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Zhang Yibai 张一白

Né en 1963

Présentation

par Brigitte Duzan, 10 mai 2015

 

Avec « Spring Subway » (《开往春天的地铁》), son premier film, Zhang Yibai (张一白) est apparu en 2002 comme l’un des jeunes cinéastes les plus prometteurs du cinéma chinois, comme l’était aussi l’interprète principale du film, Xu Jinglei (徐静蕾).

 

Une quinzaine d’années et cinq films plus tard, force est de constater, tristement, que les promesses ont été laminées au fil du temps. Zhang Yibai a été happé par les forces du marché et l’attrait du commercial. Il n’est pas le seul, mais ce n’est ni une excuse ni une consolation, et c’est ainsi que le cinéma chinois s’appauvrit.

 

Les espoirs du second millénaire

 

Eveil dans les années 1990

 

Zhang Yibai

 

Zhang Yibai est né à Chongqing en 1963. Cette simple date le place dans la génération des jeunes qui ont passé leur enfance et leur adolescence pendant la Révolution culturelle et ont commencé leurs études universitaires au début de la période d’ouverture.

 

Zhang Yibai s’est formé à l’écriture de scénario à l’Institut central d’art dramatique de Pékin (中央戏剧学院) dont il est sorti en 1991. C’est ce qui le rapproche du scénariste et cinéaste Liu Fendou (刘奋斗) qui a suivi le même parcours à quelques années de distance et qui va devenir l’un de ses mentors à partir de son retour des Etats-Unis, en 1995.

 

C’est cette année-là que Zhang Yibai crée un petit studio qu’il intitule, littéralement, ‘le studio des copains’ (同志工作室) avec lequel il produit des programmes télévisés, des vidéos musicales et des films publicitaires.

 

En 1997 est créée la société Imar Films où Liu Fendou entre comme scénariste et qui produit en 1997 et 1999 les deux films de Zhang Yang (张扬) « Spicy Love Soup » (《爱情麻辣烫》) et « Shower » (《洗澡》). C’est le modèle qui va inspirer Zhang Yibai quand il va décider à son tour de passer derrière la caméra, avec Liu Fendou comme scénariste et producteur.

 

2002 : Spring Subway

 

Spring Subway

 

Zhang Yibai est brusquement acclamé quand, en 2002, sort son premier film, « Spring Subway » (《开往春天的地铁》), qui devient, sur le modèle Imar, un autre exemple de film répondant aux exigences des films dits "d’auteur" tout en étant un succès commercial : s’écartant de la ligne contestataire et critique des cinéastes de la sixième génération à l’époque, le film a obtenu le visa de censure et été diffusé en salles. Il a été à la fois populaire auprès du public et apprécié de la critique. C’est l’équation gagnante que tout le monde cherche à émuler.

 

Le sujet tient plus de la peinture de mœurs que de la critique sociale. « Spring Subway » est à replacer dans le contexte de cette « génération urbaine » analysée par Zhang Zhen [1] comme étant, au tournant du millénaire, la marque distinctive de la société chinoise, et du cinéma chinois qui en est le reflet. Mais, si le film reste marqué par des traits spécifiquement chinois, les sentiments qu’il dépeint sont universels.

 

L’approche est en outre originale : les rapports humains vus à travers ce que l’on peut en percevoir en prenant le métro tous les jours, ce qui est le cas du chômeur qui est au centre du scénario. Le fil narratif est éclaté entre plusieurs histoires de couples ébauchées au fil des jours et au gré de rencontres dans une rame ou une autre, avec une ouverture dans ce huis clos, une brève échappée comme un incident de parcours. C’est une histoire douce-amère, traitée sur le mode réaliste, sans effet superflus.

 

Les acteurs eux-mêmes sont le reflet des attaches de Zhang Yibai, et du contexte référentiel du film, et d’abord l’actrice principale, Xu Jinglei (徐静蕾) : elle a interprété son premier grand rôle au cinéma dans « Spicy Love Soup », dont le réalisateur, Zhang Yang, joue aussi dans « Spring Subway », manifestant ainsi de facto son soutien.

 

« Spring Subway » a lancé Zhang Yibai, mais il lui faudra quatre ans pour sortir son second film, après avoir été obligé de pratiquer de nombreuses coupes pour satisfaire les autorités de censure et pouvoir obtenir le visa conditionnant la sortie en salles.

 

2006 : Curiosity Kills the Cat

 

Pour son second film, « Curiosity Kills the Cat » (《好奇害死猫》), Zhang Yibai est revenu tourner chez lui, à Chongqing ;

 

Curiosity Kills the Cat

le film bénéficie du paysage vertical et brumeux de la ville, qui se prête au sujet, tout aussi brumeux.

 

La scénariste Huo Xin

 

Le scénario, signé Huo Xin (霍昕), lajeune scénariste de « Shower », a le caractère éclaté de celui de « Spring Subway », mais construit autour de cette idée, justement : c’est une histoire contée de différents points de vue, qui change en fonction de ceux qui la racontent. La première est une jeune photographe dont le studio jouxte un immeuble où habite un couple de bourgeois aisés qu’elle épie. Le mari a une petite amie, la femme s’ennuie et déprime.

 

Puis l’enfant du couple disparaît, et l’un des personnages est assassiné… Alors l’histoire est reprise, contée par le garde chargé de la surveillance de l’immeuble, qui est snobé par la femme … et le film prend alors soudain une teinte de critique sociale qui lui donne un peu de profondeur. Mais ce n’est pas le sujet. Le sujet est plutôt la joie de dérouler un scénario sophistiqué, et bien interprété.

 

Les acteurs sont en effet excellents : Carina Lau (刘嘉玲), d’abord, dans le rôle de la femme délaissée, prix de la meilleure actrice

 

Les verticales et la brume de Chongqing

au festival du Coq d’or ; Hu Jun (胡军) dans le rôle du mari et Liao Fan (廖凡) dans celui du garde. Le film a souffert des coupures que Zhang Yibai a dû effectuer pour satisfaire la censure. Il reste un film original, dans la lignée de « Spring Subway ».

  

2007 : The Longest Night in Shanghai

 

The Longest Night in Shanghai

 

« The Longest Night in Shanghai » (·上海》) est l’une des premières – et rares - coproductions sino-japonaises ; il a un scénario en conséquence. Au volant de son taxi, Lin Xi manque de renverser un musicien japonais qui est venu en Chine recevoir un prix. Ils ne comprennent pas un mot de ce que l’autre dit, et le Japonais ne se souvient même pas du nom de son hôtel, ce qui l’empêche de pouvoir y rentrer directement. Aors se développe une certaine complicité, ils sont fascinés l’un par l’autre, et le scénario fait des prouesses pour trouver des raisons les faire rester le plus longtemps possible ensemble.

 

C’est Zhao Wei (赵薇) qui est la conductrice du taxi, mais Shanghai lui vole presque la vedette. Ici encore, l’interprétation et la photo tiennent le film d’aplomb, mais plus difficilement. L’argument s’épuise avant la fin du film, malgré les efforts pour animer, grâce à des personnages secondaires, ce qui reste un monologue à deux.

 

2008 : Lost Indulgence

 

« Lost Indulgence » (秘岸) a de nouveau été tourné à Chongqing. Le père d’un jeune garçon, chauffeur de taxi, a eu un accident : sa voiture est tombée dans le fleuve, la jeune femme qu’il conduisait a été blessée, et probablement paralysée à vie. Son corps à lui n’a pas été retrouvé. Sa femme prend en charge l’handicapée. Le fils, introverti et taciturne, change à son contact tandis que la jeune femme le considère comme un petit frère… Cette première ligne narrative est doublée d’une seconde qui met en scène les rapports entre une vétérinaire et son client étranger.

 

C’est à nouveau une intrigue à suspens, comme l’indique le titre chinois : la rive mystérieuse. Mais c’est aussi une peinture de mœurs et une étude de caractères. Le film est bien servi par ses acteurs principaux, dont Jiang Wenli (蒋雯丽) dans le rôle principal et Karen Mok dans sa chaise roulante, les acteurs de Hong Kong confrontés à ceux du Continent

 

Lost Indulgence

représentant des intrus venus de l’extérieur dans un monde presque claustrophobe.

 

Lost Indulgence, ballade sur les bords du Yangzi

 

Le film bénéficie surtout, là encore, d’une superbe photographie, signée Wang Yu (王昱), qui a commencé sa carrière comme directeur de la photo de Lou Ye (娄烨) pour Suzhou River (苏州河) et qui venait de faire la photo du « Lost in Beijing » (苹果) de Li Yu (李玉) ; on retrouve sa touche qui fait des bords nuageux du Yangzi à Chongqing, près d’un pont inachevé, l’endroit glauque à souhait pour servir de cadre à une histoire qui est (presque) aussi surréelle que celle de Lou Ye.

 

Lost Indulgence, sous-titres anglais

 

Le film est sorti au festival de Tribeca en mai 2008, après avoir raté plusieurs festivals au printemps, dont celui de Hong Kong dont il fut retiré à la dernière minute, puis celui d’Udine, encore une fois pour des raisons de censure. C’est une période de raidissement général dans le cadre des Jeux Olympiques de Pékin.

 

Le film n’a pas eu de critiques enthousiastes. Puis il est plus ou moins tombé, injustement, dans l’indifférence et l’oubli.

   

C’est sans doute ce qui a incité Zhang Yibai à changer de style, sous la pression du « marché ». Et à opter pour une approche plus directement commerciale, en abandonnant au passage ce qui faisait la valeur de ses films et leur originalité.

 

Années 2010 : un nouveau Zhang Yibai

 

On le retrouve en 2011 avec un film sorti pour la Saint-Valentin qui flirte ouvertement avec le grand public – et le box office - sans trouver réellement ses marques dans un marché saturé de romances pour adolescents d’un genre similaire.

 

2011 : Eternal Moment

 

« Eternal Moment » (将爱) est une suite du film télévisé que Zhang Yibai a tourné en 1998 : « Cherish Our Love Forever » (将爱进行到底), dont le scénario original est de

 

Eternal Moment

Huo Xin. Le film en reprend les deux personnages principaux (et le titre), en les réunissant après une séparation de douze ans.

 

Xu Jinglei dans Eternal Moment

 

Au niveau commercial, ce n’était pas une mauvaise idée, car il en reprenait aussi les acteurs, dont c’étaient alors les débuts : Li Yapeng (李亚鹏) et Xu Jinglei (徐静蕾), celle-ci ayant entre-temps, en 2010, sorti le film-culte des jeunes branchés, Go Lala Go ! (杜拉拉升职记). « Eternal Moment » cultive ouvertement le même public. Même le thème du film est significatif : la chanson « Because of Love » (因为爱情) est interprétée par les deux superstars de la pop que sont Faye Wong, épouse de Li Yapeng, et Eason Chan.

 

Because of Love

 

Au niveau artistique, le film a bien à nouveau de superbes photos, dans le vignoble bordelais en particulier, mais l’histoire est totalement déconnectée de la réalité, histoire factice dans un Bordelais tout aussi factice, dont n’émerge aucun sentiment, comme des images publicitaires sur du papier glacé.

 

Cependant, l’histoire, dans ce genre de film, est accessoire : le public court voir leurs interprètes favoris, jeunes et glamour. La sortie du film a été accompagnée d’un album de photos de Xu Jinglei dans le film, dont l’essentiel de la promotion est assuré par l’actrice.

 

Le résultat est là : produit par Beijing Galloping Horse (北京小马奔腾) dont il marquait le retour en force sur le marché après la reprise de la société par Ivy Zhong, le film a fait 200 millions de yuan de recettes, pour un budget de 10.

 

2014 : Fleet of Time

 

Produit par la même société, « Fleet of Time » (匆匆那年) poursuit dans la même veine et la même voie, un pas plus loin. Le film est adapté du troisième roman (éponyme) d’une jeune romancière qui signe du pseudonyme Jiu Yehui (九夜茴).  Roman populaire publié en 2009, il a également été adapté en une série télévisée de 16 épisodes diffusée en août 2014 sur sohu tv. Le scénario du film de Zhang Yibai est l’œuvre de Liu Han (刘晗) et Li Han (李晗), deux spécialistes de scénarios pour la télévision avec lesquels Zhang Yibai a travaillé dans le passé.

 

Le sujet est à la mode, c’est celui de nombre de films récents, dont celui de Zhao Wei (赵薇) sorti en avril 2013, « So Young » (致我们终将逝去的青春), est un exemple-type. Il s’agit de conter les heurs et déboires d’un groupe de jeunes, de leurs années d’adolescents à leur maturité et leur entrée dans la vie active. Celui de Zhang Yibai parcourt la période des

 

Fleet of Time

années 1990 à 2000, pendant deux heures, en suivant l’histoire de cinq anciens étudiants qui revivent leur passé quand ils se retrouvent au mariage de l’un d’eux, en 2014.

 

L’attrait du film est en grande partie, à nouveau, celui des interprètes : l’acteur taïwanais émigré au Canada Eddie Peng, l’actrice Ni Ni (倪妮), découverte dans le rôle de Yu Mo (玉墨) dans « Flowers of War » (金陵十三钗) de Zhang Yimou, ou encore Zhang Zixuan (张子萱), découverte, elle, dans le rôle de la starlette planifiant son grandiose mariage dans « Love is not Blind » (《失恋33天》) de Teng Huatao (滕华涛).

 

La chanson du film, congcong na nian (匆匆那年), est à nouveau interprétée par Faye Wong. Elle est malheureusement aussi impersonnelle et cliché que le film et le résume fort bien.

 

Congcong na nian

 

Finalement, la carrière de Zhang Yibai et sa filmographie ressemblent assez bien à tous ces films comme « So Young » ou « Fleet of Time » : une histoire triste d’idéaux abandonnés et d’illusions irrémédiablement perdues, d’autant plus triste que c’est aussi, en même temps, l’histoire du cinéma chinois pendant la même période.

 

 

Filmographie

 

Comme réalisateur

-          A la télévision

1998 Cherish Our Love Forever 将爱进行到底

-          Au cinéma

2002 Spring Subway 《开往春天的地铁》

2005 About Love 关于爱 (segment Shanghai)

2006 Curiosity Kills the Cat 《好奇害死猫》

2007 The Longest Night in Shanghai ·上海》

2008 Lost Indulgence 秘岸

2011 Eternal Moment 将爱

2014 Fleet of Time 匆匆那年

 

Comme acteur

2013 Forgetting to Know You 忘了去懂你 (film de Quan Ling 权聆 produit par Jia Zhangke)

2014 Five Minutes to Tomorrow 深夜前的五分钟

 


 

[1] The Urban Generation, Chinese Cinema and Society at the Turn of the 21st Century, ed. Zhang Zhen, Duke University Press, 2007.

 

 

 

 

 

 

 

 
     
     
     
     
     
     
     
     

 

   

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 



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