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« Meili » de Zhou Zhou, un premier film porté par l’interprétation de Chi Yun

par Brigitte Duzan, 6 mars 2019

 

Premier long métrage de Zhou Zhou (周洲), « Meili » (《美丽》) a été présenté en première mondiale à la 12ème édition du festival FIRST de Xining, en juillet 2018 ; le jury a décerné le prix d’interprétation à l’actrice principale, Chi Yun (池韵), récompense bien méritée qui résume à elle seule ce qui constitue la principale force du film.

 

Un film réaliste

 

« Meili » est l’histoire d’une jeune femme de 22 ans qui n’arrive pas à surmonter les traumatismes de son passé et la dure réalité de son quotidien. Meili est la petite sœur de toutes les femmes aux destins cruels et sans issue que nous offrent la littérature aussi bien que le cinéma chinois depuis les années 1920-1930. On peut apprécier le réalisme avec lequel l’histoire est traitée par le réalisateur, comme le fait Niu Xiaowa dans son article sur le film écrit à l’occasion de la deuxième édition du Festival du cinéma d’auteur chinois, à Paris, où le film était programmé :

https://www.allersretoursasso.fr/2019

/02/26/meili-zhou-zhou/

 

Meili

 

Xiaowa met l’accent sur l’intérêt de la peinture que nous offre le film de l’univers des « jeunes urbains précaires » en Chine aujourd’hui, univers relationnel et univers mental. En ce sens, Meili rappelle les personnages des documentaires des années 1990, en particulier ceux de Wu Wenguang (吴文光). Mais ses « derniers rêveurs » étaient des artistes en quête d’idéal. Meili n’a d’autre ambition que d’arriver à la fin du mois, avec un boulot stable et des amies pour l’épauler. Elle est plus proche des paumés de Jia Zhangke (贾樟柯), ceux de « Plaisirs inconnus » (《任逍遙》), impuissants et solitaires. Mais la constance avec laquelle les coups du sort s’abattent sur elle rappelle aussi l’environnement malsain et le destin sans issue de « La Môme Xiao » (《血蝉》) de Peng Tao (彭韬).

 

A force de vouloir faire réaliste, cependant, Zhou Zhou s’enfonce dans une esthétique minimaliste et une vision noire qui finissent par sembler quelque peu artificielles et outrées, le premier facteur en cause étant le scénario.

 

Un scénario très noir

 

Le principal problème du film tient en effet sans doute à son scénario, qui multiplie les problèmes de toutes sortes que Meili doit affronter, pour dessiner peu à peu un destin sans issue, inéluctable, et tenter de justifier le dénouement brutal. Tout est dit sans être dit, en allusions très vagues dont on se demande constamment si on les a bien décryptées. Ce flou est le bienvenu car la réalité est vraiment glauque, mais il finit par peser sur la narration.

 

Un destin sans issue

 

Meili dans la nuit de Changchun

 

Meili voit peu à peu le monde s’effondrer autour d’elle, et le fragile équilibre de sa vie partir en miettes. Elle semble avoir un travail stable, dans un pressing de Changchun, et être appréciée de la patronne. Premier indice de la fragilité de son existence : elle vit avec une fille, Li Wen (李雯), dont le job consiste à divertir les clients de son entreprise au cours de soirées bien arrosées : Meili la récupère après ses beuveries.

 

Li Wen part travailler à Shanghai, sans Meili qui s’était fait toute une joie de partir avec elle, mais en promettant de revenir. Meili est consolée par sa meilleure amie qui lui présente son copain Xiao Yu (小宇). Et Xiao Yu lui trouve un job de vendeuse dans le magasin de téléphones portables où il travaille quand Meili s’est fait gentiment virer de son pressing, apparemment pour avoir demandé une semaine de congés.

 

Comme dans le film de Mathieu Kassovitz, jusque là tout va bien, ou à peu près. Mais Meili est rattrapée par son passé, comme si le présent ne suffisait pas : sa sœur vient lui réclamer de l’argent pour élever la petite fille que Meili a eue d’un viol, semble-t-il, de son beau-frère… Meili apparaît encore plus fragile et isolée. Sur quoi le beau-frère vient faire un scandale dans la boutique de téléphones, la forçant à démissionner, puis la copine lui annonce qu’elle part à Shanghai avec Xiao Yu…. Et quand Li Wen revient, car elle revient, c’est pour enfoncer encore plus Meili dans le désespoir…. Et là le scénario dérape dans le sordide.

 

Des caractères elliptiques

 

Le choix d’un mode narratif elliptique n’est pas mauvais car il évite l’écueil du mélo. En contrepartie, il laisse les personnages évoluer dans des zones d’ombre où ils finissent par se perdre, et nous avec. C’est surtout le cas des rapports entre Meili, sa sœur et la petite fille, dont on ne perçoit la véritable identité qu’à travers quelques bribes de dialogues. Il s’ensuit que les sentiments sont éludés, et finalement réduits à des éclats de colère qui traduisent une impuissance fondamentale de Meili à maîtriser son destin - impuissance qui est son principal trait de caractère.

 

Quant à son homosexualité, elle est traitée sur le même mode, et paraît en ce sens marginale dans l’histoire, sans nécessité ni profondeur narrative. Meili pourrait aussi bien être hétérosexuelle, cela ne changerait probablement rien à ce qui lui arrive, qui est déterminé par son caractère et son passé. L’un de ses principaux problèmes, justement, est d’être (ou de s’imaginer être) amoureuse d’une vraie garce, qui la mène en bateau. Mais ce

 

Affiche du festival de Thessalonique :

Meili heureuse, mais bonheur trompeur

serait la même chose si c’était un homme, peut-être même pire. Meili est victime par définition.  

 

Un film sauvé par l’interprétation de Chi Yun

 

Avec ses zones d’ombre, le film aurait pu être une réussite en jouant sur l’ellipse. Tel qu’il est, avec une volonté affichée d’austérité qui renforce les non-dits du scénario, il ne parvient pas à surmonter les écueils des choix du réalisateur. Par là-même, tout l’impact du film repose sur l’interprétation de l’actrice principale.

 

Volontaire austérité

  

L’austérité voulue du film vient souligner encore le quotidien terne de Meili, sa solitude et la dégradation progressive de son existence.  Certaines scènes sont longues et d’un ennui pesant, comme cette soirée au karaoké qui permet de présenter les personnages de la copine et de Xiao Yu – la caméra est centrée sur les visages des quatre amis, à l’exclusion de ce qui se passe autour d’eux.

 

Zhou Zhou semble suivre les principes de Dogma 95 dont les règles n’ont d’ailleurs jamais été suivies en entier même par ses initiateurs. Zhou Zhou fait de même. Il semble avoir retenu deux principes essentiels : il n’y a dans « Meili » aucun détournement temporel ou géographique, et surtout aucune musique non diégétique. L’absence de musique ajoute à l’austérité de l’image en réduisant le sens de l’espace, souvent limité autour de l’objet filmé. C’est le cas, par exemple, dans une séquence où Meili, en train de finir de dîner devant une unique lampe qui éclaire le cercle de la cuisine autour d’elle, reçoit un appel de Li Wen à Shanghai – espace réduit, fermé, qui semble oblitérer toute possibilité d’échappatoire.  

 

Les contraintes budgétaires se sont ajoutées à celles choisies pour le style du film. Zhou Zhou a expliqué qu’il a travaillé sur le scénario avec Chi Yun, puis le tournage s’est passé très vite, en une huitaine de jours, car son budget ne lui permettait pas de tourner plus longtemps.

 

Formidable interprétation

 

Chi Yun dans le rôle de Meili

 

Dans ces conditions, le film repose en grand partie sur le jeu de Chi Yun, en particulier dans les prises longues où seul son visage traduit l’intensité de ses émotions. Interrogé sur son travail avec l’actrice, Zhou Zhou a expliqué leurs rôles respectifs : « Je me suis concentré sur la construction du film, en tentant de contrôler son développement ; elle, sur les détails et l’expression des sentiments. » (我侧重建立结构和把握方向,她侧重丰富细节与感受情感。) [1] 

 

Car les émotions et leur expression était ce qui intéressait le plus le réalisateur, a-t-il dit. Interviewé à l’issue du festival FIRST de Xining, comme on lui demandait comment il recommanderait son film au public, il a répondu : en disant que c’est un film qui vient du cœur (这是一部用的电影) … ce qui n’est cependant peut-être pas la meilleure manière de faire du (bon) cinéma, comme ce n’est pas la meilleure manière de faire de la (bonne) littérature….

 

Le film laisse cependant curieux de voir ce que Zhou Zhou va nous offrir comme second film, et peut-être encore plus ce que Chi Yun va faire maintenant.

  

Zhou Zhou, de la télévision au cinéma

 

Zhou Zhou est né en 1984 à Anqing, dans la province de l’Anhui (安徽安庆). Il est sorti en 2006 de l’Ecole de journalisme et de communication de l’Université des sciences et techniques du centre de la Chine (华中科技大学新闻学院). Il a commencé sa carrière à la télévision, comme rédacteur en chef et critique du magazine de la chaîne CCTV6 : « Critique cinématographique d’aujourd’hui » (《今日影评》).

 

Il travaille actuellement comme consultant de scénarios pour le groupe Jiaying Film and Television (嘉映影业). 

 

Zhou Zhou

 

Il a déclaré avoir conçu son projet après une période de dépression pendant laquelle il a lu Schopenhauer, lecture qui a influencé la conception du film.

 

Et Chi Yun ?

 

Actrice et scénariste, Chi Yun est née en novembre 1990 à Changchun, dans la province de Jilin (吉林,长春). « Meili » lui doit le lieu même où se passe l’histoire.

 

Elle n’a encore que très peu joué, deux rôles secondaires dans deux films eux-mêmes peu connus (en 2015 dans le film de Liu Ziwei (刘紫微) « My Heart Leaps Up » (《我心雀跃》), et dans « Une fille formatée » (《格式化少女》) de Zhu Jie (祝捷) sorti en 2016). Son premier rôle principal date de 2017, dans un film diffusé sur internet adapté d’un récit d’horreur de Xiao Yao UU (小妖尤尤).

 

« Meili » et le prix d’interprétation que le film lui a valu l’ont soudain sortie de l’anonymat.

 

Trailer

 


 

A voir et lire en complément

 

Court métrage Fate (interview du réalisateur et vidéo)

Hong Kong Asian Film Festival, Hokk Media.

https://hokkfabrica.com/meili-film-interview/

 

 


 


 

 

 

     

 

 

 

 

 
     
     
     
     
     
     
     
     

 

   

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 



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