Festival du
cinéma d’auteur chinois : troisième édition, 24 janvier- 4
février 2020
par Brigitte Duzan, 20 janvier 2020
Pour sa
troisième édition, qui se tiendra à Paris du 24
janvier au 4 février 2020, le Festival du cinéma
d’auteur chinois apporte deux innovations par
rapport aux deux éditions précédentes
[1] :
-d’une
part, un lieu inédit et prestigieux puisque,
au studio des Ursulines qui poursuit
l’aventure du cinéma chinois commencée déjà avec le
festival Shadows, va s’ajouter cette année l’auditorium
du musée Guimet ; c’est là qu’aura lieu la
soirée d’ouverture, puis que se dérouleront les
projections du premier week-end ;
-d’autre
part, une table ronde, le 29 janvier à 15
heures au musée Guimet
[2],
réunissant divers critiques et professionnels sur
les tendances actuelles du cinéma chinois. Les
organisateurs du festival ont d’ailleurs choisi le
titre : « Certaines tendances
Le festival 2020
du
cinéma chinois », en référence implicite au célèbre article
de François Truffaut « Une certaine
tendance du
cinéma français » paru dans le n° 31 des Cahiers du cinéma
(janvier 1954)
Rappelons donc ce qu’écrivait Truffaut, qui concerne aussi
bien ce dont il est question dans ce festival :
« Si le cinéma français existe par une centaine de films
chaque année, il est bien entendu que dix ou douze seulement
méritent de retenir l'attention des critiques et des
cinéphiles... Ces dix ou douze films constituent ce que l'on
a joliment appelé la Tradition de la Qualité, ils forcent
par leur ambition l'admiration de la presse étrangère,
défendent deux fois l'an les couleurs de la France à Cannes
et à Venise … »
Le
cinéma d’auteur chinoisest né ces dernières années sur les ruines de ce
qu’on appelait « cinéma indépendant » depuis le début des
années 1990. Une page est tournée et, contrairement au
cinéma officiel asphyxié par les contrôles et les
directives, ce nouveau cinéma qui prospère sur les marges
est d’une étonnante créativité. Cette troisième édition du
festival en est une brillante vitrine.
Le programme mêle tous les genres, de la fiction au
documentaire, et du long au court métrage, y compris
d’animation ; il regroupe aussi les réalisateurs de tous
âges et conditions, des cinéastes déjà affirmés comme
Pema Tsedenà des jeunes frais émoulus qui
n’ont même pas, très souvent, fait le sacro-saint parcours
de l’Institut du cinéma de Pékin. C’est l’inventivité qui
prime.
Les films feront l’objet de présentations et de séances de
questions-réponses avec le public, souvent en liaison par
skype avec les réalisateurs. La réalisatrice Xiang
Zi (相梓)
sera présente pour présenter son film.
Films d’ouverture et de clôture
Film
d’ouverture, le 24 janvier à l’auditorium du musée Guimet :
Avec ce film d’espionnage, en noir et blanc, dans la
Shanghai de 1941, avec Gong Li
(巩俐)
en tête d’affiche, Lou Ye brouille les pistes entre film
commercial et film d’auteur.
Film de clôture, le 4 février au studio des Ursulines :
Un trio de femmes, une journaliste, sa fille et sa mère,
vivent une cohabitation difficile sous le même toit. Le
sujet est ici traité par Yang Lina avec le mélange d’humour
et de drame mais aussi d’onirisme qui lui est habituel.
A nouveau adapté d’une de ses nouvelles comme ses deux films
précédents, ce nouveau film de Pema Tseden après
Jinpa (《撞死了一只羊》)
est une réflexion non dénuée d’humour sur les conflits entre
vie quotidienne et vie spirituelle, tout spécialement quand
la croyance en la réincarnation se heurte à la politique de
contrôle des naissances en provoquant des choix cornéliens.
Trailer
Il s’agit en fait d’une avant-première, le film va sortir en
France le 1er juillet.
Grand Prix de la section Generation K-Plus à la Berlinale,
il s’agit du premier film d’une jeune réalisatrice qui est
revenue filmer les lieux où elle a grandi, au Xinjiang.
C’est un film délicat sur le souvenir, l’innocence de
l’enfance et sa perte inéluctable, servi par de formidables
interprètes plus vrais que nature et par une photographie
lumineuse comme ce paradis perdu.
Un premier film réjouissant, sur une jeunesse en sursis
comme les hutongs de Pékin où il se passe – un de ces films
tournés avec un micro-budget, les parents et les copains,
qui devient presque un manifesto.
Prix spécial du jury Teddy Award à la Berlinale en
février 2019, premier film d’une jeune réalisatrice qui
ausculte son passé et s’interroge sur celui de ses
parents avec lesquels elle a toujours été en conflit, ce
chien aboyant à la lune en référence à un tableau de
Miró
est un aller-retour entre présent et passé pour mieux
comprendre les frustrations de chacun, dont beaucoup
tiennent au tabou de l’homosexualité.
Prix du meilleur film au festival de Marrakech et prix de la
meilleure originalité artistique au festival
FIRST de Xining,
« Mosaic Portrait » est le deuxième film de Zhai Yixiang,
inspiré de l’histoire vraie d’une jeune lycéenne enceinte
qui accuse l’un de ses professeurs, déclenchant enquêtes,
aveux et contre-aveux, dans une tempête médiatique où la
vérité disparaît derrière une « mosaïque » de points de vue
divergents.
Trailer
Documentaires
-
The Land of Peach Blossoms
《世外桃源》
de Zhou Mingying (周铭影)
(2018)
Prix du meilleur documentaire au festival
FIRST de Xining, ce
film conte l’expérience fascinante d’un restaurant de
Chengdu dont les serveurs étaient des acteurs d’opéra
exécutant des numéros de chant et d’arts martiaux, mais
aussi l’histoire délirante de la chute de cette entreprise,
collectiviste, autoritaire et utopique, comme l’allégorie
d’une dictature.
Tigre d’or au festival de Rotterdam 2019, « Present
Perfect » est une galerie de portraits de marginaux dans la
société moderne qui se forgent une identité médiatique par
le streaming en direct ; ces mises en scène de leur vie
quotidienne de parias témoignent d’une telle soif de
reconnaissance et de contact humain qu’elles frisent le
pathétique et génèrent le malaise par moments.
Trailer
-
Breathless Animals
《动物方言》
de Lei Lei (雷磊)
Documentaire expérimental d’une forme originale : un montage
d’images anonymes passant à un rythme d’enfer vient scander
le récit d’une femme qui se souvient de sa jeunesse, dans la
Chine des années 1970. Le récit personnel retrace ainsi
l’histoire d’une génération.
-
A Personal Film About my Past 22 Years
《一部关于我过去22年生活的私人电影》
de Frank Fang (方天宇),
36’
Court métrage documentaire dans le genre de l’autoportrait :
montage pêle-mêle de bouts de films de différentes époques,
entrecoupés de séquences d’animation et de scènes fictives,
comme un bilan, ou un rite de passage à l’âge adulte.
Prix du meilleur court métrage au festival
FIRST de Xiningmais
c’est en fait un moyen métrage qui tisse habilement un lien
ténu entre la vie et la mort, en ce moment transitoire où
l’âme, en Chine, s’attarde encore un instant sur terre avant
de briser définitivement ses attaches, le temps pour les
proches de « faire leur deuil ».
-
Umbilical
《连》 de
Danski Tang (唐雅).
7’
Film cantonais, Léopard d’argent dans la section Pardi di
domani du festival de Locarno 2019.
En dialogue avec sa mère, la réalisatrice évoque dans un
style surréaliste les violences vécues dans le passé, chez
elle et à l’école, et témoigne de la difficulté de devenir
femme.
Trailer
-
What Do You Know About the Water and The Moon
《水母》de
Luo Jian (罗柬),
16’
Conte surréaliste sur les conséquences traumatiques d’un
avortement : en tentant d’avorter, une femme donne naissance
à une méduse, et se demande ce qu’elle va en faire.
Film d’animation
en stop motion, dans le style wuxia pian influencé
par les films japonais du même genre, sur une ligne
narrative très simple inspirée par les chuanqi des
Tang
[3].
[2]Elle
sera précédée à 14 heures du moyen métrage
« Apart Together ». Elle aura pour
modérateur le critique de cinéma Wang Muyan (王穆岩)
et pour intervenants Marie-Pierre Duhamel, Brigitte
Duzan, Jean Michel Frodon et la réalisatrice
Xiang Zi (相梓).
[3]
Sur les chuanqi à l’origine de la
littérature et du cinéma de wuxia :