Accueil Actualités Réalisation
Scénario
Films Acteurs Photo, Montage
Musique
Repères historiques Ressources documentaires
 
     
     
 

Films

 
 
 
     
 

« Voyage en Chine » : voyage initiatique au Sichuan, premier film épatant de Zoltán Mayer

par Brigitte Duzan, 13 mars 2015

 

« Voyage en Chine » (《中国之旅》) est un voyage initiatique dans un Sichuan loin des circuits touristiques, contrée lointaine et inconnue où une femme part à la recherche de son fils disparu, et finit, non tant par le trouver, que par se trouver elle-même.

 

C’est un voyage à la recherche de l’autre qui est découverte de soi. C’est en même temps un film de photographe, dont chaque plan est une surprise esthétique, pour l’œil et pour l’esprit, et, finalement, un film d’une authenticité, d’une sensibilité discrète, qui emportent l’adhésion.

 

Voyage initiatique au Sichuan

 

Du deuil du fils à la découverte de soi

 

Tout commence par un deuil : une femme apprend que son fils vient de mourir dans un accident, et la perte est d’autant plus terrible qu’elle ne l’a pas revu depuis longtemps. Elle a

 

Voyage en Chine

cinquante ans, est infirmière dans un petit hôpital de province et mène une existence morne et solitaire, auprès d’un mari distant. Or le fils était parti en Chine, et rapatrier le corps pose des problèmes qui semblent insurmontables. 

 

On apprend tout cela par allusions indirectes, dans un flou qui est celui de ce pays lointain où son fils est mort, on ne sait même pas comment. Mais cette mort crée une faille soudaine dans le quotidien, un vide affectif qu’il faut combler pour maîtriser la douleur. Elle part.

 

Cérémonie de début de tournage à Langzhong (mars 2014)
(Zoltán Mayer au centre, avec les lunettes noires,

avec Qu Jingjing à sa dr et Yolande Moreau à sa g.)

 

Elle part à la recherche de son fils et elle part seule, c’est une affaire entre elle et lui, lui qui était parti sans donner de nouvelles, et elle qui attendait qu’il lui fasse signe. Elle part, de Paris à Shanghai, de Shanghai à Chengdu, de Chengdu à Longzhang, d’avion en train, de train en car, avec l’idée lancinante que c’est trop tard, trop tard…

 

Mais son voyage se fait voyage de découverte : découverte de son fils, à travers les objets de son quotidien, ceux qui restent dans son appartement désert, à travers ses amis, aussi, et celle qui fut sa petite amie, en particulier – découverte de la petite ville du

Sichuan où il est mort dans un accident stupide alors qu’il était en week-end avec ses amis – découverte des gens, de leur vie, de leur chaleur et de leur amitié.

 

C’est soudain tout un univers qui surgit dans la béance de la vie terne de cette femme, et c’est un univers où elle va peu à peu à la découverte de son moi profond. Le voyage cathartique devient parcours initiatique.

 

De Shanghai à Longzhang

 

Ce parcours initiatique se fait au Sichuan, dans la petite ville de Longzhang (阆中), au nord-est de la province, et c’est l’une des trouvailles originales qui donnent toute leur profondeur au film.

 

Longzhang a été brièvement, au temps des Royaumes combattants, la dernière capitale de l’Etat de Ba (巴国), avant qu’il soit conquis par l’Etat de Qin, au début du quatrième siècle avant Jésus-Christ. C’était le centre d’une culture spécifique, différente de celle des plaines centrales. Il en reste des traces dans la culture locale encore aujourd’hui, dans un fond de taoïsme populaire qui se reflète dans les formes locales du bouddhisme.

 

Cela renforce le sentiment de monde lointain, à part, à l’abri derrière les montagnes qui l’ont longtemps protégé d’influences culturelles autres. C’est un monde authentique, très proche de la nature, y compris dans ses manifestations culturelles et religieuses. Un monde idéal où se retrouver, au contact d’une nature qui n’a pas de frontières, où Liliane peut renaître dans une Lili’an (莉莉安) épanouie, et peut-être heureuse.

 

Le film est né de la confluence de ces deux idées de base, mais il doit sa beauté et sa profondeur à la personnalité du réalisateur et de ses principaux acteurs : c’est véritablement un film d’auteur.

 

Un film d’auteur

 

Un film de Zoltán Mayer

 

C’est peut-être par là qu’il aurait fallu commencer, comme dans un conte des origines : « Voyage en Chine » est un film de Zoltán Mayer, et son premier long métrage.

 

C’est le film d’un photographe qui a fait de la photo en attendant de pouvoir réaliser un film, et qui soigne chacun de ses plans comme une photo d’artiste, avec une attention particulière portée aux couleurs, aux textures, aux cadrages, et avec des effets récurrents,

 

Yolande Moreau et Qu Jingjing

de reflets dans les surfaces vitrées qui filtrent la réalité, et de flous qui diluent la perception de cette même réalité. Une réalité fuyante, dont beaucoup de faits concrets se passent en hors champ.  

 

Echanges culinaires

 

Mais c’est un photographe qui est aussi écrivain et scénariste, et un scénariste qui a étudié le chinois et a eu l’idée du film après un voyage au Sichuan avec sa mère. C’est une vision personnelle, en profondeur, qui cultive le détail, l’objet quotidien, l’anecdote au détour du chemin, comme on en a tous le souvenir après un voyage en Chine - un enfant pédagogue en herbe dans un bus, une halte pipi dans un champ de colza en

fleurs, les curieux qui se retournent sur le passagede l’étranger : ,你看,老外 ! C’est un scénariste, aussi, qui sait éviter de trop montrer, qui se plaît à suggérer plutôt qu’à exprimer, créant ainsi un flou narratif qui sous-tend celui de la photo.

 

C’est un film superbement construit, dans la narration comme dans l’image, mais qui tire toute sa force du choix des acteurs, ou plutôt des actrices, et de leur interprétation. Car c’est un film de femmes, comme l’a souligné Zoltán Mayer, un film dont se dégage une délicate sensibilité féminine, conçu pour et avec celle qui en est l’interprète centrale, Yolande Moreau.

 

Apprentissage du chinois dans le bus

 

Un film féminin

 

On ne présente pas Yolande Moreau, disons simplement qu’elle incarne magistralement Liliane : silhouette massive et regard bleu. Un regard d’un bleu opaque, perdu, qui s’éclaire peu à peu, jusqu’à sourire imperceptiblement, à la fin, mais en un sourire intérieur qui transparaît à peine. Le sourire de Bouddha.

 

Les amis du fils disparu

 

En face d’elle, une nouvelle venue qui illumine l’écran : Qu Jingjing (屈菁菁). Née en 1990, elle sort de l’Institut central d’art dramatique de Pékin, et elle n’a interprété jusqu’ici que des rôles secondaires au cinéma, dont celui de Wang Lin (王林) dans le dernier film d’Ann Hui (许鞍华), « The Golden Era » (《黄金时代》). Elle vibre d’émotion contenue, entre le sourire et les larmes, aussi naturelle dans sa douleur que Yolande Moreau est cloîtrée dans la sienne.

 

Quant au reste des interprètes, ils sont aussi superbes qu’inconnus, et tous aussi naturels, y compris les enfants. C’est là sans doute, aussi, que l’on devine un grand réalisateur dans Zoltán Mayer : dans sa direction d’acteurs.

 

Produit par Carole Scotta

 

Autre femme, enfin, derrière ce film, aussi atypique qu’elle : la productrice Carole Scotta, fondatrice en 1992 de la société Haut et Court qui a produit le film et en assure la distribution. On souhaite autant de succès à cette nouvelle production qu’à celle de 2008, Entre les Murs de Laurent Cantet, qui avait été couronné de la Palme d’or à Cannes.

 

Remarquons enfin que ce « Voyage en Chine » peut être considéré comme une nouvelle étape dans un courant qui semble se profiler aux marges du cinéma chinois, au fur et à mesure que celui-ci se concentre sur les grosses coproductions destinées au grand public, surtout intérieur, en négligeant les petites productions jugées non rentables. Avec leur tradition de film d’auteur, les cinéastes français offrent une alternative intéressante, reconnue en

 

Le dernier verre

Chine même par les autorités du cinéma : on a vu le film de Philippe Muyl « Le promeneur d’oiseau » représenter la Chine aux Oscars. 

 

Il sera intéressant de voir la place que les prochaines éditions de festivals comme ceux de Pékin ou de Shanghai réserveront au « Voyage en Chine ».

 

En attendant, il sort le 25 mars sur les écrans français.

 

 

Bande annonce 

 

 

 

 

 

 
     
     
     
     
     
     
     
     

 

   

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 



Qui sommes-nous ? - Objectifs et mode d’emploi - Contactez-nous - Liens

 

© ChineseMovies.com.fr. Tous droits réservés.

Conception et réalisation : ZHANG Xiaoqiu