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Li Shaohong 李少红

Présentation

par Brigitte Duzan, 14 octobre 2010, actualisé 28 janvier 2025

 

Née à Suzhou en juillet 1955, Li Shaohong (李少红) est une réalisatrice sortie de l’Institut du cinéma de Pékin en 1982, dans la promotion des cinéastes dits « de la cinquième génération ». 

 

   

Li Shaohong en 2016 (photo CCTV)

 

En 1969, alors qu’elle avait seulement 14 ans, elle est entrée dans l’armée [1] et a travaillé dans un hôpital militaire jusqu’à la fin de la Révolution culturelle. En 1978, au moment de la réouverture des universités, elle a été admise en classe de réalisation à l’Institut du cinéma de Pékin. C’est là qu’elle a rencontré son mari, le photographe et chef opérateur Zeng Nianping (曾念平), qui a signé la photo du « Red Elephant » (《红象》) de Tian Zhuangzhuang (田壮壮), premier long métrage de la cinquième génération, tourné dans le Yunnan pendant l’automne 1981 ; il a fait aussi partie de l’équipe qui, pendant l’été 1981, a tourné avec le même Tian Zhuangzhuang un court métrage adapté de la nouvelle de Wang Anyi (王安忆) « Notre petite cour » (《我们的小院》).


Li Shaohong a fait l’objet d’un véritable lynchage médiatique à l’automne 2010, lors de la diffusion de la série télévisée adaptée du « Rêve dans le pavillon rouge » qu’elle a achevée alors que sa consœur  Hu Mei (胡玫) avait abandonné faute d’avoir les coudées franches. Comme Hu Mei et ses autres consœurs, l’histoire de Li Shaohong est celle d’un talent étouffé dans un univers où les femmes ont toujours difficilement trouvé leur place, sauf comme actrices 
[2].

 

De l’armée au cinéma

Les examens d’admission à l’Institut du cinéma ont débuté en mai 1978, avec des centres d’examen à Pékin, Shanghai et Xi’an. L’examen comportait plusieurs étapes, dont une analyse de film et un test de récitation/interprétation, d’un texte choisi par le candidat, ne devant pas excéder cinq minutes. Celui choisi par Li Shaohong était un long poème en hommage à Zhou Enlai qu’elle a terminé dans un profond silence
[3].

 

Elle était encore infirmière dans le district militaire de Nankin. Mais, comme elle l’a expliqué ensuite à ses examinateurs, elle avait été projectionniste pendant quatre ans, jusqu’à l’âge de 17 ans, dans la province du Sichuan ; les films projetés, à l’armée ou dans des usines, étaient les opéras modèles, ou des adaptations, mais elle avait pu constater la ferveur des gens qui arrivaient pour voir les films avec leur tabouret.

Elle avait juste terminé l’école primaire, mais elle s’était instruite toute seule en lisant tout ce qu’elle pouvait trouver de livres d’histoire et de littérature, chinoise et étrangère, dans les bibliothèques. Elle montrera quelques années plus tard son ouverture sur les nouveaux courants littéraires chinois, et en particulier le courant de littérature urbaine incarnée par Wang Shuo (王朔), mais aussi par Wang Meng (王蒙). Avec sa consœur Peng Xiaolian (彭小莲), elle écrira un scénario adapté de la nouvelle « Les cordes du cerf-volant » (《风筝飘带》) de Wang Meng. Mais surtout, elle sera l’une des premières à réaliser des films sur la réalité urbaine.

 

1988-1992 : trois premiers films décisifs

 

En 1982, Li Shaohong est avec Peng Xiaolian (彭小莲) assistante réalisatrice sur le tournage d’un film tourné au Studio des enfants. Puis, en 1983 et 1984, elle est encore assistante réalisatrice sur le tournage de trois films, dont « Bao, père et fils » (包氏父子) et « Un héritage » (《清水湾,淡水湾》)réalisés par Xie Tieli (谢铁骊). Il lui faut attendre 1988 pour réaliser son premier film.

 

1. Ce premier film est « The Case of the Silver Snake » (《银蛇谋杀案》) : l’histoire d’un tueur en série, ancien projectionniste, qui assassine des femmes avec un serpent et qui, ayant découvert le secret d’une attaque de banque à main armée, entreprend de faire chanter la femme qui en est la clef. Le film a fait s’étrangler les censeurs, et à l’époque a fait faire des cauchemars à plus d’un spectateur, mais c’est devenu un film culte, mêlant des clins d’œil à Hitchcock, Polanski et le cinéma de Hong Kong. Comme les films suivants de Li Shaohong, la photo est de Zeng Nianping, et Li Shaohong avait pour assistante… Ning Ying (宁瀛) !

 

   

The Case of the Silver Snake

 

2. Son deuxième film, « Bloody Morning » (ou « Un matin couleur de sang » 《血色清晨》), est sorti en novembre 1992 au festival des Trois Continents de Nantes où il a remporté la Montgolfière d’or. Le film est un drame villageois où la victime est l'instituteur d’un village de montagne très pauvre du nord de la Chine, le seul intellectuel au milieu de paysans dont l'existence était limitée à la lutte quotidienne pour la survie.

 

La toute jeune Hongxing (红杏) est mariée par ses deux frères à un richard du village voisin. Mais, lors de la nuit de noce, celui-ci furieux accuse sa nouvelle épouse de ne pas être vierge. Il la renvoie chez elle et prend sa sœur en échange. Le frère aîné soupçonne l’instituteur du village d’être responsable de la perte de virginité de Hongxing qui refuse de passer aux aveux. La tragédie est ainsi inévitable.

 

Le film est dépeint comme étant adapté du roman de García Márquez « Chronique d’une mort annoncée », mais il s’agit plus d’une inspiration que d’une adaptation stricto sensu ; ce que Li Shaohong a adopté du roman, c’est surtout la construction narrative : le film part du meurtre, puis la réalisatrice, comme l'écrivain, cherche à en expliquer les mobiles en reconstituant les faits à partir des souvenirs et témoignages morcelés des villageois. Le film devient ainsi une peinture de la société rurale, avec ses coutumes et ses superstitions. Pour ses différents points de vue et angles narratifs, on a comparé le film à « Rashomon », mais il n’est pas structuré de manière aussi formelle ; ce sont les questions de la foule qui en forment l’ossature, plutôt comme un puzzle.

 

   

Un matin couleur de sang 

 

Cependant, « Un matin couleur de sang »  n’a pas bénéficié de la mansuétude des censeurs : il a été interdit en Chine pendant des années, et comme souvent sans explications. Est-ce pour l’excès de violence ? Pour la vision de la sexualité féminine offerte par le film ? Ou pour le spectacle de deux hommes tuant le maître d’école, sans que personne n’intervienne ?

 

 

Le film (non sous-titré) 

 

3. Le troisième film de Li Shaohong, « Family Portrait » (《四十不惑》), est sorti en août 1992 au festival de Locarno où il a remporté le prix FIPRESCI des critiques de cinéma, avant d’être présenté au festival de Toronto le mois suivant.

 

   

Family Portrait

 

Le scénario est de Liu Heng (刘恒) et dresse un tableau intimiste de la vie moderne, et plus spécifiquement de la classe moyenne émergente dans la Chine urbaine, aux lendemains de Tian’anmen. Li Shaohong se dégage de l’esthétique « du village » qui marquait encore son film précédent et se pose en précurseur d’un courant nouveau pour la cinquième génération. Au même moment, Zhang Yimou, par exemple, abandonne les sujets historiques pour aborder les problèmes de la société moderne avec « « Qiu Ju, une femme chinoise » (《秋菊打官司》), également sur un scénario de Liu Heng, mais c’est encore une histoire de paysanne.

 

Li Shaohong réalise au contraire un film sur les mentalités et les modes de vie de la classe moyenne de la capitale, encore marquée par le poids des traditions, mais aussi par le désir de s’en évader. Cao Depei (曹德培) est un photographe qui s’était marié quand il avait été envoyé à la campagne pendant la Révolution culturelle, mais qui,  après avoir divorcé, s’est remarié en ville et a un fils de sa deuxième épouse, Duan Jinghua (段京华). C’est alors qu’il apprend que sa première épouse est décédée, mais qu’elle était enceinte quand il l’a quittée, et qu’elle lui a aussi donné un fils qui a maintenant plus de dix ans. Obligé de prendre l’enfant avec lui, il le loge dans son studio de photographie, mais sa vie devient impossible quand sa deuxième épouse tombe enceinte et doit se faire avorter en raison de la politique de l’enfant unique.

 

Évoquant de manière critique les situations tragiques nées de la survivance de problèmes liés à la Révolution culturelle et de la politique de contrôle des naissances qui l’a suivie, « Family Portrait » est un ovni dans la production chinoise de l’époque. Il annonce des films ultérieurs de la sixième génération traitant de thématiques semblables, comme « Une famille chinoise » (《左右》) de Wang Xiaoshuai (王小帅). 

 

Remarquable pour le scénario de Liu Heng, le film l’est aussi pour la réalisation, et l’interprétation : le rôle de Duan Jinghua est interprété par Song Dandan (宋丹丹), actrice de théâtre qui avait commencé au cinéma en 1986 dans « Croissant de lune » (《月牙儿》), le film de Huo Zhuang (霍庄) adapté de la nouvelle de Lao She ; celui de la première épouse est interprété par Jiang Wenli (蒋雯丽), actrice qui avait remporté le prix Feitian en novembre 1989 pour son interprétation dans une série télévisée, alors qu’elle était encore étudiante, dans la classe d’interprétation de l’Institut du cinéma dont elle est sortie en 1992.

 

Avec ces trois premiers films, Li Shaohong s’est imposée comme une réalisatrice de premier plan, même si elle restait moins connue que ses confrères masculins. Son quatrième film, adapté d’une nouvelle de Su Tong (苏童) quatre ans après « Épouses et concubines » (《大红灯笼高高挂》), marche carrément sur les plates-bandes de Zhang Yimou

 

Les années 1990 : « Blush », mais pas seulement

 

1995 : « Blush »

 

Adapté de la nouvelle « Hongfen » (《红粉》) de Su Tong (苏童)[4], « Blush » (《红粉》) a été couronné de l’Ours d’argent à la Berlinale en 1995.  

 

Alors que Zhang Yimou offrait la vision d’un monde clos, statique, refermé sur ses traditions patriarcales, « Blush » le montre en train de s’ouvrir et d’exploser au lendemain de l’arrivée des communistes au pouvoir, en prenant pour symbole l’univers jusque-là fermé d’une maison close. Ces maisons étant désormais interdites et leur « commerce » illicite, les femmes sont envoyées se faire réformer pour devenir de dignes travailleuses gagnant leur pain à la sueur de leur front.

 

Le film, comme la nouvelle, s’interroge sur le sort réservé à deux d’entre elles, deux amies très proches, mais de caractères opposés, que leur nouvelle vie va séparer. Tout dans le film est le fruit d’un travail remarquable, sur la mise en scène, la photographie et l’interprétation, qui en fait un petit chef-d’œuvre que l’on a malheureusement du mal à trouver et à voir programmés, comme beaucoup des films de Li Shaohong.

 

1997 : « The Red Suit »

 

Sorti en septembre 1997 sans faire beaucoup de bruit, « The Red Suit » (《红西服》) est souvent oublié dans la filmographie de Li Shaohong, et à tort. Ici encore elle fait œuvre de précurseur en traitant des tragédies causées par les fermetures d’usines et les  licenciements brutaux des années 1990 en se plaçant au niveau de toute une famille.

 

   

The Red Suit

 

Travailleur consciencieux et loyal, Liu Shijjie (刘世杰) se retrouve au chômage quand son usine bat de l’aile, mais prétend aller travailler comme de coutume. Sa femme, Qi Hongguang (齐红光), s’attend pour sa part à se faire licencier, mais remporte au contraire une victoire au travail ; folle de joie, elle court à l’usine de son mari pour lui apprendre la nouvelle, et apprend alors qu’il n’y travaille plus… Entre-temps, Liu Shijjie a appris que sa mère, veuve, s’est trouvé un nouveau partenaire, et au lieu de s’en réjouir la désapprouve ; mais il change d’avis quand on diagnostique à la vieille mère un cancer aux poumons. La fille du couple passe elle aussi par des épreuves, dans ses études et sa vie sentimentale.

 

Le film dresse des portraits en profondeur des personnages, en particulier celui de Qi Hongguang, envoyée dans le Heilongjiang en 1968, puis embauchée dans une usine de traitement de la viande qui, au début des années 1990, est obsolète. Responsable des contrôles de qualité, elle s’est montrée d’une telle inflexibilité qu’elle s’est attirée des haines féroces. C’est ce qui la rend d’autant plus touchante lorsque, à la recherche de son mari dont elle a découvert qu’il a été licencié, elle le trouve sous un pont en train de réparer une bicyclette. Son visage suffit à exprimer tout ce qu’elle ressent : un cri silencieux. Le rôle est interprété par Song Dandan et celui de Liu Shijjie par Wang Xueqi (王学圻).

 

Le film s’achève sur cette scène, sans guère offrir de vision optimiste de l’avenir : pas de couleurs brillantes, le rouge du titre est presque ironique, mais d’une ironie amère (c’est la couleur d’une veste offerte en cadeau d’anniversaire à Liu Shijjie, symbole d’un passé révolu). Pour un film chinois, il fallait oser terminer sur une note aussi sombre, à un moment où, justement, l’avenir était ainsi.

 

« The Red Suit » a encore une cote de 7.7 sur douban. Les films chinois suivants qui traiteront de la période,  comme « Une pluie sans fin » (《暴雪将至》) de Dong Yue (董越), adopteront plutôt une esthétique de film noir, pour revenir vers une optique de réalisme social mais traité en thriller - comme dans le dernier film de Gao Peng (高朋). Ces cinéastes ont l’avantage d’un regard distancié.

 

Années 2000 : trois films, trois genres différents

 

2004 : Baober in Love

 

Avec le recul du temps, « Baober in Love » (《恋爱中的宝贝》) apparaît comme un tournant dans la carrière et la filmographie de Li Shaohong. Avec ce film sorti en février 2004, elle a abandonné son premier style, d’une esthétique réaliste travaillée en profondeur, pour aborder un réalisme différent, qui a perdu ses couleurs sombres : elle semble vouloir tenter de rendre l’image d’un monde en changement tellement rapide que tout semble en miettes et qu’il est difficile de s’adapter. Le film est traité dans un style vaguement surréaliste, avec des personnages nimbés de mystère.

 

   

Baober in Love 

 

Baober est née en 1979, au début de la politique d’ouverture. Dotée d’une imagination fertile, elle est d’une vitalité débordante, à l’image de la Chine des années de la croissance à deux chiffres. Elle voit sa ville en plein chamboulement, sa maison détruite pour construire un immeuble. Ayant découvert une vidéo d’un homme qui confesse que la vie, pour lui, a perdu toute signification, elle décide de le trouver pour lui faire aimer la vie et sauver son âme... « Baober in Love » est l’image d’un monde qui marche un peu sur la tête – étant le produit d’un esprit malade. Le film a un aspect de réalité élusive qui rappelle le « Suzhou River » (《苏州河》) de Lou Ye (娄烨), sorti quatre ans auparavant, avec la même Zhou Xun (周迅) dans le rôle principal.

 

Baober, c’est en effet Zhou Xun (周迅) aux côtés de Chen Kun (陈坤) et de Huang Jue (黄觉), mais aussi d’un Liao Fan (廖凡) quasiment débutant. Baober, c’est une Zhou Xun survoltée, électrisante, qui fait (presque) croire parce qu’elle se l’est fait croire que les lendemains seront roses sinon rouges. Ce n’était pas son premier rôle au cinéma : elle avait été découverte par Xie Tieli (谢铁骊), son premier rôle datant du film de 1991 « Dans une ancienne tombe » (《古墓荒斋》), adapté des « Chroniques de l’étrange » de Pu Songling (蒲松龄 《聊斋志异》), qui sera l’un des derniers films de ce réalisateur dont Li Shaohong avait été l’assistante à ses débuts.

 

« Baober in Love », c’est aussi une photographie superbe, toujours de Zeng Nianping, et une postproduction détonnante (faite en France), dopée aux effets spéciaux. C’est un film qui a surpris, voire enchanté, à l’époque. Mais il est finalement moins intéressant, avec le recul, que le film suivant, qui mériterait d’être plus connu.

 

2005 : Stolen Life

 

« Baober in Love » a été suivi l’année suivante de « Stolen Life » (生死劫), de nouveau avec Zhou Xun.

 

   

Stolen Life 

 

Le film est encore une sombre histoire : celle d’une jeune femme dont la mère, envoyée à la campagne pendant la Révolution culturelle, a épousé un paysan. Ne voulant pas que sa fille grandisse à la campagne, elle l’a envoyée toute jeune à Pékin, chez sa mère. Cependant, la jeune Yanni (嫣妮) est devenue renfermée et taciturne. Quand elle rencontre un chauffeur de camion qui se montre attentionné et l’entoure de l’affection dont elle manque, elle en tombe amoureuse, pour s’apercevoir ensuite de son erreur : l’homme voulait juste avoir des enfants qu’il puisse vendre.

 

Là encore, bien des films chinois ont traité de sujets analogues depuis lors, mais celui de Li Shaohong reste injustement méconnu, sans doute parce qu’il n’a pas suffisamment de stars au générique. Il est malgré tout noté 7.8 sur douban.

 

2006 : The Door 

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« The Door » (《门》) est un film d’horreur inspiré d’un roman publié en 2006, initialement intitulé « À la croisée des chemins » (《三岔口》), d’un auteur renommé en Chine pour ses sanglants romans policiers, Zhou Dedong (周德东). L’intrigue du roman tourne autour de deux amis qui cherchent à se venger d’un troisième, Jiang Zhongtian (蒋中天), qui a escroqué le premier et a subtilisé la petite amie du deuxième ; leur vengeance est de réussir à traquer Jiang Zhongtian de manière à provoquer chez lui une dépression nerveuse. Le titre du roman a été changé pour reprendre le titre du film.

 

   

Le roman de Zhou Dedong

 

Le film, cependant, se concentre sur le personnage de Jiang Zhongtian, qui est au bord de la dépression, mais pour des raisons différentes. Il a en fait une obsession lancinante, concernant sa petite amie Wen Xin (文馨) : il est persuadé qu’elle le trompe avec un de ses ennemis de toujours. Mais cette obsession est doublée d’une autre, qui le taraude encore plus : l’idée qu’un autre camarade d’enfance, devenu chauffeur de taxi, a tenté de la violer. La chute finale arrive comme une surprise, bien qu’ayant été subtilement distillée dès le début.

 

   

Le film de Li Shaohong

 

Li Shaohong a dédié son film à Hitchcock, mais il n’a rien de « hitchcockien ». Il ferait plutôt penser à « Repulsion » de Polanski, dans un cycle infernal assez proche de celui qui pousse Deneuve vers la folie dans son appartement londonien. Mais Li Shaohong, elle, joue à plaisir des surfaces de verre et d’acier de Chongqing, et du bruit récurrent du train qui passe devant la fenêtre, scandant de manière lancinante le quotidien de Jiang Zhongtian, filmé par Zeng Nianping dans des couleurs grises qui semblent refléter la solitude et le vide du personnage. Il faut souligner la musique du film, signée Liu Sola (刘索拉).  

 

C’est alors que Li Shaohong accepte de reprendre le tournage du feuilleton télévisé adapté du « Rêve dans le pavillon rouge ».

 

2010 : le désastre du « Hongloumeng »

 

Il s’agissait d’une nouvelle adaptation télévisée, en cinquante épisodes, du grand classique « Le rêve dans le pavillon rouge » (《新红楼梦》), produite par Han Sanping (韩三平). C’est restée l’un des feuilletons les plus chers de la télévision chinoise : 118 millions de yuans, soit environ 17,5 millions de dollars.

 

Il devait initialement être réalisée par Hu Mei (胡玫). Or, le principal investisseur, Central Motion Pictures, ayant décidé d’organiser un grand show télévisé pour sélectionner les acteurs et actrices en faisant voter le public, Hu Mei protesta en disant qu’elle se réservait de revenir sur le choix qui serait fait, sur quoi le producteur déclara que, si la réalisatrice n’était pas contente, ils en changeraient. Ce qui fut fait, en octobre 2007 : Hu Mei fut remplacée par Li Shaohong.

 

   

Le Hongloumeng de Li Shaohong : A Dream of Red Mansions

 

Durant trois mois suivant la diffusion du feuilleton, les critiques les plus virulentes n’ont pas cessé, en particulier de la part des spécialistes du roman, outrés du traitement des personnages, de l’inexpérience des acteurs, et des choix esthétiques en général, les critiques non littéraires se focalisant surtout sur les costumes et les maquillages. Ceux-ci ont été accusés d’uniformiser les personnages au lieu de les individualiser, mais ce sont les coiffures qui ont suscité les pires diatribes ; adaptées de l’opéra kunqu, elles faisaient aux actrices des « têtes qui ressemblent à des pièces de monnaie en cuivre » (铜钱头). L’atmosphère, ont dit aussi ces critiques, serait plutôt celle d’un film d’horreur ou de fantômes, en particulier à cause de la musique et des éclairages. Le feuilleton a pourtant de très belles scènes et les costumes sont superbes.

 

   

Lin Daiyu

 

On a enfin reproché au film le choix stylistique du ‘voice over’ : une voix d’homme récite des passages entiers du livre, d’une voix forte qui domine parfois les dialogues, procédé qui a été jugé grossier

 

Ployant sous l’avalanche de critiques, Li Shaohong a ‘craqué’ lors de la présentation de la série à la presse, le 7 juillet, jour de son anniversaire : elle s’est effondrée en pleurs. Le problème est que tout le monde avait en tête les images de la précédente adaptation télévisée, réalisée en 1987, qui avait été un succès sans précédent. Mais cette adaptation avait été elle-même fraîchement accueillie au début, avant de devenir le succès qu’elle a été. Comme tous les grands classiques, comme les grands opéras aussi, « Le rêve dans le pavillon rouge » est une œuvre qui suscite aussitôt la controverse dès qu’on y touche.

 

   

Li Shaohong en pleurs lors de la présentation

du feuilleton à la presse

 

Les réalisateurs lui ont manifesté leur soutien en la nommant présidente de leur association en 2012. Mais Li Shaohong va traverser une période de purgatoire et ne plus travailler que pour la télévision pendant près de dix ans. Et quand elle revient au cinéma, elle semble avoir été quelque peu usée par ce passage dans les arcanes de la télévision.

 

2018 : « A City Called Macau »

 

Sorti le 12 décembre 2018, « A City Called Macau » (《妈阁是座城》) est adapté du roman éponyme de l’écrivaine Yan Geling (严歌苓), publié en janvier 2014, ce qui était au départ une idée intéressante. Le film était en outre programmé pour marquer le 20e anniversaire du retour de Macao dans le giron de Pékin, en 1999.

 

   

A City Called Macau 

 

Yan Geling a fait de son roman une sorte de documentaire sur l’économie et le fonctionnement des casinos de Macao qui constituent la toile de fond de son récit, et même la matière première, en quelque sorte, car le personnage principal du roman est une femme qui est croupière et Yan Geling était elle-même allée jouer pour se mettre dans la peau de son personnage. Ce rôle féminin étant confié à l’actrice Bai Baihe (白百何), on a pu voir dans le film l’œuvre d’un trio féminin prolongeant l’écriture du roman.

 

Mais le roman s’est révélé difficile à adapter pour le rendre vivant, car beaucoup de scènes se passent autour des tables de jeu, et de roulette en particulier – et encore la censure en a supprimé pas mal, pour éviter de voir le film devenir une sorte de mode d’emploi du jeu de roulette en casino. L’histoire même de la croupière succombant à ses sentiments, et du coup se ruinant, traîne un peu en longueur. De l’avis de la majorité des critiques, le film manque un peu de vie…

 

C’est malheureusement le rare film de Li Shaohong que l’on trouve facilement.

A City Called Macau, sous-titres chinois et anglais
https://www.dailymotion.com/video/x8gkip2

 

2021 : télévision

 

En 2020, Li Shaohong a participé à une anthologie féminine de trois courts métrages sortis en septembre 2022 sous le titre commun « Her Story » (《世间有她》) et réalisés par Sylvia Chang (张艾嘉), Joan Chen (陈冲) et elle-même. Il s’agissait d’offrir une vision féminine de l’année 2020, marquée par l’épidémie mondiale de covid19.

 

Elle est ensuite revenue vers la télévision en 2021 pour réaliser un feuilleton « historique en costumes » de 61 épisodes se passant sous les Song : « The Palace of the Song Dynasty » (《大宋宫词》). Le feuilleton a été diffusé sur iQiyi, Tencent Video et Youku Video  en mars 2021, puis sur Jiangsu Satellite TV.

 

Elle a réalisé un court métrage en 2024, mais on attend son retour au cinéma…

 

 


 


[1] Comme Yan Geling (严歌苓) à peu près au même moment, avec laquelle Li Shaohong travaillera plus tard pour adapter l’un de ses romans à l’écran.

[2] Et bien plus encore Liu Miaomiao (刘苗苗) qui était pourtant au départ la petite surdouée de cette promotion, dont elle était la benjamine, entrée à l’Institut à l’âge de 16 ans.

[3] Selon Ni Zhen, Memoirs from the Beijing Film Academy (倪震,《北京电影学院故事——第五代电影前史》), trad. Chris Berry, Duke Academy Press 2002, p. 27.

[4] Traduit en français « Visages fardés », trad. Denis Bénéjam, Philippe Picquier, 1995.
 

 

     

 

 

 

 
     
     
     
     
     
     
     
     

 

   

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 



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