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Cao Baoping 曹保平

Né en 1968

Présentation

par Brigitte Duzan, 29 décembre 2013, actualisé 8 janvier 2025

 

 

Cao Baoping (photo sina.com)

 

 

 « Across the Furious Sea » (《涉过愤怒的海》), en 2023, a porté à six le nombre de films réalisés par Cao Baoping depuis 2006. Six films dans le genre policier, avec un élément essentiel de suspense, mais qui se distinguent du genre en apportant une attention particulière au facteur humain dans la construction des scénarios, sophistiqués souvent à l’extrême ; en même temps, son style a évolué vers une image de plus en plus elliptique, de plus en plus rapide.

 

Scénariste d’abord

 

Né dans le Shanxi en 1968, Cao Baoping est sorti de l’Institut du cinéma de Pékin en 1989. Il a ensuite passé la plus grande partie des années 1990 à y enseigner l’écriture de scénario, et à en écrire, surtout pour la télévision. L’atmosphère n’était pas propice à la réalisation de films et il ne voulait pas opter pour le cinéma « indépendant » comme beaucoup des réalisateurs qui ont alors constitué le gros de la « 6ème génération ». Pour réaliser les films qu’il voulait faire, il lui fallait des budgets conséquents. Autant attendre en écrivant des scénarios.

 

C’est ainsi lui qui a écrit le scénario de « Veste rouge, pantalon rouge » (《红棉袄、红棉裤》), le film qui a fait connaître le réalisateur An Zhanjun (安战军), en 1996.

 

A la fin de la décennie, il a travaillé pour la télévision et, en 2001, a coréalisé le film « Absolute Emotion » (绝对情感), adapté d’un téléfilm qu’il avait écrit, et dont le producteur voulut faire un film. Il n’eut pas toute latitude pour tourner comme il l’aurait voulu, et a ensuite désavoué ce film, mais ce fut l’occasion pour lui de passer derrière la caméra.

 

2006 : Trouble Makers

 

Cao Baoping s’est tout de suite fait remarquer quand est sorti son premier film, prix spécial du jury au festival de Shanghai en juin 2006 : « Trouble Makers » (《光荣的愤怒》). C’est une comédie satirique, adaptée par le réalisateur d’une nouvelle de Que Diwei (阙迪伟) parue au début de 1997 dans la revue Littérature de Shanghai (上海文学) : « Opération au village » (《乡村行动》).  

 

 

Trouble Makers

 

 

Adaptation d’une nouvelle de Que Diwei

 

Né en 1950 à Lishui, au sud-ouest du Zhejiang, Que Diwei y a passé sa vie ; c’est un écrivain profondément attaché à la terre : les problèmes ruraux sont le sujet principal de ses nouvelles. C’est le cas d’« Opération au village » qui décrit un village mis en coupe réglée par les exactions de quatre frères, et les tentatives d’un groupe de villageois pour se débarrasser d’eux [1].

 

 

Que Diwei

 

 

Cao Baoping a acquis les droits de la nouvelle en 2004, mais il lui a fallu près de deux ans pour obtenir le visa de censure. Le sujet touche en effet quelques cordes sensibles, en montrant une société rurale totalement gangrenée. Le bureau de la censure y était opposé, et ce n’est que lorsque le directeur a changé qu’un consensus a pu être trouvé. Le tournage a finalement été réalisé en février 1996, dans le Yunnan, comme dans la nouvelle, mais non sans problèmes. Le film est au final le résultat d’une série de compromis.

 

Dans le village du Puits noir (黑井村) – tout est noir, dans ce film – les quatre frères Xiong (熊家四兄弟) font la loi : l’aîné est un rustre qui apprend les arts martiaux avec un maître dérisoire du nom de Gou Luan ou Couilles de chien (狗卵), le second est le comptable du village, le troisième en est le chef, et le quatrième un coureur et détrousseur de jupons… Le secrétaire du Parti du village, Ye Guangrong (叶光荣), fédère autour de lui un petit groupe excédé par les brutalités des quatre frères, mais en venir à bout est une mission impossible qui se dénouera en une nuit pleine de rebondissements…

 

Un pastiche détonnant

 

Le film est rapide et féroce, introduit dès le départ par quelques séquences introductives soulignées par des intertitres satiriques qui en donnent le rythme et le ton. Le scénario est particulièrement soigné, avec des dialogues percutants en langue populaire, et des acteurs peu connus, mais excellents, certains ayant été recrutés localement.

 

Mais les dialogues sont aussi truffés, de références à la langue de bois maoïste et post-maoïste qui font effet de pastiche ; ainsi, l’opération ayant besoin d’un slogan pour lui donner du corps, c’est la vieille expression de la fin des années 1970 qui resurgit : « Abattons la Bande des Quatre pour sauver le village du Puits noir ». Le titre lui-même est du même genre : dans l’expression 光荣的愤怒 (glorieuse colère), le terme 愤怒 fènnù était associé dans les slogans de l’époque – repris dans les affiches - à la colère du peuple s’élevant contre la Bande des Quatre.

 

 

Affiche de 1976 - slogan : dénonçons avec colère 愤怒声

le crime monstrueux d’usurpation du pouvoir commis

par la clique anti-Parti de la Bande des Quatre

 

 

Le film comporte aussi bien des références au grand roman classique « Au bord de l’eau » (水浒传), dont il reprend les notions de lutte individuelle pour la justice et la défense des droits de chacun – et dont semble sorti le personnage de Gou Luan (狗卵). « Trouble Makers » est plus profond qu’il n’y paraît.

 

 

Trouble Makers, sous-titres chinois 

 

2008 : The Equation of Love and Death

 

« Trouble Makers » est suivi deux ans plus tard par un film totalement différent, dont le scénario repose sur une intrigue policière traitée de façon elliptique : « The Equation of Love and Death » (《李米的猜想》), sorti en Chine en septembre 2008, puis au festival de Vancouver, et couronné du prix du meilleur jeune réalisateur au festival de San Sebastian.

 

 

The Equation of Love and Death

 

 

Le film se passe à Kunming, capitale du Yunnan, où Li Mi (李米) est chauffeur de taxi, obsédée par le souvenir de son petit ami qui a disparu et dont elle attend le retour. En trois parties, le scénario brouille d’abord les pistes, avant de résoudre une énigme complexifiée à plaisir, où l’on se perd un peu pendant les trois premiers quarts d’heure.

 

Le film repose en grande partie sur l’interprétation de Li Mi par Zhou Xun (周迅), évanescente et perdue dans son rêve de retrouvailles, confrontée à un duo de mafieux et un policier – interprété par Zhang Hanyu (张涵予) ; c’est lui qui va indirectement contribuer à éclaircir le mystère qui plane autour de la personne (ou double personnalité) du copain disparu.

 

« The Equation of Love and Death » est original et soigné dans ses moindres détails : la direction artistique a été confiée à Wei Xinhua (魏新华), le directeur artistique de Zhang Yimou  pour « La Cité interdite » (满城尽带黄金甲) et « Le Secret des poignards volants » (《十面埋伏》), et la musique est signée du rocker Dou Wei (窦唯).

 

Ce second film marque une nouvelle étape dans la carrière de Cao Baoping, avec une pléiade d’acteurs connus pour soutenir un scénario peut-être un peu trop tortueux.

 

 

The Equation of Love and Death, sous-titres chinois

 

2013 : Einstein & Einstein

 

« Einstein & Einstein » (13) marque une autre étape, avec un scénario qui n’est plus de Cao Baoping, mais d’une scénariste, Mia Jiao (焦华静), dont c’était en fait le travail de fin d’études à l’Institut du cinéma de Pékin – le titre anglais du film reprenant le titre original du scénario (爱因斯坦与爱因斯坦).

 

 

Einstein and Einstein

 

 

Nous sommes ici à Xi’an. Einstein est le nom d’un chien offert à la jeune Li Wan (李玩), 13 ans, par son père, divorcé et remarié ; pré-adolescente difficile, Li Wan vit avec ses grands-parents, et a des relations tendues avec son père ; il espère que le chien adoucira le caractère de sa fille. Effectivement, elle s’attache à l’animal, mais c’est la crise quand, un jour, il disparaît. Son père lui rapporte un chien qu’il prétend être Einstein, mais que sa fille ne reconnaît pas. C’est donc un Einstein de substitution que Li Wan finit par accepter.

 

Le chien est un substitut au premier amour des films classiques d’adolescents, et un prétexte à analyser les relations complexes entre générations, ainsi que le lent processus de maturation de Li Wan. L’acceptation du second Einstein est une métaphore de son acceptation de son père, dans sa lente évolution vers l’âge adulte.  

 

La réussite du film tient en grande partie à l’interprétation toute en finesse de la jeune actrice qui interprète Li Wan, venue de la télévision où elle joue depuis l’âge de six ans : Sophie Zhang (张雪迎). Mais tout est original dans le film, à commencer par l’image du chien, à des années-lumière des films sirupeux sur des sujets semblables, et son titre chinois, subtilement métaphorique… On aurait pu traduire : le chien de ses 13 ans.

 

Hormis au 21e festival des étudiants de Pékin, en avril 2014, « Einstein & Einstein » a peu circulé dans les festivals. il n’est sorti en Chine que début décembre 2018 et reste peu connu, mais il est toujours bien coté sur douban (8.2).

 

Einstein & Einstein, sous-titres chinois et anglais : https://www.youtube.com/watch?v=H4Kq1ygXLqY&t=1s

 

2014 : The Dead End

 

« The Dead End » (《烈日灼心》) est un film policier qui a été présenté en première mondiale au festival de Rome en 2014, puis a fait partie des quatorze films de la compétition internationale du festival de Shanghai en juin 2015. Il est adapté du roman « Tâches solaires » (《太阳黑子》) de la romancière Xu Yigua (须一),  publié en 2010.

 

 

The Dead End

 

 

L’intrigue part d’une affaire de viol et de meurtre dont les trois auteurs – un policier, un chauffeur de taxi et un simple d’esprit – n’ont jamais été arrêtés. Les trois complices ont depuis lors tenté de se faire oublier et ont mené une vie tranquille en élevant une petite fille orpheline qu’ils ont adoptée. Sept ans plus tard, le passé les rattrape : l’attitude du policier attire les soupçons de son supérieur, dont la jeune sœur tombe en outre amoureuse du chauffeur de taxi ; c’est elle qui amènera des indices supplémentaires à son frère…

 

Le film est interprété par un trio d’excellents acteurs, Deng Chao (邓超), Duan Yihong (段奕宏) et Guo Tao (郭涛). Ils ont tous les trois obtenu le prix du meilleur acteur au festival de Shanghai, tandis que Cao Baoping était élu meilleur réalisateur.

 

 

The Dead End (138’), sous-titres chinois

 

2016 : Cock and Bull 

 

En compétition lors de la 19ème édition du festival de cinéma international de Shanghai, en juin 2016, « Cock and Bull » (《追凶者也》) est un autre film policier qui présente pas mal de points communs avec « The Dead End ».

 

 

Cock and Bull

 

 

Tout commence aussi par un meurtre. Dans une petite ville, un chauffeur de moto-taxi a été assassiné et le réparateur de motos de la ville, Song Lao’er (宋老二), est aussitôt soupçonné. Comme la police ne semble avoir aucun indice et ne semble pas progresser dans l’enquête, Song Lao’er prend l’affaire en mains pour prouver son innocence, ce qui l’amène à retrouver le voleur de la moto, mais à réaliser en même temps que ce n’est pas lui qui a tué son propriétaire. L’affaire, évidemment, se corse, avec un troisième personnage, et deux femmes pour corser le tout …

 

 

Cao Baoping (au centre) entouré de ses interprètes

(dont Liu Ye à sa gauche) présentant Cock and Bull à Shanghai

 

 

Le scénario pourrait être adapté, aussi, d’une nouvelle de Xu Yigua, mais ce n’est pas le cas : il est co-écrit par les deux scénaristes Zhang Tianhui (张天辉) et Yang Jianjun (阳建军). Song Lao’er est interprété par l’acteur Liu Ye (刘烨).

 

 

Cock and Bull, sous-titres chinois et anglais

 

2023 : Across the Furious Sea

 

« Across the Furious Sea » (《涉过愤怒的海》) est le 6ème film réalisé par Cao Baoping depuis 2006. C’est un nouveau thriller, tourné en 2019 et sorti en Chine le 25 novembre 2023. Il est adapté d’une novella éponyme de l’écrivain Lao Huang (老晃) [2], publiée en 2020 dans un recueil de trois qui porte le même titre.

 

 

 

Le recueil de novellas de Lao Huang

 

Les deux rôles principaux du film sont interprétés par Huang Bo (黄渤) et Zhou Xun (周迅), qui jouent ici ensemble pour la première fois, et sont aussi opposés que leurs rôles dans le film. Un film qui pousse à ses limites l’art cinématographique de Cao Baoping, vers un style de plus en plus rapide et elliptique qui rappellerait presque le « glimpse » de King Hu (胡金铨) [3], d’autant plus étonnant qu’il vient en contradiction avec la longueur excessive du film (largement plus de deux heures). Un film malgré tout à ne pas négliger, malgré ses excès, dans le contexte très décevant du cinéma chinois des années 2020.

 

 

Across the Furious Sea, sous-titres chinois et anglais

 


 

Filmographie

 

2006 Trouble Makers 《光荣的愤怒》

2008 The Equation of Love and Death 《李米的猜想》

2013 Einstein & Einstein13

2014 The Dead End 《烈日灼心》

2016 Cock and Bull 《追凶者也》

2023 Across the Furious Sea《涉过愤怒的海》


 

[2] Un scénariste qui a commencé à écrire des nouvelles en 2015.

[3] Selon l’expression de David Bordwell parlant du montage des scènes d’action de King Hu :  « We do not see the action as much as we glimpse it ».

 

 

     

 

 

 

 
     
     
     
     
     
     
     
     

 

   

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 



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