont lumineux. La lumière est si fascinante ! Quand j’étais enfant, j’aimais observer les nuages. Il leur arrive de cacher le soleil, en le couvrant petit à petit, tout doucement. Et soudain surgit un rayon de lumière qui s’élance jusqu’à terre, comme une flèche. Tout le sol est dans l’ombre, il y a juste, dans le lointain, ce petit point de lumière. En voyant ce point bouger, j’avais l’impression d’un signe du dieu de la nature. Une impression quasiment cosmique. » (1)

 

Voilà donc, dès l’abord, l’une des caractéristiques fondamentales de Gu Changwei : il a su adapter son style à chacun des films dont il a signé la photographie, mais on retrouve chaque fois cet extraordinaire sens de la lumière. Il y est souvent revenu, disant qu’il n’aimait pas les contrastes violents, mais plutôt les lumières mystérieuses, un peu fantomatiques, et surtout celles qui offrent une gradation de nuances subtiles et fluides, comme les variations de thèmes musicaux dans une symphonie.

 

Premiers pas

 

Il a fait ses premiers pas de chef opérateur en participant à l’un des films de fin d’études de l’Académie du cinéma : « Our Fields », tourné en 1981 sur un scénario de Pan Yuanliang (潘源良) : une histoire terriblement prenante de jeunes envoyés défricher les terres sauvages du Grand Nord. Gu Changwei fut du groupe parti faire du repérage dans le nord du Heilongjiang en mai 1981.

 

Le tournage dura ensuite six semaines, sous la supervision de Xie Fei (谢飞). Des tensions se produisirent, Xie Fei voulant parfois imposer ses vues pour gagner du temps. Gu Changwei montra à plusieurs occasions qu’il avait ses propres opinions sur la manière de filmer, et qu’il était capable d’opiniâtreté quand ses principes esthétiques étaient en jeu (2).

 

A sa sortie de l’Académie, il fut affecté au studio de Xi’an (西安电影制片厂)

 

Chef opérateur au studio de Xi’An

 

Il fit là ses premières armes comme chef opérateur de deux films de Teng Wenji (滕文骥), en 1984 et 1985 : « On the Beach » (《海滩》) et « Big Star » (《大明星》). Puis, en 1986, il signa la photo du film de Zhang Zi’en (张子恩) « The Miraculous Pigtail » (《神鞭》), adapté de la nouvelle éponyme de Feng Jicai (冯骥才) (3).

 

The Miraculous Pigtail

 

Mais c’est l’année suivante, en 1987, que sa carrière décolla brusquement…

 

Chef opérateur de Chen Kaige, Zhang Yimou, Jiang Wen…

 

 

Le sorgho rouge

 

 

En 1987, en effet, il fut le chef opérateur à la fois de Chen Kaige (陈凯歌) pour « Le Roi des Enfants » (孩子王)  et de Zhang Yimou (张艺谋) pour « Le Sorgho rouge » (《红高粱》), d’après une nouvelle de Mo Yan (莫言) (4).

 

Nouvel An à Mott Street, 1989, Photo Ai Weiwei

 

C’est dans ce film, véritablement, que Gu Changwei montre pour la première fois l’étendue de son génie de la lumière et des couleurs, le vert luxuriant tournant au rouge du sorgho s’opposant à l’âpreté des ocres du désert du Shaanxi, ces ocres mêmes que Zhang Yimou avait magnifiés dans « La Terre jaune ». Gu Changwei révèle dans ce film un sentiment profond, presque religieux, de la nature et de la vie que l’on retrouvera comme une ligne de fond dans son travail.

 

C’est l’art de Gu Changwei qui permet au film d’atteindre la dimension quasiment mystique que Zhang Yimou voulait lui donner, en particulier dans les scènes à l’intérieur de la distillerie, avec ses teintes dorées, comme noyées dans une fumée d’encens.

 

Ce sont des couleurs et une qualité d’image qu’on ne verra guère plus : le film a été tourné en Technicolor. En effet, les Américains étant passés à une technologie plus rapide et moins chère, les usines Technicolor avaient fermé leurs portes un peu partout ; lorsque l’usine anglaise ferma en 1978, elle vendit son matériel au laboratoire de film et de vidéo de Pékin. Un grand nombre de films de Chine continentale et de Hong Kong furent alors réalisés en utilisant ce procédé.

 

En 1990, Gu Changwei travailla encore avec Zhang Yimou, pour tourner « Judou » (《菊豆》), également en Technicolor. Puis 1993 est pour lui une année triomphale : celle de la sortie du film de Chen Kaige « Adieu ma concubine » (霸王別姬), couronné de la Palme d’or au festival de Cannes, ainsi que du prix FIPRESCI de la critique internationale. Tout le monde s’accorde pour reconnaître que la photographie, signée Gu Changwei, est l’un des facteurs de la réussite du film.

 

Adieu ma concubine

 

In the Heat of the Sun

 

1993 est aussi l’année de son mariage avec l’actrice Jiang Wenli (蒋雯丽), et celle de sa collaboration avec un réalisateur moins connu, Zhou Xiaowen (周晓文), comme chef opérateur de son film « The Trial » (《狭路英豪》). Ce n’est pas une œuvre majeure, mais le personnage principal est interprété par Jiang Wen (姜文).

 

Or l’année suivante, en 1994, celui-ci passe derrière la caméra, et c’est Gu Changwei qu’il choisit comme chef opérateur, pour un film où la lumière est également importante : « In the Heat of the Sun » (《阳光灿烂的日子》). Gu Changwei sera aussi son chef opérateur pour « Les démons à ma porte » (鬼子来了), cette fois-ci pour un superbe travail sur le noir et blanc.  Mais il se sera passé près de six ans entre les deux…

 

Transition

 

Pendant les cinq années de 1995 à 2000, Gu Changwei se forme aux Etats-Unis où il se familiarise en particulier avec les méthodes de production américaines. Il travaille alors avec des réalisateurs américains, comme le réalisateur shanghaien émigré Sherwood Hu dont il est le chef opérateur pour « Warrior Lanling » (兰陵王), film qui lui vaut le prix de la meilleure photographie au 15ème festival de Hawaï en 1995. Il a aussi travaillé avec Robert Altman, pour « The Gingerbread Man » en 1997, et en a appris pas mal de techniques.

 

Réalisateur original

 

Quand il rentre en Chine, en 2000, Gu Changwei décide de passer lui-même derrière la caméra. Les films qu’il tourne alors n’ont pas grand-chose à voir avec ceux de la cinquième génération, et beaucoup plus de points communs avec la

 

Les démons à ma porte

 

Le paon (Peacock)

 

sixième, surtout pour le choix des sujets : des personnages ordinaires de la vie courante, marginalisés dans la société. Ils sont en outre situés dans des petites villes chinoises où ces personnages ont du mal à trouver une place qui corresponde à ce dont ils rêvent.

 

Son premier film est « Le paon » (孔雀), couronné de l’Ours d’argent/Grand prix du jury au festival de Berlin en février 2005. C’est l’un des films les plus réussis sur le thème des difficultés rencontrés par les gens modestes au moment où la Chine se lançait dans son décollage économique.

 

L’expérience du réalisateur rejoint celle du scénariste pour faire de ce film, à travers les vies de deux frères et de leur sœur,  le récit d’une époque qui est celle de leur jeunesse à tous les deux, la fin des années 1970 et le début des années 1980. Objectif, selon Gu Changwei lui-même : « Laisser la

vie se dérouler aussi naturellement que possible… » Il y a une image symbolique, mais elle est rejetée à la fin du film : elle l’éclaire a posteriori.

 

En 2007, son second film, « Le premier souffle du printemps » ou « Lichun » (《立春》), n’a pas connu le même succès que le premier. Le rôle principal y est pourtant magistralement interprété par son épouse, l’actrice - et maintenant réalisatrice - Jiang Wenli (蒋雯丽), qui a obtenu pour son interprétation le prix de la meilleure actrice au festival de Rome en 2007.

 

Ce personnage principal est une femme « laide » - c’est spécifié littéralement dans le scénario – qui a une superbe voix et rêve d’être chanteuse d’opéra, mais n’arrive pas à dépasser le niveau de petit professeur de chant dans une petite ville des confins de la Mongolie intérieure. C’est un film complexe et déroutant, qui reste méconnu.

 

 

Lichun

 

Le tournant de « Love for Life »

 

Love for Life

 

Gu Changwei a eu du mal, ensuite, à trouver le financement d’un autre film. C’est sans doute ce qui l’a poussé à accepter la commande du gouvernement pour un film sur le SIDA : ce fut « Love for Life » (《最爱》) en 2011. Encensé par beaucoup, c’est en fait un film bancal et décevant, avec une première partie qui ressemble plus ou moins à du Gu Changwei, et une deuxième partie totalement différente, qui tourne à la guimauve. Evidemment, on comprend bien que Gu Changwei n’a pas eu les coudées franches, mais on aimait bien l’étudiant obstiné qui s’opposait à son maître Xie Fei.

 

Malgré tout, on sent encore dans ce film cette fabuleuse foi en la vie qui est celle du réalisateur. C’est elle aussi que l’on retrouve dans son superbe court métrage réalisé en 2012 dans le cadre d’un projet youku réunissant quatre films sur le thème « Beauté 2012 » (美好2012”): « Long Tou » (《龙头》). Ce court métrage semble d’ailleurs être comme

l’émanation de la pensée qui n’a pas pu s’exprimer librement dans « Love for Life ». D’ailleurs on

retrouve, comme acteurs, une scénariste du film et l’écrivain Yan Lianke dont un roman est sensé avoir fourni la base du scénario.

 

Il est quand même rageant que ce soit un film comme « Love for Life » qui ait valu à Gu Changwei la notoriété qu’il n’avait pas réussi à obtenir avec ses deux premiers films. On espérait cependant que le succès de ce film lui permettrait de trouver les financements et les soutiens nécessaires pour réaliser des projets personnels… mais cela n’a pas été le cas.

 

 

Long Tou

 

Love on the Cloud

 

Gu Changwei est ensuite passé à la comédie urbaine, avec « Love on a Cloud » (微爱之渐入佳境), sorti pour les fêtes de Noël 2014, un film dans l’air du temps, production de la Huayi Brothers, avec Angelababy et le nouvel acteur Michael Chen (ou Chen He 陈赫), dont le seul objectif était de parvenir à bien se placer au box office. Ce qu’il a assez bien réussi, se plaçant en seconde position derrière la grosse coproduction en 3D de Tsui Hark sorti au même moment, « The Taking of Tiger Mountain » (智取威虎山).

 

 

 

 

Notes

(1) Cité par Ni Zhen, in Memoirs from the Beijing Film Academy, trad. Chris Berry, Duke University Press 2002, p. 42-43. (ma traduction)

(2) Voir Ni Zhen, op. cité, p. 140.

(3) Sur Feng Jicai, voir : www.chinese-shortstories.com/Auteurs_de_a_z_FengJicai.htm

 

 

Gu Changwei lors de la deuxième édition

du Festival du Cinéma chinois en France

(Photo Pierre Demont)

 


 

Filmographie

(en tant que réalisateur)

 

2005 Le paon 孔雀

2007 Lichun 《立春》

2011 Love for Life 《最爱》

2012 Long Tou 《龙头》 (court métrage)

2014 Love on a Cloud微爱之渐入佳境

 

 

 

 

 

 
     
     
     
     
     
     
     
     

 

   

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 



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