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Prix
du meilleur scénario à Jia Zhangke pour « A Touch of
Sin » au festival de Cannes
par Brigitte
Duzan, 27 mai 2013
On
attendait un film d’arts martiaux historique, et
voilà
Jia Zhangke nous livrant, avec
« A Touch of
Sin » (《天注定》),
un film totalement différent, sur les explosions de
violence dans la société chinoise actuelle. Le jury
présidé par Steven Spielberg a récompensé une
superbe « fresque cinématographique ».
C’est en
faisant des recherches pour le film initialement
prévu, qui devait s’appeler « Sous la dynastie des
Qing », que Jia Zhangke s’est rendu compte qu’il y
avait |
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Jia Zhangke recevant
le prix du meilleur
scénario à Cannes,
avec Zhao Tao |
beaucoup de points
communs avec la
période actuelle en
Chine, en particulier la pression exercée au quotidien sur
l’individu qui n’a d’autre solution, pour tenter de s’en
libérer, que le recours à la violence ; il a donc orienté
son scénario vers le problème endémique de la violence dans
la société chinoise, mais vu sous son aspect contemporain.
Trois des acteurs de A
Touch of Sin à Cannes :
Li Meng, Jiang Wu et
Zhao Tao |
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Le scénario
est construit en quatre parties, « quatre tableaux
liés de personnages marginaux » (边缘人物的“四联画”),
quatre lignes narratives qui forment au final un
tableau très sombre de la Chine d’aujourd’hui.
Le récit
est éclaté entre quatre régions différentes,
couvrant en quelque sorte l’ensemble du territoire,
donc donnant valeur emblématique à ces histoires
tragiques inspirées de faits divers qui ont fait la
une en leur temps et bouleversé l’opinion. |
1. Habitant d’un
village minier du nord du Shanxi (la région natale du
réalisateur) et lui-même mineur, Dahai (大海)
est victime,
comme le village entier, de la corruption des dirigeants
locaux et des injustices qui en résultent. L’exaspération et
l’impuissance le mènent au carnage.
2. Zhou San
(周三)
est un travailleur migrant à Chongqing, sans ambition
ni intérêt dans la vie, avec son arme comme son seul trésor
dans l’existence, qui est poussé au meurtre alors qu’il est
revenu dans son village fêter les 70 ans de sa mère.
3.
Hôtesse d’accueil dans un sauna haut de gamme, dans le
Hebei, Xiao Yu (小玉)
est harcelée par les clients fortunés de l’établissement ;
l’un d’eux la considère comme son jouet, et lui demande des
services sexuels. Poussée à bout, elle aussi finit par
exploser et le poignarder.
4. Quant au
dernier, le jeune Xiao Hui (小辉),
il travaille dans une usine dans la ville de Dongguang (东莞),
dans le sud. Ayant provoqué un accident, dans lequel il a
lui-même été blessé, on lui a retenu son salaire. Allant de
malheur en malheur, il se jette finalement du haut de
l’immeuble où il habite.
Jia Zhangke a voulu
dénoncer la violence latente dans la société chinoise, née
d’un sentiment d’impuissance à faire reconnaître ses droits
et respecter sa personne. Il est intéressant de voir qu’un
sujet semblable a été abordé par Arnaud des Pallières dans
« Michael Koolhas » qui figurait également dans la
compétition officielle. Ce n’est pas un problème
spécifiquement chinois, mais il prend des proportions
inquiétantes dans la Chine d’aujourd’hui, et c’est ce qu’a
voulu montrer Jia Zhangke.
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