Réalisatrice et scénariste née en 1996 à Chengdu, au
Sichuan, Sabrina Zhao – nom occidentalisé de Zhao
Ruobing (赵若冰)
– fait partie de la toute jeune génération de
cinéastes chinois, la génération « post »90 ». Son
premier long métrage - « The Good Woman of Sichuan »
(《四川好女人》)
– a été l’un des films sélectionnés dans la section
« Forum » de la Berlinale 2021. Il garde le
caractère expérimental de ses précédents courts et
moyens métrages.
Sabrina Zhao a un parcours international tout à fait
atypique. Elle a suivi des cours de cinéma mais
aussi de littérature et écriture créative à Abu
Dhabi dans le cadre du programme transnational et
multidisciplinaire Film and New Media développé en
partenariat avec New York University (NYU-Abu
Dhabi), puis elle est allée poursuivre des études en
production cinématographique à Toronto, à la York
University.
Zhao Ruobing / Sabrina
Zhao
Dans le cadre de ses études, elle a réalisé plusieurs courts
et moyens métrages qui sont des films expérimentaux entre
documentaire et fiction, à commencer par « Rabbit Hole » en
2015.
Tentative de réflexion sur un sujet de film qui pourrait
être l’histoire d’un voyage dans le temps d’un homme rescapé
d’une catastrophe atomique, qui part à la recherche d’un
amour ancien, ou de la définition de l’amour.
Watanabe est un jeune Japonais qui vient de déménager à New
York. Le film se passe une nuit, dans un pays étrange, où
souvenirs, traumas et peurs sont magnifiés. Il exprime la
solitude et les angoisses de jeunes vivant en ville, et le
mystère de la vie et des corps. Entre Murakami et
Kieslowski.
2020 : Nini, What Time Is It There ?
《妮妮,你那边几点了?》(33’)
Deux jeunes Chinoises qui ne se sont jamais rencontrées
mènent une relation à distance, l’une vivant dans une petite
bourgade du Sichuan, l’autre dans un vieil immeuble de
Toronto. Le film a été sélectionné au festival documentaire
Open City de Londres en septembre 2020.
2021 : « The Good Woman of Sichuan »
En mars 2021, le premier long métrage de Sabrina
Zhao, « The Good Woman of Sichuan » (《四川好女人》),
a été projeté dans le cadre de la section Forum de
la 71ème édition de la Berlinale
[1].
C’est encore un film expérimental, en mandarin et
dialecte du Sichuan, qui a été tourné à Leshan (乐山市),
dans le sud de la province.
Le sujet est une femme qui voyage en train, une
veuve qui revient dans un endroit qu’elle a connu,
mais qui ne lui est plus familier, en quête d’un moi
plus ou moins imaginaire. La caméra ne nous la
montre pas ; elle ne filme que ce qu’elle voit
défiler très vite par la fenêtre et dont l’image est
rendue floue par la vitesse : des arbres, des
rivières, des lacs et des maisons qui disparaissent
dans la végétation, le tout segmenté ici et là par
des tunnels.
The Good Woman of
Sichuan
Le paysage par la
fenêtre du train
Cette femme est sans doute l’une des deux que l’on
voit plus tard dans la ville, près de la rivière,
chez le coiffeur, achetant des vêtements… mais la
ville est dissimulée par le cadrage si bien qu’on
l’entend sans bien la voir. De l’une des femmes on
entend la voix en voice-over ; c’est une actrice qui
parle de la pièce qu’elle prépare : « La Bonne âme
du Sichuan » de Brecht mise en scène par une femme,
à Leshan, justement – si c’est cette ville qui a été
choisie, c’est parce que la réalisatrice voulait
tourner « chez elle » au Sichuan, mais pas à Chengdu
qui lui était
trop familier. Il y a donc déjà un effet de miroir entre la
réalisatrice et son personnage.
Par ailleurs, il est bien précisé que la mise en scène dont
il est question n’est pas une adaptation ; elle partage
cependant bien des choses avec le film, et pourrait donc
être comme un miroir à la fois du film et de la pièce, entre
réalité documentaire, rêve et imaginaire.
Le titre du film renvoie à la pièce de Brecht « La
Bonne âme du Se-Tchouan » (Der Gute Mensch von
Sezuan
《四川好人》ou
《四川好女人》),
sans en être ni une adaptation ni même une
inspiration car le titre a été suggéré en
postproduction après le tournage du film. Ce qui est
repris de Brecht, c’est en fait l’idée de
distanciation qui lui est chère. Le sujet du film
est la relation de la femme à cet endroit, à la fois
familier et distant. La réalisatrice joue sur
l’espace, avec des cadrages sensés donner une
impression nouvelle d’un endroit familier, pour une
femme qui revient chez elle.
Sur le tournage
L’idée initiale
vient d’une nouvelle que Sabrina Zhao avait écrite trois ans
auparavant, mais dont elle a ensuite abandonné la ligne
narrative pour construire son film au fur et à mesure du
tournage, à partir de l’image et du son, légèrement
désynchronisés ensuite au montage
[2].
« The Good Woman of Sichuan » apparaît comme un ovni
cinématographique, fascinant.
The Good Woman of Sichuan,
trailer de la Berlinale
Interview par Cristina Nord, directrice de la section Forum
de la Berlinale
[2]Voir le
long entretien publié le 25 mars 2021
dans lequel
elle explique en détails
la conception, le tournage et le montage du film :
https://www.mdeditor.tw/dl/127AV