|
L’écrivain A
Lai crée un « incubateur de scénarios »
par Brigitte Duzan, 15 décembre 2015
Ecrivain chinois d’ascendance tibétaine par sa mère,
hui par son père, A Lai (阿来)
est originaire d’un village de la région de Gyarong
(嘉绒藏族村庄),
dans la préfecture autonome tibétaine et qiang d’Aba
(阿坝藏族羌族自治州),
au nord du Sichuan, aux confins du monde tibétain
.
Depuis la fin des années 1980, il s’est consacré à
l’écriture de nouvelles et romans qui reflètent son
amour et sa profonde connaissance de cette région
isolée et encore sauvage, à la frontière entre le
monde tibétain et le monde chinois. Il y a vécu plus
de trente-cinq ans et excelle à en dépeindre les
complexités autant historiques et politiques que
culturelles et humaines.
2014 : Premier scénario
En 2014, il s’est tourné aussi vers le cinéma et
l’écriture de scénarios. Il a écrit celui du film
« Tibet Sky » (《西藏天空》),
|
|

A Lai |

Tibet Sky |
|
réalisé par Fu Dongyu (傅东育)
et sorti en avril 2014. Son scénario raconte
l’histoire de deux jeunes tibétains, Phurbu et
Tenzin, de 1950 à 1980.
Tenzin est le fils d’un propriétaire terrien, et
Phurbu, un serf du domaine. Inséparables enfants,
ils deviennent ennemis après un accident dont Tenzin
réchappe de justesse et dont la faute est attribuée
à Phurbu ; celui-ci entre alors dans un monastère
pour la racheter. Le film suit ensuite les
événements historiques : arrivée de l’Armée
populaire en 1950, insurrection, libération des
serfs en 1959 … Dans le climat de l’époque, mis sur
un pied d’égalité, les deux jeunes redeviennent
amis. Après l’insurrection de 1959, alors que ses
parents partent en Inde, Tenzin choisit de rester au
Tibet. Mais, dans le chaos ambiant, il s’enivre et
malheur s’ensuit …
Interprété par des acteurs tibétains, le film est en
tibétain. Ngawang Rinchen, l’acteur qui interprète
Tenzin, est un |
membre de la Troupe de théâtre moderne de la Région autonome
tibétaine. Le réalisateur a disposé
d’un budget important pour pouvoir, en particulier,
recréer, sur plus de 20 000 m2, les anciens
quartiers de Lhasa que nécessitait le film. Quant à
A Lai, il a obtenu plusieurs prix pour son scénario,
dont le prix du meilleur scénario au festival de
Shanghai, en 2014.
2015 : Alai’s Studio
Cette expérience l’a encouragé à poursuivre dans
cette voie. Début décembre 2015, il a annoncé avoir
créé un atelier d’écriture scénaristique, le
« Studio d’A Lai » (阿来工作 |
|

Phurbu et Tenzin
enfants |
室),
dont il veut faire un « incubateur de scénarios » (剧本孵化器).
En même temps, il a vendu les droits

A Lai à Chengdu
signant la vente des droits d’adaptation
de sa nouvelle « Trois
champignons chenilles » |
|
d’adaptation de l’une de ses nouvelles récentes,
« Trois champignons chenilles » (《三只虫草》),
à la société de production du Sichuan Elephant
Kekexili Films (四川省大象可可西里影业),
celle qui a produit « Tibet Sky »
.
La nouvelle raconte l’histoire d’un jeune collégien
qui sèche les cours pour aller dans la montagne
ramasser des « champignons chenilles » (虫草).
Parasite de la larve des papillons, il s’agit d’un
champignon médicinal à la fois aphrodisiaque et
utilisé comme tonifiant en médecine tibétaine, qui
peut donc être vendu un bon prix. Le jeune Sangji en
ramasse |
quinze, en donne six à son père et six à sa grande sœur et
en garde trois pour lui. Ces trois-là sont le sujet
principal de l’histoire car le jeune garçon est partagé
entre différentes solutions possibles qui sont toutes
insatisfaisantes vu le nombre de personnes qu’il voudrait
aider… Mais finalement, il obtiendra le rêve de sa vie :
avoir une encyclopédie, et, poursuivant ses études, les
champignons ne seront plus alors qu’une entrée dans le
dictionnaire.
Le film sera réalisé par le jeune réalisateur Zhang Guodong
(张国栋)
et le tournage doit commencer en janvier 2016. Le producteur
exécutif et conseiller artistique est Lu Wei (芦苇), le scénariste
de films comme
« Adieu ma concubine » et
« Vivre ! ».
Mais cette fois, le scénario sera écrit par un autre
scénariste qu’A Lai : lui-même a déclaré vouloir écrire des
scénarios originaux, en laissant à d’autres le soin
d’adapter ses propres œuvres. D’où la création de son
studio, qui supervisera ces projets d’écriture.
C’est une initiative intéressante à l’heure où les succès
remportés par les films de
Pema Tseden (万玛才旦)
et ceux de son chef opérateur passé à la réalisation,
Sonthar Gyal (松太加),
suscitent beaucoup d’intérêt, et en particulier de la part
des autorités chinoises qui continuent à promouvoir la
production de films dits « de minorité ».
De par son ascendance tibétaine et l’intérêt de son œuvre
littéraire, A Lai est certainement bien placé pour jouer un
rôle non négligeable dans le développement d’une nouvelle
génération de films sur des thèmes tibétains, sinon
tibétains. Mais c’est à la condition de se démarquer du
discours dominant. Il sera intéressant de suivre les
développements de son studio.
|
|