« Following Mr Kong » : à voir pour Fan Wei et Zhi Yi
par Brigitte Duzan, 23 janvier
2012
« Following
Mr Kong »,ou
encore « Tracking Kong Lingxue »(《跟踪孔令学》),
est un film d’un réalisateur originaire de Shenyang,
Zhang Xiao (张骁),
révélé lors de la 4ème
édition du Beijing First Film Festival, en octobre
2011.
Dès le
générique, le film s’annonce original, par son
design et par la musique. Il ne l’est pas moins par
son scénario.
Un scénario
bien construit
Kong
Lingxue (孔令学)
est professeur de chinois dans un lycée d’une petite
ville du nord-est de la Chine. Un jour, pendant un
de ses cours, il remarque l’une de ses élèves, Liu
Meng (刘萌),
en train d’écouter de la musique sur son téléphone
portable. Kong le lui confisque, mais la jeune fille
se rebelle. Axiang (阿祥),
un jeune désoeuvré, adepte de kungfu et
membre d’un bande de jeunes comme lui, parce qu’il
est amoureux de Liu Meng et se prétend son petit
ami, pense de
Following Mr Kong,
affiche
son devoir de la
défendre : il commence à suivre Kong Lingxue à la sortie du
lycée en le harcelant.
Fan Wei, en Mr Kong
Celui-ci, de son
côté, va voir le professeur principal pour tenter de mettre
un terme à cette affaire de façon ‘pacifique’, sans que la
jeune Liu Meng soit renvoyée pour son attitude indisciplinée
car c’est une élève notoirement connue pour avoir des
problèmes familiaux. Mais Axiang continue sa tactique de
harcèlement, réussissant à aller jusqu’à l’école de la
petite fille de Kong Lingxue lorsque celui-ci va la chercher à la
sortie des classes.
Craignant pour
l’enfant qui est la prunelle de ses yeux, il demande alors
au professeur de
kungfu de l’école de l’aider en intimidant Axiang, mais
cela ne résout pas la question pour autant. Kong Lingxue
sombre dans une sorte de paranoïa qui affecte même sa vie
familiale car il n’ose pas avouer la réalité à son épouse…
Le scénario
est ainsi l’histoire d’une sorte de descente aux
enfers d’un être faible et qui se reconnaît comme
tel : j’ai toujours eu une faiblesse, explique-t-il,
autrefois c’étaient mes parents, maintenant c’est ma
fille. C’est une faiblesse congénitale qui l’empêche
de se faire respecter de Liu Meng lorsqu’il tente
d’être ferme avec elle, et qui l’empêche aussi de
réagir efficacement contre Axiang. Mais on se rend
compte à la fin qu’elle lui crée une telle anxiété
qu’elle lui rend la vie impossible en tournant à la
paranoïa.
Un film qui manque
un peu de rythme…
Si le scénario est
original et la construction narrative bien menée et pleine
de rebondissements, le film manque cependant quelque peu de
rythme et de souffle. Cela tient bien sûr au sujet lui-même.
Zhang Xiao s’attache à démonter les ressorts psychologiques
qui, à la suite d’un incident scolaire pourtant banal et a
priori sans importance,
Fan Wei, gagné par
l’anxiété
mènent un
personnage faible à une dérive progressive vers une anxiété
pathologique.
Les
situations dans lesquelles se trouve empêtré le
malheureux Kong Lingxue sont légèrement répétitives
malgré les trésors d’imagination déployés pour leur
apporter une certaine diversité. De nombreuses
scènes se limitent à des déambulations dans les rues
avec le jeune Axiang à la traîne. Zhang Xiao a beau
varier la manière dont Kong Lingxue lui demande
d’arrêter de le suivre, c’est quand même plus ou
moins la même chose.
Confrontation
Fort heureusement,
il y a de belles trouvailles pour
apporter un peu d’humour, quand le pauvre professeur imagine
des ruses pour tenter de semer le jeune à ses trousses, avec
des courses poursuites dans divers lieux publics, et des
refuges dans des lieux improbables, comme un centre de
massage… Le film regagne alors le tonus qu’il avait du mal à
garder par ailleurs. Mais la fin est peu convaincante.
Le film bénéficie
surtout d’une excellente interprétation qui confère aux
personnages une grande sensibilité et beaucoup de
profondeur.
… mais porté par
ses interprètes
Axiang et Liu Meng
Les trois
personnages principaux, surtout, sont
remarquablement interprétés. Bai Huizi (白卉子)
dans le rôle de Liu Meng, celle par qui le malheur
arrive, offre le visage fermé typique de la jeune
rebelle en mal d’affection. Mais ce sont les deux
rôles masculins qui sont les plus réussis (Zhang
Xiao s’étant réservé le rôle du directeur de l’école
dans deux scènes conclusives).
Le jeune
Zhi Yi (支一)
dans le rôle d’Axiang est particulièrement bon dans
un rôle
difficile où il
arrive à donner de la profondeur à un personnage qui n’a pas
de contours bien définis, sauf négativement. Sa allure
dégingandée rappelle irrésistiblement le Xiao Wu (小武)emblématique
de Wang Hongwei (王宏伟).
Mais celui qui
emporte la mise, et le film avec lui, c’est Fan Wei (范伟)
dans le rôle principal, un Fan Wei qui se révèle de plus en
plus un acteur extraordinaire, qui a su diversifier ses
rôles et affiner son style, au-delà des rôles comiques de
ses débuts.
Le plus
extraordinaire, c’est qu’il nous en rappelle un
autre, qu’il a interprété il y a quelques années, le
« Lucky
Dog » (《耳朵大有福》)
de
Zhang Meng (张猛), un ‘lucky dog’
timoré qui aurait perdu son tonus. Mais ce cousinage
est plus profond qu’il n’y paraît : Zhang Xiao,
comme Zhang Meng, est du Dongbei ; le père de Zhang
Meng était le réalisateur Zhang Huizhong (张惠中),
spécialiste de séries
télévisées comiques très populaires dans lesquelles
il a fait jouer son ami
Zhao Benshan (赵本山),
Zhao Benshan qui est le maître de Fan Wei…
La traque
On n’en finirait
pas de citer les liens entre eux. Finalement, il ressort du
film de Zhang Xiao comme un style spécifique, une couleur
locale qui pourrait être celle d’une ‘école du Dongbei’,
avec des tons plus vifs chez l’un, plus feutrés chez
l’autre. Mais Zhang Meng a pour lui cette fantastique
palette musicale que l’on cherche vainement, contrairement à
ce que laissait présager le générique, dans ce film de Zhang
Xiao dont la musique est pourtant la profession initiale.