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« Crime and punishment » de Zhao Liang : l’ordre règne au Liaoning...

par Brigitte Duzan, 17 octobre 2008, révisé 7 décembre 2011

 

Nous sommes quelque part non loin de la frontière chinoise avec la Corée du Nord, une région que connaît bien le réalisateur puisqu’il y est né et y a passé son enfance. Dans le poste de garde frontalière d’une petite localité, trois hommes sont occupés à plier leur couette : travail minutieux qui s’éternise et en dit long, dès l’abord, sur la vie de ces jeunes soldats dans ce coin perdu. Dehors, c’est l’hiver, le paysage est pris sous une mince couche de neige, on sent le froid vous pénétrer jusqu’aux os. Seul bruit : les gémissements de deux chiens, attachés à une corde trop courte, dans un réduit dont on a laissé la porte ouverte.

 

Ces soldats ont pour mission le maintien de l’ordre dans cette localité. « « Ils sont confrontés à des petits malfaiteurs qui feintent avec la loi, tentent de marchander leurs punitions et de faire plier les militaires en leur faveur » nous dit la présentation du dossier de presse. Des petits malfaiteurs ? Le terme est trompeur. En fait, il s’agit de

 

L’affiche (avec une photo verticale du film utilisée horizontalement : le monde ne marche pas très droit…)

pauvres diables qui tentent de survivre. Le film est un constat terrible de la misère autant morale que physique dans ce coin reculé qui semble subsister en marge du système.

 

Le premier pauvre bougre appréhendé est un ivrogne qui a des hallucinations et voit des bombes ou des cadavres dans les couvertures quand il a trop bu. La ronde se poursuit dans un appartement où des gens sont suspectés de jouer au mahjong pour de l’argent, ce qui est interdit. Le troisième larron est soupçonné d’avoir volé un téléphone portable au marché ; il est questionné, interminablement, et répond par des gargarismes incompréhensibles ; on se rend compte au bout d’un certain temps qu’il est sourd muet et il est relâché sans preuve.

 

La loi en marche

 

Tout cela donne une impression assez surréaliste et hors du temps, d’autant plus que le rythme est d’une lenteur quasiment insupportable, en particulier la séquence du sourd muet où la caméra s’attarde tellement longtemps sur ce malheureux debout, là, sans bouger, à distance respectable du mur, dans le plus profond silence, qu’on a l’impression que le cameraman est allé fumer une cigarette en oubliant sa caméra branchée. Mais ce n’est qu’une introduction, une mise en bouche pour fixer un cadre.

 

Ce sont les deux ‘cas’ suivants qui forment le corps du film et en sont le plus réussi. Le premier est un vieil homme appréhendé dans la rue ; il est entouré de cartons et d’objets divers qu’il collecte pour vivre ; on dirait le trottoir à Paris le jour des encombrants. Il est emmené au poste pour la bonne raison qu’il n’a pas de licence en règle. Une licence ? On croit rêver. Mais, si les taxes agricoles ont été supprimées en Chine, il y a une bonne dizaine d’années, il y a les licences. Tout le monde sait qu’une taxe en remplace une autre dès qu’elle est supprimée, il faut bien que les autorités locales trouvent de l’argent quelque part.

 

Mais ce n’est pas facile d’obtenir ces licences, semble-t-il, entre le bureau du commerce et le poste de police qui n’ont rien à voir, mais prélèvent leur tribut chacun de leur côté. Les soldats, cependant, sont fermes : c’est la loi, il pourra continuer sa collecte des détritus quand il sera en règle. D’ici là il peut rentrer chez lui. Il ne bouge pas. La caméra s’attarde sur son visage, cette fois-ci on est captivé par ce regard perdu dont pas un cil ne bouge, on attend…  Alors il explique qu’il ne peut pas rester sans rien faire, comme ça, il dépend de sa collecte pour vivre, il ne peut plus

 

Réalité quotidienne

travailler dans les champs à son âge. Rien à faire, disent les soldats, il faut être en règle. Alors il part… et recommence sa collecte dès qu’il a tourné le coin de la rue. Un malfaiteur ? Une victime plutôt.

 

Et des victimes, on se doute qu’il y en a à la pelle, dans ce coin glacé au bout du monde. L’autre exemple que nous donne Zhao Liang, dans la séquence suivante, est un paysan fauché qui est allé voler du bois dans la forêt pour le revendre au marché. Il dit qu’il n’a gagné que 4000 yuans, cette année ; maintenant, en hiver, il ne peut pas travailler la terre, tout est gelé, mais il doit payer l’école de son fils. Il vit sur les économies de ses parents. « Encore heureux qu’ils aient des économies », dit l’un des soldats. Finalement, comme ils l’ont battu (1), que ça se voit et que sa femme se plaint, de peur de poursuites, ils transigent sur une amende de seulement …300 yuans. Le film ne dit pas comment il va payer ; on peut parier qu’il va refaire un petit tour dans la forêt…

 

Mais beauté surréaliste des images

 

Le film a la longueur et la lenteur de cette vie sans espoir, où chaque jour n’apporte qu’un lot de soucis, le principal étant d’arriver à trouver les moyens de survivre. L’atmosphère pesante atteint aussi ces jeunes soldats au bord de la déprime, également victimes du système : ceux qui ne réussissent pas à intégrer le stage de formation, clé de toute promotion, sont laissés sur la touche ; ils n’ont plus qu’à rejoindre la vie civile, et le monde des exclus, probablement un jour appréhendés à leur tour, pour avoir enfreint un loi ou une autre.

 

« Crime and punishment » se termine par la mise à mort du chien qui n’en finissait pas de hurler au bout de sa corde. Il est tué froidement, d’un coup de couteau dans le ventre. Pourquoi ?  Crime ou punition ?

 

« Crime and punishment »  (《罪与罚》), sorti en 2007,  a été remarqué dans un certain nombre de festivals dont celui de Locarno en 2007. Il a obtenu la Montgolfière d’or au festival des Trois Continents cette même année. Quatrième long métrage de Zhao Liang (赵亮), il confirmait un style très personnel, traitant d’une manière volontairement neutre

 

Zhao Liang sur le tournage

des sujets tirés de la vie quotidienne de marginaux de la société chinoise, des laissés pour compte de la course au développement.

 

Zhao Liang colle au plus près de la réalité qu’il filme ; cela donne des séquences d’une extrême lenteur,  comme celle de la vie qu’il enregistre, mais avec des longueurs parfois excessives qui donnent l’impression d’un exercice de style, et d’une recherche du ton juste pas encore totalement maîtrisée.

 

 

Note

(1) On est étonné que Zhao Liang ait pu tourner certaines scènes où l’on voit effectivement les soldats maltraiter les personnes appréhendées pour tenter de les faire parler. Une scène suggère même que l’une d’entre elles est emmenée dans une autre pièce pour y subir un traitement encore plus brutal. Dans un cas, mais un cas seulement, on entend clairement l’ordre de couper …

 

     

 

 

 
     
     
     
     
     
     
     
     

 

   

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 



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