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« The Magic
Brush » : nouvelle adaptation, par Disney China, d’un conte
des années 1950
par Brigitte Duzan, 31 juillet
2014
Film d’animation réalisé par Zhong Zhixing (钟智行)
avec l’assistance technique de Disney China, « The
Magic Brush » (《神笔马良》)
est sorti le 25 juillet sur les écrans chinois, en
2D, 3D et format IMAX ; il est loin d’avoir fait les
recettes escomptées.
Il reprend un conte célèbre de
Hong Xuntao (洪汛涛)
déjà adapté en film d’animation de 20 minutes en
1954 :
« Le
pinceau magique » (《神笔马良》)
de
Jin Xi
(靳夕)
et You Lei (尤磊)
qui
représente l’un des plus beaux exemples de films de
"stop motion" de l’époque, tous cinémas confondus.
Le film d’aujourd’hui reprend la trame du conte en y
ajoutant des éléments « exotiques » comme des images
de taotie (饕餮)
ou de
qiongqi
(穷奇)
qui n’ont pourtant rien à voir avec cette histoire
(1), et en allongeant la sauce pour en faire un long
métrage de durée normale. Au passage, le « méchant »
est promu empereur, ce qui fausse aussi l’histoire,
et c’est |
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The Magic Brush, l’une
des plus jolies affiches |
dommage : il était question dans le conte et le
film original de lutte contre la corruption locale, cela
aurait aussi bien pu être une illustration de la politique
actuelle de Xi Jinping (习近平).
Ma Liang, dans The
Magic Brush, Disney China, 2014 |
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Pour attirer les clients, le thème musical du film
est une chanson de cantopop chantée par Jacky
Cheung, dont les paroles n’ont, encore, qu’un très
loin rapport avec le sujet.
Le plus contestable est cependant la conception
artistique du film. Il est en 3D et IMAX, c’est
aujourd’hui le moyen de maximiser le chiffre des
entrées, mais il est, il faut bien le dire, d’une
laideur affligeante. Quand on compare le petit Ma
Liang de 1954 avec son avatar de 2014, on se dit
qu’en soixante ans on a beaucoup perdu en sens
esthétique. On en arrive au paradoxe
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que, aujourd’hui, avec tous les moyens techniques à la
disposition des cinéastes, on fait des films
dont les personnages sont d’une raideur et d’une
pesanteur sans commune mesure avec ce que l’on
arrivait à faire avec les poupées animées image par
image dans les années 1950.
On est étonné que le fils de Hong Xuntao, Hong
Huaqian (洪画千),
ait donné son accord à une telle adaptation de
l’œuvre de son père. En 2009, il s’était montré bien
plus sourcilleux quand le réalisateur
Ma Chucheng (马楚成)
avait
voulu l’adapter pour en faire un film de fiction
avec de vrais acteurs et qu’il s’était insurgé
contre le scénario proposé. Il n’avait peut-être pas
tort de se méfier vu ce que Ma Chucheng a fait de
Hua Mulan (《花木兰》)
à la place… Mais pourquoi alors laisser Disney
dévoyer Ma Liang ? |
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Ma Liang, dans le film
de 1954
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Le fils de Hong Xuntao
cultivant la mémoire de son père |
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L’échec du film en salles tendrait à montrer que le
public chinois garde un net attachement à ses
classiques, le conte en l’occurrence, et c’est
réconfortant. Il peut toujours regarder le film de
1954 sur internet...
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Note
(1) Ce sont deux créatures mythiques de la Chine ancienne.
On connaît la première par la tête stylisée qui décore les
anciens bronzes chinois, la seconde est décrite dans le
Classique des Montagnes et des Mers (《山海经》).
Les deux sont totalement étrangers à l’imagerie d’un conte
pour enfants du début des années 1950.
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