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« The Red Awn » : premier film réalisé par Cai Shangjun

par Brigitte Duzan, 3 décembre 2008, révisé 7 septembre 2011

 

« The red awn » (红色康拜因) a marqué en 2007 les débuts de réalisateur de Cai Shangjun (蔡尚君), qui était surtout connu jusque là comme scénariste, mais qui avait fait de la mise en scène de théâtre auparavant.

 

Pour un premier film, ce fut un succès : il fut couronné du prix FIPRESCI (le prix des critiques de cinéma) au festival international de Pusan, puis du Golden Alexander au festival international de Thessalonique. En 2008, Cai Shangjun fut invité par le Panorama du Cinéma chinois, à Paris, à venir présenter son film. Nous en avons discuté avec lui à cette occasion.

 

Genèse du film

 

L’idée a commencé à germer en 2003, explique-t-il, après

 

Cai Shangcun présentant The Red Awn

avoir vu un reportage à la télévision sur les paysans qui vont d’un village à un autre, parfois d’une province à une autre, pour louer leurs bras au moment des moissons. C’est un phénomène traditionnellement très répandu, mais qui touche de plus en plus de paysans, dépossédés de leurs terres ces dernières années dans le cadre de projets d’industrialisation et d’urbanisation ; ils vont alors grossir les rangs des « mingong », les travailleurs migrants, dans les grandes villes. Un peu plus tard, il a vu des photos de ces paysans partis sur les routes, cela a concrétisé son idée, et il a commencé à en parler autour de lui. Le projet était né.

 

Affiche du film « The Red Awn »

 

Cai Shangjun voulait revenir au problème qui est le problème fondamental de la société chinoise depuis toujours, et aujourd’hui plus que jamais : les conditions de vie dans les campagnes. La dite « sixième génération » s’est surtout intéressée aux difficultés des jeunes en milieu urbain ; Cai Shangjun revient maintenant en quelque sorte aux sources, et l’on peut voir là un phénomène cyclique qui nous ramène vers l’intérêt porté au milieu rural par les pionniers de la cinquième génération, même si l’optique est différente.

 

Est-ce que cet intérêt vient d’une expérience personnelle ? Non, dit-il, pas du tout. Il est né à Changchun (长春), capitale de la province du Jilin (吉林), à l’extrême nord-est de la Chine. Il a vécu, il est vrai, quelques années au Ningxia, dans l’ouest chinois, car son père y fut envoyé pendant la Révolution culturelle ; mais, quand la famille est revenue à Pékin, il avait cinq ans, et il a été élevé dans la

capitale ; ce n’est donc pas une expérience qui l’a marqué personnellement, il n’en garde pas grand souvenir. Son approche est différente : il a construit son film à partir de l’observation de la réalité locale, et beaucoup aussi par l’imagination.

 

Le travail d’élaboration du scénario a duré une année entière. Il a travaillé avec deux autres scénaristes, Gu Xiaobai (顾小白) et Feng Rui (冯睿) : le premier est un tout jeune critique cinématographique dont c’est là la première expérience en tant que scénariste, le second est un ami. Ils ont tenu de nombreuses séances de travail à trois pendant lesquelles ils ont d’abord défini les principaux caractères, puis l’histoire elle-même, certains caractères secondaires ayant été influencés par des photos.

 

Photo de Gu Xiaobai et Cai Shangjun

 

Réalisation : le choix des acteurs et le tournage

 

N’étant pas totalement satisfait du scénario, Cai Shangjun, au dernier moment, a reporté d’un mois le début du tournage. Or, il était prévu de suivre l’évolution du cycle des moissons, en partant du Shandong, en passant par le Henan, pour terminer au Gansu ; mais, à cause du retard imposé par les dernières retouches apportées au scénario, il n’était plus question, quand ils ont commencé, de tourner ni au Shandong ni au Henan : le seul endroit où les moissons restaient encore à faire était le Gansu. C’est donc là que se déroule le film.

 

         Les acteurs

 

Pendant la période de préparation, il lui a fallu aussi mettre sur pied son équipe, et en particulier choisir ses acteurs, surtout les deux acteurs qui sont au centre du scénario.

 

 

Photos du film « The Red Awn »

 

 

Il a choisi, pour le père, l’acteur qui tenait ce même rôle dans le film de Wang Xiaoshuai (王小帅) sorti en 2005, « Shanghai dreams » (青红) : Yao Anlian (姚安廉). Pour le fils, il a hésité entre deux propositions : un jeune acteur formé à l’Opéra de Pékin, et Lu Yulai (吕玉来), qui reste indissociablement lié à son rôle de jeune juge inexpérimenté dans « Le dernier voyage du juge Feng » (马背上的法庭). Quand il a vu Lu Yulai, cependant, il a su instantanément qu’il était l’acteur idéal pour le rôle, quelque chose dans le regard, dit-il…

 

Ma question, à cet égard, tenait au choix fondamental de prendre des acteurs professionnels, et des acteurs connus, à l’encontre de la tendance actuelle, chez les cinéastes chinois de sa génération, à préférer des acteurs non professionnels et éventuellement même parlant le dialecte local, pour ancrer au maximum le film dans le réel. Son choix, m’a-t-il dit, a été dicté par des considérations essentiellement pratiques : c’était son premier film, et le travail avec des acteurs non professionnels est beaucoup plus long et difficile qu’avec des professionnels, surtout quand on travaille, comme lui, en 35 mm. Il a choisi des valeurs sures, en quelque sorte, mais qui collent parfaitement à leur personnage.

 

En outre, il leur a fait subir un « entraînement » d’un mois auprès de la population locale, dans le Gansu. Ils ont dû apprendre à conduire une moissonneuse, moissonner, et même parler avec l’accent local. Yao Anlian, pour sa part, était déjà pris sur un autre tournage, il est donc arrivé au début du tournage et n’a pas pu suivre cette période de formation initiale : il ne conduit donc pas la moissonneuse, et n’a pas l’accent du Gansu. Pour Cai Shangjun, ce fut une déception, et l’une des imperfections qu’il a dû accepter pour son film. Mais, finalement, il s’est fait une raison, se disant que ce n’est pas trop grave étant donné que le père revient de la capitale où il a passé cinq ans, il a donc pu perdre quelque peu son accent…

 

 

Photos du film « The Red Awn »

 

 

         La photo

 

Là, le choix a été plus difficile – et peut-être un peu moins satisfaisant - parce que les chefs opérateurs qu’il avait initialement en vue étaient déjà pris (en particulier Yu Likwai (余力为), le chef op’ de Jia Zhangke, de « Xiao Wu » à « Still Life », ou celui de Lou Ye (娄烨) pour « Suzhou River » (苏州河), Wang Yu (王昱), les deux étant co-directeurs de la photo pour « 24 City » de Jia Zhangke).   

 

Finalement, il a opté pour une équipe de deux. Le premier est un jeune Coréen qui était alors étudiant à l’Institut du Cinéma de Pékin et qu’on lui avait recommandé : Li Chengyu (李承禹). On lit un peut partout qu’il a travaillé pour Kim Ki-duk, il semblerait que ce soit une invention ; ce qui est sûr, c’est qu’il était assez inexpérimenté, et en particulier dans le domaine du 35 mm. Il était encadré par un excellent technicien, Chen Hao (陈浩). Tous les cadrages et les détails techniques étaient cependant dictés très précisément par Cai Shangjun au début de chaque prise.

 

L’Angelus de Millet

 

Le résultat est superbe, la critique est unanime. Ce qui m’a frappé, c’est la composition de certaines scènes, qui rappellent des tableaux. L’une d’entre elles, en particulier, qui est utilisée pour l’affiche principale du film m’avait frappée pour sa ressemblance avec « L’Angelus » de Millet. Je lui ai donc demandé s’il s’agissait d’une coïncidence.

 

Pas du tout : Cai Shangjun m’a expliqué qu’il avait beaucoup étudié l’œuvre de Millet, et qu’il s’était inspiré de reproductions de ses tableaux quand il préparait son film. Outre l’Angelus, il avait aussi

voulu réaliser une scène inspirée d’un autre tableau représentant trois femmes en train de ramasser des épis dans un champ (a priori, d’après sa description, il s’agit des « Glaneuses »). La scène elle-même n’est pas passée au montage, mais l’inspiration est là. L’autre influence, côté cinématographique cette fois, est celle de Renoir…

 

J’avais noté aussi que les images du film ont été retravaillées pour les affiches. Dans celles-ci, le ciel est tourmenté, couvert de nuages noirs menaçants, alors que, dans le film, le ciel est uniformément bleu.

Cai Shangjun m’a expliqué que les affiches ont un aspect dramatique et sombre dont il n’a pas voulu pour son film. Ce qui l’intéressait au contraire, c’est le soleil, un soleil pesant qui rend le travail dans les champs encore plus dur. Mais il n’y a pas ce sentiment d’oppression, de désastre imminent suggéré par les affiches, dans une optique différente.

 

Un film quand même très sombre, malgré le soleil

 

Le film est sorti officiellement à Pékin en 2007. Pour le lancement, une délégation de vingt mingong avait été invitée à la projection. Le film les a beaucoup touchés, même s’ils l’ont trouvé un peu idéalisé par rapport à leurs situations propres, et ils ont félicité et remercié Cai Shangjun à la fin.

 

Je lui ai donc demandé s’il considérait que son film avait atteint un objectif appréciable en touchant un public chinois qui ne va pas normalement au cinéma. Il m’a répondu qu’il n’était pas vraiment satisfait parce que son film n’apporte pas le réconfort, l’espoir qu’il voudrait apporter à son public. Il a pris l’exemple d’Ozu, qui vivait pourtant une époque particulièrement difficile, mais dont les films sont pourtant empreints d’une grande chaleur humaine. Sa vision personnelle est plus sombre, assez pessimiste, il la compare à celle de Beckett qui considérait l’existence humaine comme une vaste obscurité parcourue occasionnellement par une brusque clarté.

 

Il dit qu’il aimerait un jour, peut-être, distiller un peu d’espoir. Mais aujourd’hui, il en s’en sent incapable :

太残酷… trop dur, trop cruel, le monde actuel… Il passe comme une ombre dans son regard…

 

*

 

« Red awn » était annoncé comme la première partie d’une trilogie dont les deux autres films étaient en préparation…

 

 

 

 

 

 
     
     
     
     
     
     
     
     

 

   

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 



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