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« Lust.Caution » : relecture par Ang Lee de la nouvelle de Zhang Ailing

par Brigitte Duzan, 20 décembre 2012

 

«  Lust.Caution » (《色, 戒》 ) est une très brève nouvelle de Zhang Ailing qui n’aurait sans doute jamais été aussi célèbre si elle n’avait été adaptée à l’écran par Ang Lee (李安). D’un huis clos étouffant, il a imaginé tout un scénario qui vient compléter la nouvelle initiale, dont les qualités propres étaient essentiellement fondées sur l’expressivité de la langue.

 

La nouvelle laissait au lecteur le soin d’imaginer ce qui était suggéré. Ang Lee a fait le travail pour lui. Les personnages évoqués par Zhang Ailing prennent forme et profondeur sous son objectif, tandis que le contexte historique a été recréé avec le paysage urbain de la Shanghai de l’époque.

 

La nouvelle de Zhang Ailing reflétait le monde personnel de l’écrivain, le film se replace parfaitement dans l’œuvre du réalisateur et sa thématique propre.

 

Lust.Caution

 

Voir l’analyse de la nouvelle et de son adaptation cinématographique :

http://www.chinese-shortstories.com/Adaptations%20cinematographiques_Lust_Caution_d_AngLee.htm

 

Notes complémentaires

 

Choix des acteurs

 

Le choix des acteurs est fondamental. Celui de Tang Wei (汤唯), alors débutante au cinéma, est parfaitement adapté dans le rôle de Wang Jiazhi (王佳芝) ; elle a la fragilité désirée face au monstre de scène qu’est Joan Chen (陈冲) dans le rôle de madame Yi, une actrice qui, en outre, personnifie à elle seule la ville de Shanghai à laquelle elle est associée dans tous les esprits.

 

La partie de mahjong, avec Joan Chen au centre

 

Mais c’est le choix, à contre-emploi, de Tony Leung qui est le plus percutant. Il insuffle une grande humanité au personnage de monsieur Yi (易先生), son regard suffit à l’exprimer, et il évite à lui seul les clichés du méchant de service. Ang Lee a bien dit : « Il ne faut jamais perdre de vue que monsieur Yi est un salaud, un criminel… Certains spectateurs éprouvent de la compassion pour lui, surtout à la fin. Là, vraiment, je ne les suis pas… »

 

Mais c’est justement grâce à cette sympathie que suscite Tony Leung  que l’on arrive à croire que Wang Jiazhi puisse tomber amoureuse de lui. Sinon, le film ne tiendrait pas debout. C’est parce que son regard exprime plus souvent la souffrance que la cruauté, témoignant ainsi d’une nature complexe, que son personnage atteint une profondeur qui transcende les clivages superficiels. Il porte littéralement le film.

 

Très belle bande originale

 

La musique est signée Alexandre Desplat, jeune compositeur français héritier de la lignée des grands compositeurs de musique de films comme Michel Jarre, Georges Delerue et autres. Elle est également interprétée par des musiciens français.

 

Le thème du film, énoncé au violoncelle accompagné au piano, est particulièrement réussi.

 

Thème du film http://www.bvi.com.tw/movies/lust_caution/main.html

Extraits de la bande son http://www.amazon.fr/exec/obidos/ASIN/B000V9KEE2/filmmuziek09-21

 

Réactions suscitées par le film en Chine

 

Le film est sorti en Chine le 26 octobre 2007, dans une version élaguée qui ne comporte par les scènes « de lit », en particulier. Du coup, des tour-opérateurs ont organisé des voyages à Hong Kong pour que les intéressés puissent voir le film entier. Mais, même tronqué, celui-ci a réalisé des records au box office : cent millions de yuan (entre 9 et 10 millions d’euros) les deux premières semaines.

 

Il a suscité des réactions divergentes. Evidemment, nombreux sont ceux qui se sont élevés contre ses connotations politiques négatives. Les détracteurs vont des officiels du régime qui ont dénoncé « une insulte à la nation chinoise », un « poison obscène » faisant l’éloge des traîtres pro-japonais, aux mères de famille indignées qui y ont vu « une insulte pour les femmes chinoises vertueuses ».

 

Un étudiant en droit à l’Université de Pékin a déposé une plainte à la fois contre l’autorité de régulation du cinéma et de la télévision (celle qui décide de la diffusion des films) et contre un grand cinéma de la capitale qui a diffusé le film dans sa version autorisée, donc raccourcie d’une bonne demi-heure. Il reprochait au second de porter atteinte à ses droits de consommateur, et au premier de ne pas avoir un système de notation par classe d’âge. Ce dernier point a lancé une controverse intéressante sur le système de classification chinois des films qui ne fait pas de distinction entre films pour enfants et pour adultes…

 

Le débat sur ces points est retombé très vite. En revanche, Tang Wei a fait les frais de l’ire du gouvernement.

 

Censure de Tang Wei

 

Les autorités chinoises ne lui ont pas pardonné, surtout, son rôle de jeune Chinoise, membre d’un groupe de jeunes résistants à l’occupation japonaise, qui, ayant reçu la mission de séduire un collaborateur des Japonais pour l’assassiner, cède à la passion que l’homme a fait naître en elle et le sauve au dernier moment en lui permettant de s’échapper : traîtrise inacceptable envers la patrie. Les scènes « de lit », à côté de cette insulte majeure envers la nation, sont des peccadilles d’ailleurs expurgées en Chine.

 

Joan Chen et Tang Wei

 

Début mars 2008, il a été révélé que l’Administration d’Etat pour la radio, le film et la télévision avait ordonné que toutes les publicités avec l’actrice soient retirées des écrans et des médias. L’actrice perdit ainsi son contrat avec la marque de soins pour la peau Pond’s, d’un montant de six millions de yuans. En même temps, toutes les cérémonies de remises de récompenses devaient éviter la participation de l’actrice. Les discussions la concernant ainsi que celles sur le film furent même effacées des forums internet, et son nom disparut du site de Google en Chine.

 

En outre, elle devait tourner dans le film de Tian Zhuangzhuang « The warrior and the wolf » (狼灾记). En septembre 2008, il fut annoncé qu’elle était finalement remplacée par une autre actrice, Maggie Q (李美琪), une actrice et ex-modèle sino-américaine née à Hawaï qui avait surtout tourné jusque là dans des polars américains. 

 

Tony Leung et Tang Wei

 

Le ban fut d’autant plus dur que Tony Leung n’a pas eu, lui, à en souffrir. Quant à Ang Lee, après avoir défendu son actrice, il est parti aux Etats-Unis tourner un nouveau film. Il faut dire que l’un est hongkongais, l’autre taiwanais. Tang Wei, elle, est chinoise, ce qui suppose certaines responsabilités, sans doute, aux yeux des autorités chinoises. Le ban dont elle a été victime est certainement une sorte de mesure de rétorsion devant servir non tellement de leçon, mais plutôt de mise en

garde vis-à-vis des candidates éventuelles à des rôles du même genre.

 

Le pire, c’est que les interdictions à l’égard de l’actrice en Chine n’ont jamais été formellement annoncées, par conséquent, elles ne comportaient pas de délai de prescription. Tang Wei a tourné la difficulté en demandant la résidence à Hong Kong, et en tournant là, dans le deuxième film de la réalisatrice et scénariste Ivy Ho (岸西), un drame romantique intitulé 月满轩尼诗(« Crossing Hennessy »).

 

Elle a depuis lors été « graciée », mais n’est apparue que dans des rôles de femmes soumises, très effacées.

 

 

 

 

 

 
     
     
     
     
     
     
     
     

 

   

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 



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