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Karamay, c’est tous les jours en Chine

par Brigitte Duzan, 4 décembre 2011

 

Le 16 novembre dernier, une collision dramatique, dans le nord-ouest de la province du Gansu, entre un camion chargé de charbon et un minibus de ramassage scolaire transportant de tout jeunes enfants d’âge préscolaire, a fait dix-huit morts parmi ceux-ci, et quarante quatre blessés.

 

Un accident tragique

 

Le minibus, géré par un jardin d’enfants

 

Photo du bus accidenté

privé du village de Yulinzi (榆林子镇), dans le district de Qingyang (庆阳), transportait soixante deux enfants, outre le chauffeur et l’adulte les accompagnant, qui sont morts dans l’accident : l’intérieur du véhicule avait été réaménagé, il avait initialement neuf places. L’accident est désormais passé à l’histoire sous la dénomination de « l’accident du bus scolaire du Gansu » (甘肃校车事故).

 

Le gouvernement local a immédiatement annoncé (cinq jours après l’accident) que l’établissement allait être fermé, le directeur arrêté et qu’un établissement public allait être ouvert pour le remplacer ; il possèderait un bus de quarante cinq places offert par la compagnie pétrolière locale. Les parents de chaque petite victime recevraient 400 000 yuans de dommages intérêts… après avoir enterré l’enfant.

 

Cette dernière clause a fini de mettre le feu aux poudres. Une vague de protestations a déferlé sur internet, et en particulier les microblogs, accusant les autorités de dépenser trop peu sur l’éducation publique et de négliger la sécurité des citoyens ordinaires.

 

 

Statistiques faisant apparaître (en bleu pâle) les dépenses scolaires dans l’ensemble des dépenses publiques

 

 

mais non isolé

 

Mais ce n’est pas un cas isolé. Et ce qui choque particulièrement dans des cas de ce genre, c’est l’indifférence des responsables envers le sort de leurs concitoyens, l’absence de réglementation et de contrôles, la négligence et l’indifférence générale une fois ces affaires dûment étouffées.

 

Quant à la rapacité également décriée d’un système scolaire privé pour lequel compterait seul le profit généré, elle est ici à relativiser. Le directeur du jardin d’enfants incriminé, Li Jungang (李军纲), quarante deux ans, vient d’une famille de quatre enfants ; c’est pour aider à payer les études de ses frères qu’il a arrêté les siennes et commencé à travailler.

 

Après avoir trimé plusieurs années, ayant ses propres enfants à élever, il est revenu au village en 2004 pour fonder ce jardin d’enfants, sur ces propres deniers, dans des conditions difficiles, sans aide publique. Et c’est parce que certains villages d’où venaient les enfants étaient à une trentaine de kilomètres qu’il a acheté ce minibus et l’a fait réaménager. Mais, en fait de profit, il a surtout accumulé des dettes…

 

Pendant ce temps, les autorités locales faisaient des dépenses somptuaires en locaux administratifs et voitures de fonction, comme l’a habilement souligné, sans insister, un article du journal « 21st Century Business Report » intitulé « Voitures publiques et voitures scolaires » ("公车""校车") : il donne sans commentaire un double tableau indiquant à gauche les accidents scolaires et le nombre de morts, et à droite les dépenses des autorités locales en voitures de fonction (校车、公车你知道多少?) (1).

 

Karamay tous les jours

 

Ces conclusions étaient justement celles qui ressortaient du documentaire de Xu Xin (徐辛) commencé fin 2007 et sorti en 2010  sur un accident comparable mais d’une toute autre ampleur, une véritable catastrophe qui, par sa gravité même, en constitue une sorte de matrice tragique : l’incendie de la salle des fêtes de Karamay, au Xinjiang, le 8 décembre 1994, qui coûta la vie à près de trois cents enfants.

 

Le documentaire s’appelle tout simplement « Karamay » (《克拉玛依》) et il est remarquable : les causes du drame sont analysées, en grande partie grâce aux témoignages recueillis qui apportent également des réflexions personnelles sur le sujet. Il a fait le tour des festivals  dans le monde, mais, interdit en Chine, il ne peut susciter la prise de conscience générale qui est sa raison d’être. Tant que le sujet est mis

 

Karamay

sous le boisseau, on verra régulièrement se reproduire ce genre d’accident qui touche particulièrement les enfants.  

 

 

(1) Voir l’article : http://zhuanti.21cbh.com/2011_xueche/

 

 

 

 

 
     
     
     
     
     
     
     
     

 

   

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 



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