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Cinéma d’animation d’auteur chinois : le festival Feinaki
par
Brigitte Duzan, 14 avril 2022
Le Chant des regrets éternels
Du
temps des
Studios d’art de Shanghai,
le cinéma d’animation chinois était l’un des plus beau du
monde. À partir des années 1990, il a été sacrifié sur
l’autel de la « modernisation » et de la course au profit ;
les films produits ont copié l’esthétique de l’animation à
la mode, mangas japonais en tête, en perdant toute
originalité, toute identité propre.
Pourtant le marché attire les investisseurs. Les initiatives
se sont multipliées dans les années 2010. Deux sociétés de
production ont été fondées avec l’ambition de concurrencer
Disney,
Coloroom Pictures
(霍尔果斯彩条屋影业)
en 2015 et
Light Chaser
Animation
(追光动画)
en 2013, tandis que les géants du numérique et piliers de
l’animation en ligne Tencent et Bilibili ont multiplié les
acquisitions. Le branle-bas continue : le directeur général
Yi Qiao de Coloroom Pictures est passé en juin 2020 au
studio October Media, les deux
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Monkey King, Hero is
Back, 2015 |
étant
dans l’orbite du géant des médias de loisirs Beijing Enlight
Media qui a fondé Coloroom en 2015.
Modao Zushi, 2019-2021 |
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October Media,
ou October Animation (十月动画),
a été l’une des premières sociétés chinoises dédiées à
l’animation en 3D. Fondée en 1999 par le réalisateur
Tian Xiaopeng (田晓鹏),
elle a produit en 2015 le film d’animation en 3D,
« Monkey
King, Hero is Back » (《西游记之大圣归来》),
du même réalisateur, film considéré comme un événement
significatif dans l’animation chinoise.
Cependant, même les deux derniers « succès » revendiqués
dans ce domaine, « Modao Zushi » (《魔道祖师》),
soit « Maître ancestral de la Voie démoniaque », en
2018-2021 et « Ne Zha » (《哪吒之魔童降世》)
ou « Naissance de Nezha l’enfant démon », en 2019 manquent
toujours d’une griffe originale. Le premier, adapté du roman
internet éponyme de Moxiang Tongxiu (墨香铜臭)
et produit par Tencent est une série en trois saisons et 35
épisodes qui participe de la vogue des web-romans auprès
d’un certain public. On parle
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d’ « anime chinois » ce
qui montre bien le défaut d’originalité.
Produit par Coloroom Pictures, « Ne Zha » est une nouvelle
adaptation de la légende, tirée du grand classique « L’Investiture
des dieux » (《封神演义》) ;
or cette même légende nous a donné un superbe film
d’animation réalisé par
Wang
Shuchen (王树忱)
en 1979, du temps béni des Studios d’art de Shanghai : « Le
prince Nezha triomphe du roi Dragon » (《哪吒闹海》),
film de 65 minutes qui a été projeté hors compétition au
festival de Cannes en 1980.
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Le prince Nezha
triomphe du roi Dragon, 1979 |
Aucun
de ces films récents ne parvient à renouveler ni le style ni
les thèmes. Ceux-ci, en particulier, en restent toujours à
la mythologie, aux légendes et aux histoires de wuxia
vulgarisées et banalisées. La principale nouveauté
stylistique, dans « Ne Zha », est la forme des yeux, les
dessinateurs ayant abandonné les grands yeux ronds des
mangas.
Dans
ces conditions, l’émergence à la fin des années 2010 d’un
courant d’animation chinoise dite « d’auteur », hors des
grands circuits officiels et commerciaux, apparaît comme un
renouveau artistique plein de potentiel et porteur d’espoir.
Le renouveau de l’animation chinoise : l’animation d’auteur
Ce
courant d’animation chinoise s’est concrétisé dans les
années 2010 dans un Forum de l’animation chinoise d’auteur
dont la 7ème édition s’est tenue à Pékin en 2018.
C’est à la suite de cette édition qu’a été lancé, également
à Pékin, le festival Feinaki (费纳奇),
ou Semaine de l’animation de Pékin (北京动画周).
Le nom de Feinaki est inspiré par celui du
« phénakistoscope », jouet optique donnant l’illusion du
mouvement selon un principe d’animation cyclique de l’image
– en chinois fèinàqíjing (费纳奇镜).
Dédié
au cinéma d’animation indépendant international, le festival
a été lancé en 2019 à l’initiative d’une nouvelle génération
de réalisateurs d’animation chinois, dont la cofondatrice et
directrice artistique Zhu
Yantong (朱彦潼),
diplômée de l’Université des arts de Tokyo et réalisatrice
en 2014 du court métrage d’animation « My Milk Cup Cow » (《杯子里的小牛》).
Le
festival est soutenu par diverses sociétés de publicité et
d’animation, et financièrement par un partenariat avec
Modern Sky (摩登天空),
la plus importante société de musique indépendante chinoise
dont le fondateur et directeur général, Shen Lihui (沈黎晖),
est un musicien et critique musical qui a fait des études à
l’Institut des beaux-arts de Pékin.
Les
réalisateurs chinois qui animent le festival ont choisi de
s’appeler « animation indépendante » (独立动画)
plutôt que « animation d’auteur » (作者动画)
par souci de communication, le concept d’animation d’auteur
n’étant pas suffisamment connu auprès du grand public. Il
est vrai que c’est plutôt sous l’appellation de
« réalisateurs d’animation indépendants » que sont connus
ceux qui ont émergé en Chine dans les dix dernières années :
Lei Lei (雷磊),
Chen Xi (陈曦),
Shen Jie (沈杰),
Sun Xun (孙逊),
Zhang Xiaotao (张小涛),
Liu Yi (刘毅)
et autres, loin de l’influence manga prévalente sur le
marché chinois. Leurs films à eux traitent de sujets
socio-politiques actuels, identité, sexualité, histoire,
etc. et dans un style graphique renouvelé.
· La 1ère
édition
de Feinaki s’est tenue du 14 au 17 novembre 2019.
Le
jury a décerné deux prix à des films chinois : le prix de la
meilleure animation chinoise à « Splash » de
Shen Jie (沈杰)
et le prix étudiant à « Sparky » de Liang Dian (梁电)
[voir ci-dessous]. Le festival s’est tenu dans le centre de
Pékin, dans un lieu qui ressemble à un hangar aéronautique
désaffecté auquel on accède par un café : Yoshe. C’est un
quartier artistique, Liangyuan Vintage, avec des cafés, des
restaurants des galeries, résultant de la reconversion d’une
usine de matériel médical datant des années 1970.
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· La 2ème
édition,
en 2020, a été quelque peu perturbée par l’épidémie de
covid.
Elle
s’est tenue au Hey Town Art Center à Pékin, dans le quartier
de Chaoyang. Mais elle a eu lieu en partie en ligne.
· La
3ème édition
s’est tenue en décembre 2021 à Pékin.
Mais
le festival organise aussi une semaine d’animation en début
d’année, baptisée « carnaval de printemps de l’animation »,
qui s’est tenue en février 2021 et 2022 à Shanghai puis en
mars à Hangzhou, avec 33 films du monde entier au programme.
Parallèlement, une sélection de treize des meilleurs films
chinois présentés lors du festival ont été montés en un long métrage de 71’30 pour le festival StopTrik, festival
international de cinéma d’animation de Slovénie et
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Pologne
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Le programme est un condensé des nouvelles tendances en
matière d’animation en Chine. On remarquera que la plupart
des auteur.e.s ont fait des études à l’étranger, aux
Etats-Unis et au Japon, et qu’une majorité sont des
réalisatrices.
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Sparky
Xiao Lingzi
《小灵子》
Liang
Dian
梁电,
2018, USA/PRC, 4'20''
Sparky
aime regarder par la fenêtre pour voir tout ce qu’il est
possible, ou impossible, de voir.
Liang Dian
est née en 1992 à Wuxi (无锡),
dans le Jiangsu. Elle a un master en animation expérimentale
du California Institute of the Arts (CalArts) obtenu en
2018. « Sparky » est son film de fin d’étude, primé dans
plusieurs festivals et représentatif de son style
d’animation.
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Time! Time! Time!
Shijian! Shijian!
Shijian!
《时间!时间!时间!》
Le
concept du temps expliqué par un professeur de philosophie
lors d’une conférence sur l’œuvre de Bill Viola.
Peng Haomin
彭浩旻, 2018,
PRC/USA, 2'2''
Peng
Haomin est né en
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1993 à Canton. Il a étudié à l’École de
l’Art Institute de Chicago où il vit toujours.
Il
travaille sur différents supports avec le temps comme
élément central de réflexion.
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Petty Thing
Xiaoshi《小事》
Les
enfants s’ennuient un après-midi d’été au village quand ils
trouvent un pistolet, un faux pistolet certes, mais quand
ils appuient sur la gâchette, le bruit réveille toute la
forêt.
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Li
Zexi
李澤熙
2019,
PRC, 3'46''
Né en
1996 dans le Fujian, Li Zexi est sorti en 2019 de l’Institut
ces Beaux-Arts de Chine et « Petty Thing » est son film de
fin d’étude.
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Sweater Maoyi
《毛衣》
Le film
est inspiré d’une courte nouvelle de Julio Cortázar « No se
culpe a nadie » (« On ne peut blâmer personne » ).
Feng Zilai
冯子莱,
2019,
PRC/USA, 2'
Feng
Zilai est sorti du California Institute of the
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Arts
(CalArts) en 2017, avec un diplôme en animation de
personnages. Il poursuit un MFA en animation à la School of
Cinematic Arts de l’université de Californie du Sud à Los
Angeles.
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The
Coins
Yingbi
《硬币》
Court
métrage en stop motion. Au moment du Nouvel An, trouver une
pièce de monnaie à l’intérieur d’un ravioli porte bonheur et
annonce une heureuse année. Or, en voyage pour aller dans un
autre pays, Anan perd le flacon où elle a collectionné
toutes ses
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pièces
depuis qu’elle est toute petite. Sa nouvelle vie commence
donc par la recherche des pièces perdues.
Song Siqi
宋思琪,
2019, USA/PRC, 6'40''
Song
Siqi a étudié à l’Institut central des Beaux-Arts de Chine
et à CalArts aux Etats-Unis. Elle a déjà présenté des films
dans les grands festivals internationaux d’animation et de
cinéma indépendant, Annecy, Sundance, Ottawa et autres. En
2020, son court métrage « Sister » (《妹妹》)
a été nominé pour un Oscar et un Amy Award.
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Half of an Apple
Shi'er yue
《十二月》
Petite
histoire autobiographique inspirée des relations de la
réalisatrice avec sa sœur jumelle.
Le
court métrage poursuit la tradition du papier découpé animé.
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Zhou Xiaolin
周小琳, 2020, JPN, 4'19''
Née en
Chine en 1993, Zhou Xiaolin est sortie diplômée du
département animation de l’université Jiangnan en 2015. En
2019 elle obtenu un master du département de dessin
graphique de l’Université des beaux-arts Tama (多摩美術大学)
à Tokyo.
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Puzzle
Le
film est une réflexion personnelle de la réalisatrice sur le
divorce de ses parents, sur la vie et la perception du
genre.
Shi Xiangyu
(Chloe Xiangyu Shi)
, 2019, PRC, 4'13''
Shi
Xiangyu a fait ses études à l’Institut des
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Beaux-arts de Xi’an. Ses films sont souvent inspirés de ses propres
expériences et de ses sentiments comme liens avec les gens
qui l’entourent. Elle utilise différentes techniques
d’animation, différents matériaux, même naturels.
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Strawberry Candy
Caomei tang《草莓糖》
Une
petite fille a un secret, mais le souvenir qu’elle en a est
en train de s’estomper. Finalement, elle n’est plus
tellement sûre si c’était un rêve ou la réalité.
Li Nianze
李念泽,
2020,
JPN, 6'41''
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Née en
Chine en 1995, Li Nianze est sortie en 2017 du département
des arts des nouveaux médias de l’Institut des beaux-arts du
Sichuan. elle a poursuivi ses études au département
animation de l’Université des arts de Tokyo dont elle
est sortie diplômée en 2020.
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The
Big Tree in front of the House
Menqian you da shu
《门前有大树》
Le
film est né d’un rêve de la réalisatrice qui ressemblait à
un cauchemar de la Révolution culturelle. Il en reflète le
malaise et la peur et en développe une réflexion sur le
rapport entre rêve et réalité.
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Liu Yinan
刘轶男
(Tokyo
University of the Arts), 2020, JPN, 6'7''
Née à
Tianjin en 1993, Liu Yinan est sortie diplômée en 2015 de
l’Institut du cinéma de Pékin, puis en 2020 du département
animation de l’Université des arts de Tokyo. Elle
aspire à explorer de nouveaux modes d’expression en
animation. Ses films donnent souvent une coloration absurde
à la peinture de la vie de tous les jours.
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Me and My Magnet and My Dead Friend
Wo he xitieshi he yige siqu de pengyou
《我和吸铁石和一个死去的朋友》
Un
aimant et un ami mort, deux souvenirs clés symbolisant des
souvenirs d’enfance.
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Liu Maoning
刘毛宁,
2018,
PRC, 13'5''
Liu
Maoning est sorti en 2018 de l’Université des Communications
de Chine (中国传媒大学).
Son court métrage a été sélectionné au festival du film
d’animation d’Annecy en 2019, dans la section des films
d’étudiants.
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I am a Motif
Wo shi yige moqifu
《我是一个模契符》
Trois
“motifs” réalisent à quel point ils sont différents et
commencent à se poser des questions, mais le motif musical
donne irrésistiblement envie de danser et entraîne les
autres….
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Luo Sijia
罗丝佳
(Tokyo University of the Arts) 2020, JPN, 8'16''
Née dans le Guangdong, Luo Sijia est sortie de l’Institut
des Beaux-arts du Sichuan en 2015 et a obtenu en 2020 un
master du département animation de l’Université des arts de
Tokyo.
Elle
tire son inspiration de diverses autres formes artistiques,
de la musque en particulier dans « Je suis un motif ».
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Splash
Shuilua《水花》
Un
« splash » dans l’eau d’une piscine, comme une explosion…
Le
film était au programme courts métrages du festival du
cinéma d’auteur à Paris en mars 2019.
Présentation sur le site du festival.
Shen Jie
沈杰,
2019, PRC, 9'25''
Né en
1989 à Shanghai où il vit toujours, Shen Jie est sorti
diplômé en 2012 de l’Institut de technologie de Shanghai. Il
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est
l’un des cofondateurs du festival Feinaki. Ses courts
métrages ont fait le tour des grands festivals de cinéma, de
Berlin à Venise et Annecy.
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