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« 1428 » de Du Haibin : en passe de devenir un documentaire-culte

par Brigitte Duzan, 28 novembre 2009, actualisé 9 septembre 2017

 

« 1428 », de Du Haibin (杜海滨), a été couronné en septembre 2009 du prix du meilleur documentaire à la 66ème Mostra de Venise, où il avait été présenté dans la section Orizzonti. L’annonce de sa projection, le samedi 29 novembre 2009, au festival du film asiatique indépendant de Hong Kong, a fait courir les foules : les organisateurs ont dû ajouter une séance supplémentaire à neuf heures du matin, celle programmée à seize heures affichant complet (1) ! Le documentaire a rencontré le même succès partout depuis lors.

 

Il y a en effet au moins trois bonnes raisons pour que le film suscite un tel engouement : d’abord, sans doute, parce que c’est un documentaire tourné au Sichuan au lendemain du tremblement de terre dévastateur de 2008, mais aussi parce qu’il est l’œuvre d’un jeune réalisateur indépendant de trente sept ans qui est maintenant un habitué des grands festivals internationaux, et qu’il a été assisté, pour le montage de ce film, par la monteuse des films d’Eric Rohmer, hongkongaise d’origine, si française d’adoption.

 

Du Haibin à la cérémonie de clôture

de la Biennale de Venise

 

         « 1428 »

 

C’est à 14 heures 28, le 12 mai 2008, que le tremblement de terre a frappé la province du Sichuan, faisant quelque 69 000 morts et laissant quinze millions de sans-abri. Le titre est simplement l’heure à laquelle il a été enregistré dans les registres militaires.

 

Affiche du film « 1428 »

 

Du Haibin a raconté qu’il était au téléphone, à Pékin, au moment de la catastrophe, et son interlocuteur lui a dit : « C’est bizarre, il me semble que je sens l’immeuble bouger, on dirait qu’il y a un tremblement de terre quelque part… » Comme il a de la famille à Xi’an, il s’est précipité pour appeler, mais la ligne était coupée. Cinq heures plus tard, la télévision annonçait l’ampleur du séisme. Abasourdi, il est resté pendant deux jours collé à son écran de télévision, comme beaucoup de Chinois au même moment. Puis il est parti à Wenchuan (汶川), l’épicentre du séisme. Les premiers jours, il a participé aux secours d’urgence, sans réfléchir ; ce n’est qu’à partir du cinquième jour qu’il a peu à peu recouvré ses esprits, et pensé qu’il fallait filmer cela.

 

Les conditions du tournage furent évidemment difficiles. Non seulement son équipe et lui-même n’avaient pas de logement, ils dormaient dans la voiture, mais en outre, il avait commencé à faire froid et à neiger ; on voit les gens

dans le film patauger dans la neige à moitié fondue et se plaindre de l’humidité sous les tentes. Ils ont ainsi tourné pendant un mois avant de rentrer à Pékin.

 

Le résultat est un document poignant qui ne juge ni n’accuse, comme beaucoup l’ont fait – car le nombre de morts s’explique en grande partie par le fait que la population n’était pas préparée, et que les écoles étaient construites sans respecter les normes de sécurité minimales pour une région située sur une zone sismique. La caméra suit juste les survivants, captant

 

Photo du film « 1428 »

sans commentaire superflu leurs regards, leurs interrogations, leurs réflexions. Tout est dans les non-dits.

 

Au passage, elle a saisi une série de tragédies individuelles, des histoires pathétiques, souvent absurdes. Une femme rapporte les paroles assassines de voisins lui disant que, s’ils avaient perdu leurs enfants, c’est parce qu’ils n’étaient pas bons (因为他们心里不好) ; une autre pense que les siens n’ont même pas eu le temps de dire « maman » avant de disparaître dans les décombres de leur école ; et revient la question lancinante et sans réponse que se posent toutes les victimes de catastrophes : pourquoi le ciel nous a-t-il ainsi frappés ?

 

Mary Stephen

 

Photo du film « 1428 »

 

Le documentaire a bénéficié au montage d’une signature prestigieuse : Mary Stephen, réalisatrice elle-même, mais surtout monteuse attitrée d’Eric Rohmer, depuis 1992 et « Le conte d’hiver », jusqu’au « Canapé rouge » en 2005. Elle avait déjà collaboré avec Du Haibin, pour son précédent documentaire, « Parapluies » (). Elle se trouvait à Pékin lorsqu’il est

rentré de Wenchuan avec ses rushes, et c’est tout naturellement qu’il est allé les lui montrer. Elle a accepté tout de suite de les monter.

 

Le film n’aurait pas la force qu’il a sans elle. Il y a, dans « 1428 » comme dans « Parapluies », un rythme mesuré, comme une respiration, qui vient en grande partie du montage.

 

Le trait de génie est sans doute d’avoir utilisé l’image récurrente d’un homme en haillons et hagard, errant au hasard au milieu des ruines et des abris de fortune, pour en faire comme un esprit revenant sur les lieux après la catastrophe, comme un symbole des disparus enterrés dans les décombres sans avoir pu encore trouver de sépulture, figure emblématique d’une humanité victime d’une nature

 

Photo du film « 1428 »

aveugle, mais aussi des insuffisances voire des malversations administratives. La caméra semble suivre ses pas, et partager son regard halluciné.

 

Mary Stephen présentant le film :

http://www.cnn.com/2009/WORLD/asiapcf/11/27/china.sichuan.1428/index.html   (vidéo)

 

Du Haibin

 

« 1428 » est le dernier jalon d’une carrière commencée en 1999 avec un premier court métrage de 45 minutes alors qu’il était encore étudiant à l’Académie du cinéma de Pékin. C’est cependant le documentaire qui l’a fait connaître auprès du public international. Son nom est devenu indissociable du tremblement de terre.

 

Photo du film « 1428 »

 

Il a pourtant réalisé auparavant plusieurs autres excellents documentaires qui attendent d’être redécouverts, comme

« Le long des rails » (铁路沿线), en 2001, ou « Parapluies » (), qui fut remarqué à la 64ème Biennale de Venise, en 2007.

 

Mais « 1428 » reste et restera un ultime hommage aux victimes de la catastrophe, S’il a

fallu attendre trente cinq ans pour avoir un film sur le séisme de Tangshan (2), et encore au prix d’une fiction faite pour tirer des larmes en camouflant astucieusement la réalité historique, Du Haibin semble avoir pris tout le monde de court en filmant tout de suite, très peu de temps après la catastrophe.

 

Son documentaire offre le choc de l’instantané, mais il est travaillé pour ne pas s’attirer trop les foudres des autorités et ne présente donc guère d’aspérités. Il a une structure narrative en forme d’ellipse, d’où il tire toute sa poésie. "This is independent documentary at its most sophisticated", selon les termes de Shelly Kraicer, et c’est un jugement aujourd’hui universellement partagé.

 

 

Extrait du film « 1428 »

 

 

Notes :

(1) Voir le site du festival : http://www.hkaiff.hk/

(2) C’est-à-dire « Aftershock » 《唐山大地震》) de Feng Xiaogang (冯小刚)

 


 

Surprise

« 1428 » est sorti en DVD. Il est classé ‘film d’horreur’ sur OVG (online video guide).

 


 

A lire en complément

 

Les ruines de Beichuan transformées en musée à ciel ouvert : une postface à « 1428 »

 

 

 

 

 

 

 
     
     
     
     
     
     
     
     

 

   

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 



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