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« Love on Gallery Bridge » : un film original de Chen Li

par Brigitte Duzan, 1 juin 2022

 

Au milieu d’une série de films historiques, coproductions du Studio du 1er août, sur des thèmes allant de la révolution à la guerre [1], la réalisatrice Chen Li (陈力) a tourné un film d’un autre genre qui mériterait d’être plus connu : un mélodrame original contant l’histoire d’ une ancienne chanteuse d’opéra revisitant sa vie en flashback : « Love on Gallery Bridge » (爱在廊桥), sorti en 2012.

 

 

Love on Gallery Bridge

 

 

Un scénario original

 

Le film se passe dans un petit village du district de Shouning (寿宁县) de la ville de Ningde (宁德), dans le nord-est du Fujian. Le film commence par une représentation de l’opéra Beilu (北路戏), représentation exceptionnelle car c’est la millième de la troupe : tout le village y assiste, dont l’ancienne chanteuse de la troupe, Yimei (依妹), maintenant âgée. Mais les images de l’opéra se mêlent dans son esprit à celles d’un accident de bus et d’un incendie du rideau de scène, deux catastrophes vues en flash-backs très rapides. C’est à travers ces bribes de mémoire fragmentaire qu’émerge peu à peu une histoire d’amour tourmentée entre Yimei et trois autres personnages.

 

 

Le vieux village

 

 

L’accident de bus se révèle avoir été la catastrophe qui a bouleversé la vie de ces quatre personnages : Fukun (福坤) qui avait repris la direction de la troupe d’opéra après la mort de leur maître et avec lequel Yimei devait se marier, Lin Changtian (林长天) qui était son partenaire depuis l’enfance dans la troupe et le rival de Fukun, et enfin Wang Shuncheng dit Ah Wang (阿旺), le cuisinier du village, désespérément amoureux de Yimei mais qui a finalement épousé la sœur de Changtian.

 

L’équilibre fragile entre ces personnages est rompu par l’accident : Ah Wang a sauvé Yimei des décombres du bus, sans se préoccuper de Fukun. Par ailleurs, Changtian a une maladie de cœur qui le fragilise. Après avoir passé vingt ans d’une vie d’errance, il est rappelé au village pour restaurer la fresque du temple qu’abrite le pont-galerie, et en particulier l’image du bouddha que tout le monde vénère.

 

Son arrivée ravive les tensions et les blessures mal cicatrisées, surtout quand il s’avère que Fukun n’est pas mort dans l’accident…

 

Un film tout en tension sur fond d’opéra local

 

Le film a été conçu dans un double but de promotion à la fois des ponts-galeries (廊桥) qui font la célébrité de cette région du Fujian, et en particulier du district de Shouning où a été tourné le film, et de l’opéra local, le Beilu xi (北路戏), qui est parfaitement intégré dans le scénario. Cet opéra Beilu est une variante du Luantan (乱弹) de Wenzhou, une variété d’opéra Min chanté dans la langue parlée par la majorité de la population locale : le dialecte Min de Fuzhou, le Min oriental ou Mindongyu (闽东语).

 

 

Une scène d’opéra remémorée

 

 

Par ailleurs, l’une des particularités de la préfecture de Ningde est de regrouper sept subdivisions administratives habitées par l’ethnie She (Shēzú xiāng 畲族鄉) dont les chants, proverbes et coutumes font l’objet de recherches et de publications [2]. Le film rend hommage à l’une de leurs coutumes, le diàojiǔlóu (吊九楼), un divertissement de fêtes, en particulier matrimoniales, qui consiste à grimper sur une « tour » faite de neuf tables carrées assemblées l’une sur l’autre. On aperçoit de temps à autre des femmes en costume she passant dans la rue ou priant devant le bouddha, mais sans que ce soit exagérément souligné.

 

 

La scène du diàojiǔlóu

 

 

Le pont est filmé comme une sorte de vestige témoignant de la richesse de la culture locale, au centre de la vie du village. Ce qui rythme le film, cependant, ce sont les extraits d’opéra, en particulier un morceau répété par le duo Yimei-Changtian pour la fameuse millième représentation et qui forme le leitmotiv de toute l’histoire.

 

 

Le pont couvert à l’arrière-plan

 

 

Fort heureusement, l’intention promotionnelle de départ n’affleure que très peu [3] ; le pont et l’opéra servent en fait superbement le film, en évitant le simple mélodrame. Les riches couleurs de la palette du directeur de la photo Huang Shan (黄山) apportent un supplément d’âme à ce qui dépasse le simple décor.

 

 

Bleu et rouge des photos d’intérieur

 

 

Un formidable quatuor d’acteurs

 

Ce qui rend le film particulièrement attachant, cependant, c’est son interprétation. Les quatre interprètes principaux ne sont pas des stars médiatisées, mais ils n’ont pas été choisis au hasard : ils incarnent leurs personnages.

 

- L’actrice qui interprète le rôle de Yimei est Xu Shouli (徐守莉) ; c’est elle qui interprétait le rôle de Qiuyun (秋云) dans le superbe film de Huang Shuqin (黄蜀芹) sorti en 1987 : « Woman, Demon, Human » (《人..情》). Or, derrière l’histoire de Qiuyun se profilait celle de la grande actrice spécialiste des rôles martiaux de wusheng du Hebei Bangzi (河北梆子) : Pei Yanling (裴艳玲). À travers le choix de Xu Shouli se dessine ainsi en filigrane un multiple jeu de références en miroir qui donne une signification symbolique au film de Chen Li : questionnement sur un destin de femme sur fond de vie dédiée à l’opéra qui structure les relations humaines.

 

 

Xu Shouli dans le rôle d’Yimei

 
 

 

- Le cuisinier Ah Wang est interprété par l’acteur fétiche de Chen Li, longtemps cantonné dans le rôle de Zhou Enlai : Sun Weimin (孙维民). Il interprète ici un personnage d’une grande bonté, également caractéristique de Zhou Enlai dans les films précédents de la réalisatrice, et que l’on retrouve dans le père de Wang Jicai dans « Island Keeper » (《守岛人》) en 2021.

 

 

Ah Wang (Sun Weimin) et Yimei

 

 

- Le rôle de Changtian est dévolu à l’acteur taïwanais Wu Hsing-kuo (吴兴国) ; s’il a commencé sa carrière au cinéma en 1993 dans le film de Tsui Hark (徐克) « Green Snake » (青蛇), dans le rôle de l’époux du Serpent blanc, il était en fait un interprète d’opéra de Pékin, spécialisé lui aussi dans les rôles de wusheng. Chen Li lui a donné ici un rôle à la mesure de son talent.

 

 

Wu Hsing-kuo dans le rôle de Changtian

 

 

- Enfin, celui que l’on croyait mort, Fukun, est interprété par un ancien acteur de la Shaw Brothers, David Chiang (姜大卫 ), célèbre pour ses rôles dans les films de Chang Cheh (张彻) dans les années 1970, Chang Cheh qui était lui aussi un amoureux d’opéra.

 

 Ce qui donne au film un abord un peu difficile, c’est la complexité du scénario dont la ligne narrative ne cesse de sauter d’un temps de l’histoire à un autre par des séries de flash-backs qui remontent dans le passé traumatique des personnages. On flotte parfois entre réalité et mémoire du passé, celle-ci étant en outre défectueuse. L’astuce du scénario est d’avoir préservé presque jusqu’à la fin le mystère du sort de Fukun, mais en revenant peut-être un peu trop sur l’image traumatique de l’accident…

Les défauts du scénario sont cependant finalement compensés par la beauté de la ligne mélodique de l’opéra dont on aurait apprécié quelques extraits supplémentaires.

 

Love on Gallery Bridge, sous-titres chinois et anglais

 

 


 

[1] Films souvent qualifiés de « films de propagande » que les documents chinois désignent du terme poétique de zhu xuanlü (主旋律) : fondés sur la « mélodie principale ».

[2] Les She n’ont pas beaucoup attiré les cinéastes. On a pourtant un très joli film tourné, lui, dans le sud-ouest du Zhejiang où les She se sont installés en partant du nord-est du Fujian : « Dix-sept ans » (《十七》) de Ji Cheng (姬诚), sorti en 2008, avec Joan Chen (陈冲) dans le rôle principal.

[3] On peut d’ailleurs se demander si la volonté de promotion – qui a permis d’apporter une part de financement au film – n’est pas aussi liée au fait que Xi Jinping a été chef du Parti de Ningde de 1988 à 1990.

 

 

     

 

 

 

 

 
     
     
     
     
     
     
     
     

 

   

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 



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