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« So Young » : premier film de Zhao Wei qui mériterait d’être écourté

par Brigitte Duzan, 16 mai 2013

 

“So Young” (致我们终将逝去的青春 ou 致青春) est le premier film réalisé par l’actrice Zhao Wei (赵薇). Sorti en avril 2013 en Chine continentale, il a battu des records d’audience lors de sa première semaine d’exploitation en salle. Projeté à Paris un mois plus tard au Festival du cinéma chinois en France, il a également attiré une foule d’admirateurs de l’actrice qui ont rempli deux salles du Gaumont Marignan.

 

Au-delà de l’emballement passager, le film incite cependant à une certaine réserve en dépit de très belles idées de départ, et d’une excellente interprétation.

 

Adaptation d’un roman à succès

 

C’est après être revenue en 2006 à l’Institut du cinéma de Pékin étudier la mise en scène que Zhao Wei a réalisé ce premier film. Il est adapté d’un best-seller de la romancière

 

So Young

Xin Yiwu (辛夷坞), l’un des auteurs « post-80 » de la maison d’édition Jiangsu Wenyi Publishing

 

Le livre de Xin Yiwu

 

(江苏文艺出版社) dont une bonne partie du fond de commerce est le roman d’amour orienté vers le public jeune (1). 

 

Publié en 2007, le roman « A notre jeunesse finalement disparue » (致我们终将逝去的青春) figurait parmi les quinze meilleures ventes d’Amazon China pour la première moitié de 2012. Il est sensé représenter un tournant dans l’œuvre de Xin Yiwu, un nouveau style fondé sur un mélange doux amer de joie et de peine (心怀温暖,直面残酷). 

 

Xin Yiwu avait initialement pensé à Zhao Wei pour interpréter le rôle principal dans une adaptation cinématographique de son roman. L’actrice a préféré l’adapter elle-même. Le récit a en effet pour thème principal la vie de six jeunes étudiantes qui partagent une chambre sur le campus d’une université dans les années 1990, et surtout leurs amours partagées et contrariées sur fond de préparation à l’examen fatidique de fin d’année qui décidera de leur avenir.

 

Ces années 1990 vues sous l’angle estudiantin, c’est aussi la jeunesse de l’actrice ; le roman a donc éveillé en elle des souvenirs qu’elle a eu envie d’illustrer elle-même à l’écran.

 

De très bons atouts

 

De bonnes idées de scénario

 

Pour le scénario, outre Xin Yiwu, Zhao Wei a fait appel à l’un des meilleurs scénaristes

 

Zhao Wei avec la romancière Xin Yiwu

chinois du moment : Li Qiang (李樯). Diplômé de l’Institut d’art dramatique de Pékin, il a signé, entre

 

Zhao Wei et le scénariste Li Qiang

 

autres, le scénario des deux premiers longs métrages de Gu Changwei (顾长卫), « Le paon » (孔雀) et « Lichun » (立春), ainsi que celui du film d’Ann Hui (许鞍华) « The Postmodern Life of My Aunt » (姨妈的后现代生活) dans lequel jouait Zhao Wei.   

 

Le scénario reste fidèle à la ligne narrative principale du roman, mais en la resserrant : Li Qiang n’a gardé que quatre des six étudiantes initiales et a simplifié certaines des histoires secondaires.

 

L’histoire débute lors d’une rentrée universitaire, alors que les étudiantes débarquent sur le campus, accueillies par des étudiants farceurs qui repèrent les plus jolies. L’une d’elles est Zheng Wei (郑微), personnage principal, qui partage une chambre avec trois autres : Li Weijuan (黎维娟), Ruan Guan (阮莞) et Shi Jie (施洁), qui ont chacune un caractère bien typé.

 

Trahie par son petit ami avec lequel elle devait se retrouver sur le campus, et qui

 

Yang Zishan dans le rôle de Zheng Wei (jeune)

est parti étudier ailleurs, Zheng Wei est peu à peu attirée par Chen Xiaozheng (陈孝正), un autre étudiant, très sérieux, qui est d’abord agacé par sa cour assidue. Tout ce début de film, jouant sur les rapports forcément frictionnels entre les différents personnages, sur fond de chambrées d’un désordre rocambolesque, est traité avec une drôlerie qui emporte l’adhésion générale.

 

Décor de la chambre des étudiantes (avec, au mur,

Maggie Cheung dans le rôle de Ruan Lingyu

dans « Center Stage » de Stanley Kwan)

 

Le scénario recèle quelques subtilités qui ne sont pas forcément sensibles pour les spectateurs : le nom du personnage principal, Zheng Wei (郑微) renvoie à celui de Zhao Wei (赵薇), en en faisant une sorte d’alter ego de la réalisatrice. Quant au nom de Ruan Guan (阮莞), il évoque celui de l’actrice Ruan Lingyu (阮玲玉). Celle-ci forme d’ailleurs une sorte de leitmotiv omniprésent dans le film : elle est aussi évoquée, sur un mur de la chambre des étudiantes, à travers une affiche du film « Center Stage » (阮玲玉》) de Stanley Kwan (关锦鹏) (2). Le film

étant sorti en 1992, c’est à la fois le témoin de l’époque et le symbole de l’amour tragique, un des thèmes lié à Ruan Guan.

 

Le film a dès le départ un rythme enlevé et beaucoup d’humour dans la description des situations et des conditions de vie des étudiants, dans des chambres exiguës et surpeuplées où chacun tente de préserver son territoire à sa manière. Cet humour légèrement potache fait touche auprès du public jeune auquel il est destiné, celui qui a rempli les salles dès sa sortie en Chine et assuré les records d’entrée qu’il a enregistrés.

 

Zheng Wei avec Lao Zhang (Bao Bei’er)

 

D’excellents interprètes

 

Mark Chao dans le rôle de Chen Xiaozheng

 

Les personnages sont remarquablement servis par des interprètes dont seuls les principaux sont connus : le Taïwanais Mark Chao (趙又廷) dans le rôle de Chen Xiaozheng (陈孝正) et Han Geng (韩庚) dans le rôle de Lin Jing (林静), le premier amoureux de Zheng Wei. Célèbre pour ses rôles dans les films de Doze Niu (钮承泽), surtout Monga (艋舺), en 2010,  Mark Chao joue également dans le film de Chen Kaige « Caught in the Web » (搜索) sorti en 2012. Han Geng (韩庚), pour sa

part, est un célèbre chanteur chinois de mandopop et un danseur de hiphop autant que de danses traditionnelles, il est presque dommage que ses dons n’aient pas mieux été utilisés.

 

Quant à l’actrice principale, Yang Zishan (杨子姗), dans le rôle de Zheng Wei (郑微), c’est une découverte au moins aussi intéressante que les actrices découvertes par Zhang Yimou. Mais les autres acteurs sont tout aussi bons.

 

Les trois autres étudiantes, plus une :

Jiang Shuying (江疏影) dans le rôle de         Ruan Guan (阮莞) : fidèle jusqu’à la tombe

Zhang Yao  (张瑶)                                   Li Weijuan (黎维娟: venue échapper à la vie au village

Liu Yase (刘雅瑟)                                    Zhu Xiaobei (朱小北) : garçon manqué, et étudiante pauvre

Tong Liya  (佟丽娅)                                 Shi Jie (施洁) : personnage secondaire

Les autres étudiants :

Bao Bei’er  (包贝尔)                                 Lao Zhang (老张), amoureux secret

Zheng Kai (郑恺)                                    Xu Kaiyang (许开阳) : l’étudiant riche

Huang Ming (黄明)                                 Zhao Shiyong (赵世永) : l’amant volage

 

Un film malgré tout long et maladroit

 

Le titre, « So Young », semble refléter le défaut principal du film : le manque de maturité dans la difficulté à en maîtriser le sujet, et surtout la longueur.

 

Un scénario beaucoup trop long

 

Le film est en deux parties, la seconde reprenant les personnages du début une dizaine d’années après leur examen final, alors qu’ils sont entrés dans la vie active. Cette seconde partie s’étire sur une

 

Han Geng dans le rôle de Lin Jing

quarantaine de minutes, et donne l’impression d’une narration erratique, répétitive et sans nécessité.

 

Zheng Kai : l’étudiant riche Xu Kaiyang

 

La première partie a bénéficié d’un resserrement de la ligne narrative du roman autour de quelques personnages et quelques situations. C’est même parfois au détriment de la compréhension de certains caractères, le personnage de Lin Jing, en particulier, étant tout juste évoqué dans le film.

 

En revanche, dans la seconde partie, tous les fils de la première partie sont repris un à un, pour chaque personnage, et avec parfois des revirements, pour leur donner in fine une

conclusion. On a l’impression que le scénariste a eu du mal à juguler la romancière, sa coscénariste, et 

le film s’enlise dans une histoire qui finit d’ailleurs en queue de poisson.

 

Une époque historique mal définie

 

Le décor d’une université au début des années 1990 a été soigneusement reconstitué. Mais le film n’arrive pas à rattacher ce microcosme à un univers extérieur. On flotte dans un contexte totalement apolitique, qui du coup est irréel. C’est certainement voulu, et aurait pu déboucher sur une peinture se voulant

 

 

Zhang Yao dans le rôle de Li Weijuan

universelle des sentiments de jeunes qui se ressemblent sous toutes les latitudes. On voit pointer une 

 

Jiang Shuyin dans le rôle de Ruan Guan

 

ou deux références, « American Graffitti », par exemple, dans l’évocation d’une sorte de souvenir collectif.

 

Mais les situations de certains personnages ne se conçoivent que dans un contexte socioculturel chinois bien spécifique. C’est le cas de Li Weijuan (黎维娟) dont tous les efforts sont tendus dans un but : échapper à la vie au village dont elle vient.  C’est surtout le cas du personnage de Chen Xiaozheng, poussé par l’ambition dévorante de partir aux

Etats-Unis, qui le pousse à privilégier ce choix plutôt que son amour pour Zhang Wei ; son attitude est

justifiée par la pauvreté dans laquelle il a vécue jeune, et le devoir filial qui est le sien, devoir moral, surtout, vis-à-vis de sa mère qui l’a élevé à la mort de son père. Même son nom est choisi pour symboliser son caractère : Xiaozheng (孝正), c’est-à-dire celui qui a une piété filiale correcte, ou qui reste lui reste fidèle.

 

On a effectivement en filigrane une esquisse d’un tableau d’une jeunesse chinoise qui, dans les années 1990, rêvait en masse de partir étudier à l’étranger.

 

 

Zheng Wei dix ans plus tard

Mais ce n’est pas là le principal dans le film. Tout l’accent est mis sur les conflits sentimentaux, comme

 

Souvenirs de la vie universitaire

 

si c’était la seule chose vraiment importante dans la vie de ces jeunes. Un internaute a suggéré que le slogan du film pourrait être « Eternellement jeune, éternellement en pleurs » - avec le côté superficiel que cela suppose.

 

Il y a donc un flottement dans le propos qui entraîne un flottement dans l’esprit du spectateur aussi, et, couplée à la longueur de la seconde partie, entraîne une lassitude croissante qui se mesure aux réactions de la salle, de plus en plus atone.

 

Un mot sur la photo et la musique

 

La photographie, signée Li Ran (李然), a un côté bien léché habituel dans le cinéma numérique actuel, avec, pour compenser, un certain maniérisme dans l’utilisation de certains effets de sfumato évoquant évidemment le filtre du souvenir ; mais il réussit quelques envolées superbes dans des scènes d’extérieur.

 

Quant à la musique, ce n’est pas la chanson interprétée à la fin par Faye Wong (王菲) qui est le plus mémorable ;

 

Effets de sfumato

l’utilisation d’extraits de Suede – qui fonctionne aussi comme marqueur temporel (3) - est bien plus intéressante, et, là encore, on regrette qu’elle n’ait pas été plus poussée. L’apparition brutale de cette musique dans la seconde partie contribue au contraire à l’impression de morcellement narratif.

 

Et après ?

 

Belle Image d’un avenir incertain

 

Le film a nécessité trois ans de préparation, et le tournage lui-même a duré quatre mois au lieu des deux initialement prévus. En raison des réticences des investisseurs, Zhao Wei a financé une partie du film. L’expérience a dû être difficile car elle a dit vouloir reprendre maintenant sa carrière d’actrice.

 

Il lui faut sans doute le temps de la réflexion. Si elle repart dans un certain temps en ayant fait le point sur les

défauts de ce film et avec plus de maturité, elle pourrait faire quelque chose de très bien.

 

A la fin, sur la tombe de Ruan Guan

   

 

 

Bande annonce

 

 

Notes

(1) Jiangsu Wenyi est une filiale du puissant groupe Phoenix Publishing, le premier groupe d’édition chinois en terme de revenus. Un autre auteur de la maison est l’autre romancière à succès Ai Mi (艾米), dont le roman « Hawthorn Tree Forever » (《山楂树之恋》) a été adapté par Zhang Yimou. Voir :

www.chinesemovies.com.fr/films_Zhang_Yimou_Hawthorn_tree.htm

(2) Il s’agit aussi certainement d’un hommage discret à celui qui est aussi le producteur du film.
(3) Le groupe a été fondé en 1989 et en pleine vogue dans les années 1990.

 

 

 

 

 

 

 
     
     
     
     
     
     
     
     

 

   

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 



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