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Le 6ème
festival du cinéma indépendant de Pékin obligé de changer
d’adresse
par Brigitte
Duzan, 24
octobre 2011
Le 6ème
festival du cinéma indépendant de Pékin (第六届北京独立电影展) s’est
terminé le 22 octobre, après une semaine sous haute
surveillance. Le jour de l’inauguration, le 15
octobre, la fête a été troublée par une descente de
police, et les organisateurs se sont vu notifier
l’ordre exprès de changer d’adresse.
Chassé mais
non annulé
Vitrine du
meilleur du cinéma indépendant chinois, le festival
est organisé par le fonds cinématographique Li
Xianting (Li Xianting Film Fund
栗宪庭电影基金) et devait se tenir dans une galerie d’art à Songzhuang, district de
Tongzhou ((通州宋庄),
dans la banlieue de Pékin. Il a dû déménager deux
fois, d’abord dans un hôtel puis au siège du fonds,
et les séances ont eu lieu avec une publicité
réduite à un cercle d’initiés.
Selon la
directrice du festival, il est probable que cette
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Affiche du 6ème
festival du cinéma indépendant de Pékin |
notification de
dernière minute ait été motivée par la tenue concomitante de
la 6ème session plénière du 17ème
Comité central du Parti, une session de quatre jours qui
revêt une importance particulière dans le contexte de
passation prochaine de pouvoir à la tête du Parti. Dans un
climat politique très tendu, le festival aurait pu offrir
une fenêtre à une publicité ‘négative’ pour le Parti.
On peut néanmoins
presque s’étonner qu’il n’ait pas été purement et simplement
annulé, comme le festival de films documentaires, organisé
par la même fondation, qui devait avoir lieu en mai.
8ème
festival de films documentaires de Songzhuang brusque annulé
en mai

Li Xianting |
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La nouvelle
est tombée comme la foudre en plein été le 20 avril,
par le canal du Global Times, relayant une
information du microblog du festival : la 8ème
édition du festival de films documentaires qui
devait se tenir du 1er au 7 mai à
Songzhuang a été brusquement annulée.
Créé en
2003, également organisé par le fonds Li Xianting,
le festival a permis en sept ans de voir quelque 300
documentaires, chinois et étrangers. C’est l’une des
rares vitrines en Chine pour les documentaristes
indépendants. C’est aussi un lieu d’échange et de
discussion.
Aucune
raison n’a été donnée pour l’annulation, outre des
« pressions », sans plus de précisons. Il est
certain qu’elle intervient dans un climat de tension
sensible, mais le |
contenu ne
semblait cependant pas poser de problèmes : la plupart des
26 films au programme avaient déjà été présentés en mars à
la 5ème édition du Yunnan Multicultural Visual
Festival (Yunfest), l’autre important festival de
documentaires indépendant en Chine, qui se tient tous les
deux ans à Kunming.
L’un des cinéastes
qui devait participer au festival était
Xu Xin (徐辛),
le réalisateur de
« Karamay » (《克拉玛依》),
qui devait y présenter son nouveau documentaire,
« Pathway », en première mondiale.
Raison d’espoir ?
En réalité, les
organisateurs du 6ème festival de cinéma
indépendant ont craint jusqu’au dernier moment de voir leur
manifestation également annulée, et ils voient dans cette
non annulation, qui leur permet au moins d’exister, une
raison d’espoir.
Selon le
directeur artistique, Wang Hongwei (王宏伟)
(1), le festival a cette année atteint une certaine
maturité et offre des films encore plus divers que
les années précédentes, avec de nombreux nouveaux
réalisateurs. Il est à noter que la ligne de fond
annoncée de la centaine de films présentés a
changé : le thème général est passé de la peinture
des marginaux et laissés pour compte de la société,
et de la dénonciation des abus et de la corruption
inhérents au système
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Adult Magazine |
politique, au thriller psychologique,
comme cet « Adult Magazine » (《成人杂志》),
de Zhao Xianzu (赵显祖),
qui en représente une forme expérimentale.
Par ailleurs, le festival présentait
cette année, dans sa section animation, de nouveaux courts
métrages très intéressants, comme « City Introduction » de
Wang Zhan, réflexion sur la place et le sens de l’homme dans
le monde moderne, ou « The Blue House », dessin au crayon,
et « Apple Picking », figurines de papier, relectures des
formes traditionnelles d’animation.

Celestial Kingdom |
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Quant à la
‘section spéciale’, elle comportait le dernier film
de
Wang Chao (王超)
« Celestial Kingdom »
(《天国》),
déjà présenté au dernier
festival de Pusan :
une histoire située dans le nord de la Chine, basée
sur une ancienne coutume consistant à organiser des
mariages fantômes pour des jeunes gens morts
célibataires. |
On verra sans doute
bientôt ce nouveau Wang Chao, les autres films mettront
certainement plus de temps à nous parvenir. On les attendra
avec curiosité, en se félicitant que les autorités chinoises
aient laissé au festival de Songzhuang le mince filet d’air
qui lui permet de respirer encore et de faire connaître ces
films et leurs auteurs.
(1) Wang Hongwei,
l’acteur fétiche de Jia Zhangke, depuis « Xiao Shan Going
Home » (《小山回家》)
en 1995, puis « Xiao Wu » (《小武》)
en 1997.
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