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Gan Chao 干超
Présentation
par Brigitte Duzan, 20 janvier
2012
Gan Chao est un tout jeune réalisateur qui a fait
des études de littérature chinoise à l’université
Fudan de Shanghai dont il est sorti diplômé en 2000.
Deux ans plus tard, il terminait un « Master
of Arts in Television studies » au département de
théâtre de l’université de Bristol, en Angleterre.
Aujourd’hui, il travaille à la chaîne documentaire
du Shanghai Media Group.
1. « La
maison de monsieur Jiang », ou « The last house
standing » (《房东蒋先生》),
sorti en 2004, est son premier documentaire.
Monsieur Jiang est un vieux Shanghaïen qui est,
comme tous ses pairs, une sorte de mémoire de la
ville. Il en a vécu tous les soubresauts de
l’histoire récente, des années 1930 à aujourd’hui,
en passant par sa « libération », en 1949, et par la
Révolution culturelle. De manière incroyable, après
avoir été envoyé se rééduquer à la
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Gan Chao |

La maison de monsieur
Jiang, affiche internationale |
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campagne,
il a retrouvé sa vieille maison à son retour à
Shanghai, si bien que celle-ci, même passablement
délabrée, est le seul de ses biens qui ait traversé
avec lui ses soixante années d’existence. Or la
maison doit maintenant être rasée dans le cadre d’un
de ces vastes projets immobiliers qui bouleversent
les identités autant que les façades.
Bien sûr
il n’est pas facile, le vieux monsieur, attaché à
son passé, à ses traditions, méfiant à l’égard des
étrangers, comme cette journaliste venue de Pékin
qui vient loger quelques temps |
avec lui :
c’est Liang Zi (梁子),
qui a participé à la conception et à la réalisation
du film, et a fini par gagner sa confiance, si bien
que, sous le regard de la caméra, il finit par
livrer ses souvenirs, ses tristesses, son amertume.
Interviewés lors du festival de documentaires de
Yamagata, où le documentaire a été présenté en
octobre 2005, les deux cinéastes ont expliqué la
graduelle transformation de leurs rapports avec leur
hôte, qui constitue le contexte |
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La maison |

Monsieur Jiang |
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du film.
Liang Zi l’a dépeinte en trois étapes : d’abord, ils
se sont un peu moqués du personnage, le traitant
comme un original enfermé dans son passé ; puis ils
ont été bouleversés au fur et à mesure qu’ils
découvraient l’immense poids que l’histoire avait
laissé au plus profond de lui ; et finalement il y
avait eu le silence, devant le regard perdu du vieux
monsieur devant les décombres de son antique
demeure.
C’est un
film intense, habité par ce |

Photo du film |
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personnage
qui représente à lui tout seul tout un pan de
l’histoire du pays. La caméra se fait aussi petite,
aussi neutre que possible, filmant avec une sorte
d’humilité. Du coup, on a l’impression de vivre les
malheurs du vieux monsieur en symbiose avec lui.
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2. Gan
Chao a ensuite réalisé « L’enfant de
personne » (《无人之子》).
C’est une autre réflexion sur les
conséquences dramatiques de l’histoire sur la vie
des Chinois aujourd’hui, cette fois sur celle d’un
jeune garçon de dix-huit ans. Confronté au divorce
de ses parents, il tente d’en comprendre les
raisons. Or celles-ci remontent à l’époque de la
Révolution culturelle, et sa recherche lui fait donc
remonter le cours de l’histoire. C’est une sorte de
périple initiatique de |
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L’enfant de personne |
quelque 13
000 kilomètres, dans le temps autant que dans
l’espace. C’est à nouveau filmé au ras des
personnages, sans effets superflus. C’est un regard
froid, sans fard.
3. La même
facture caractérise la dernière réalisation de Gan
Chao, tournée avant les Jeux olympiques de l’été
2008 à Pékin : « The red race » (《红跑道》).
C’est un film terrible qui se contente de filmer
l’entraînement de jeunes gamins de 6 à 10 ans dans
une école sportive de Shanghai en vue des
compétitions de gymnastique. La caméra se fixe sur
les visages |
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The Red Race, affiche |

Avant l’entraînement |
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en pleurs
des gamins à la fois exténués et terrorisés par les
professeurs, puis filme les parents, des paysans qui
ont ainsi l’espoir de voir leurs enfants sortir de
la misère, expliquant aux enfants qu’il faut qu’ils
soient les meilleurs, qu’ils en ont la
responsabilité pour l’Etat et la famille…
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C’est un film qui
fait froid dans le dos, et il n’est pas besoin de
commentaires superflus. Une image suffit, elle est désormais
célèbre :

The Red Race, photo
célèbre |
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Note :
l’image suivante, il ne reste plus sur la barre que
la petite fille de droite, l’autre est tombée, et
une instructrice est en train de minuter celle qui
reste. Marche ou crève, la croissance est à ce prix…
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