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« Une simple histoire de nouilles » : un Zhang Yimou inattendu, loufoque et détonnant !

par Brigitte Duzan, 17 décembre 2009, révisé 28 mai 2013

 

Après l’annonce de la sortie pour 2009 du film de Lu Chuan (陆川) « Nanjing ! Nanjing ! » ou « The City of Life and Death » (《南京!南京!》) sur le massacre de Nankin, Zhang Yimou a provisoirement abandonné le projet sur le même sujet auquel lui-même travaillait, et a préparé à la place une comédie doublée d’une intrigue à suspense, sortie en Chine continentale pour les fêtes de fin d’année, le 12 décembre 2009.

 

Le titre original des plus énigmatiques, « trois coups de fusil, deux coups sur la table, surprise » (《三枪拍案惊奇》) est devenu en français (comme en anglais) « Une simple histoire de nouilles », mais ce n’est en fait pas si simple que cela. C’est l’un des films les plus originaux de Zhang Yimou.

 

Un scénario en deux parties

 

Le film est en deux parties, l’intrigue se précisant dans la seconde.

 

Première partie : une comédie déjantée

 

Une simple histoire de nouilles

 

La première partie est une présentation des personnages et une amorce de l’action, sous forme d’une comédie déjantée qui emprunte aux shows célèbres conçus par Zhao Benshan (赵本山) pour les soirées du Nouvel An. Il apparaît d’ailleurs lui-même en guest star au début du film, en une séquence de trois minutes qui donne le ton à ce qui suit : un superbe numéro d’acteurs, sélectionnés pour leur image médiatique.

 

Il y a quatre têtes d’affiche, mêlant rôles « sérieux » et rôles « comiques », mais les rôles secondaires le sont aussi, ce qui tire le film vers le burlesque parodique.

 

L’auberge dans le désert

 

Outre la femme de l’aubergiste, interprétée par Yan Ni (闫妮), les deux acteurs « sérieux » sont Sun Honglei (孙红雷) dans le rôle d’un tueur, Zhang San (张三), et Ni Dahong (倪大红) dans celui de l’aubergiste Wang Wumazi (王五麻子) qui est au centre de l’intrigue. Tous deux sont très connus du public chinois.

 

Sun Honglei jouait aux côtés de Zhang Ziyi dans « The road home » (《我的父亲母亲》) en 2000. Mais il a depuis lors interprété des rôles de mafieux dans des films de Hong Kong comme « Blood Brothers » de John Woo ou

« Seven Swords » de Tsui Hark ; c’est un rôle de ce genre qu’il interprète dans le film. 

 

Ni Dahong, quant à lui, a joué dans deux autres films de Zhang Yimou : « Vivre » (《活着》), en 1994, et « La cité interdite » en 2006 (ou « Curse of the Golden Flower » 《滿城盡帶黃金甲》) où il interprétait le rôle du médecin impérial.

 

La surprise vient des deux « rôles comiques », confiés à Xiao Shenyang (小沈阳) et à l’actrice Wang Xiaohua (王小华), spécialistes d’une forme de dialogues comiques du nord de la Chine, appelé èrrénzhuàn (二人转) (1), popularisé par Zhao Benshan, dont les deux acteurs sont  les élèves.

 

Xiao Shenyang est devenu célèbre du jour au lendemain lorsque Zhao Benshan l’a programmé au grand spectacle télévisé qui est le clou de la soirée de la Fête du

 

Sun Honglei dans le rôle de Zhan San

Printemps pour la quasi totalité des familles chinoises. Il atteint aujourd’hui une telle popularité que ses cachets sont faramineux. Un journaliste a calculé que, pour les quarante jours du tournage, il a dû renoncer à quelque 20 millions de yuans de cachets. Il aurait cependant accepté de jouer pour Zhang Yimou pour le « prix d’ami » de 50 000 yuans : le film lui donne en effet l’occasion de booster sa carrière en dépassant son image de comique populaire, jusqu’ici limité aux shows télévisés ou aux numéros de cabaret, et critiqué pour une certaine tendance à la vulgarité.

 

Xiao Shenyang dans le rôle de Li Si

 

Xiao Shenyang (小沈阳) interprète le rôle de l’employé de l’aubergiste devenu amant de sa femme, Li Si (李四), personnage plutôt faible, mais passionné d’arts martiaux, et dont le père, abatteur de porcs, a pas mal d’argent. Il est en rose fluo, comme pour dénoter un caractère légèrement efféminé. Zhang Yimou l’a délibérément laissé jouer naturellement, et il est irrésistible.

 

Par ailleurs, c’est un très bon chanteur, et cela a donné à Zhang Yimou l’idée de le faire

chanter : il a composé lui-même la chanson,

dans un style de rap chinois, et il en interprète une partie, en dialecte du Shaanxi, sa province natale. C’est le thème musical du film, il en reflète le ton et l’humeur :

 

 

Thème musical

  

Deuxième partie : le scénario de « Blood simple » revu et corrigé

 

La seconde partie du scénario est adaptée du film des frères Coen « Blood simple » (« Sang pour sang »), le premier qu’ils ont tourné ensemble et celui qui les a révélés, en 1985. C’est un « thriller » assez particulier où rien ne se passe selon les lois du genre, les deux frères s’amusant à les détourner avec autant de virtuosité que d’ironie : le propriétaire d’un restaurant loue un tueur à gages pour tuer sa femme et l’amant de celle-ci, mais le tueur fait croire qu’il a rempli sa mission en produisant des photos trafiquées, empoche l’argent qui lui est dû et liquide le restaurateur, tout en laissant sur place l’arme de sa femme pour que les soupçons se portent sur elle. Et ce n’est que le début d’un savant imbroglio…

 

Zhang Yimou et ses scénaristes ont repris cette trame en en faisant une histoire cent pour cent chinoise. D’abord, l’histoire se passe dans une auberge qui sert des nouilles (d’où le titre français/anglais) au bord d’une route dans le désert, en l’occurrence dans le Gansu, dans une période historique indéterminée, le tout pour évoquer le style habituel des films de wuxia (武俠片), les films d’épée chinois. L’auberge elle-même est un rappel de celles caractéristiques de ce genre de films, qui servent traditionnellement de cadre à rencontres diverses et au moins une

 

Yan Ni dans le rôle de la patronne

scène de combat.

 

Le personnage principal est le tenancier d’une auberge en plein désert, nommé Wang Wumazi (王五麻子) : littéralement Wang, le type aux cinq marques de petite vérole sur le visage. Il a un caractère difficile et en plus, il est pingre. Sa femme, évidemment, ne le porte pas dans son cœur et le trompe avec l’un des garçons de l’auberge Li Si (李四) ou Li le quatrième. Le vieux Wang s’en rend compte, et, pour liquider les deux, engage un soldat du nom de Zhang San (张三), ou Zhang le troisième. Il n’est pas exclu qu’il y ait là un jeu de mot, l’expression 张三李四 zhāngsān lǐsì signifiant quelque chose comme Dupont-Durand, n’importe qui…

 

Zhang San, appâté par l’argent, tue le vieux Wang. Craignant d’avoir été aperçu et d’être l’objet d’un chantage, il tue aussi deux autres personnes de l’auberge, mais Li Si et celle qui est devenue dès lors la patronne de l’auberge réussissent à se débarrasser de lui, et l’histoire finit comme la pièce de Shakespeare : tout est bien qui finit bien.

 

Satire sociale bien sûr, mais divertissante

 

Ni Dahong dans le rôle de Wang Wumazi

 

Choisir de tourner un film « historique », même s’il l’est faussement, permet, sous couvert du passé, de se moquer gentiment du présent : le film est plein de piques satiriques sur les dérives actuelles de la société chinoise. On est d’ailleurs dès le départ en pleine parodie, ne serait-ce que par les couleurs des costumes : roses, verts, bleus agressifs, voire fluo. On sait que Zhang Yimou, depuis ses premiers films, a toujours utilisé les couleurs pour leur symbolique. Ici elles sont à la fois un ravissement pour l’œil, aux antipodes des

couleurs de terre et de sable souvent utilisées dans les wuxiapian tournés dans le désert ; elles viennent en outre accompagner et renforcer le caractère jubilatoire d’un film tourné pour divertir pendant les fêtes du Nouvel An chinois.

 

Deux scénaristes

 

Pour arriver à lier les différents éléments d’un scénario a priori aussi hétérogène, il fallait des maîtres de l’art. Ils sont deux : Shi Jianquan (史建全) et Xu Zhengchao (徐正超).

 

Le premier est un écrivain et scénariste, né à Pékin en 1953 et diplômé du département des beaux arts de l’Université normale de Pékin. Il s’est fait connaître par un roman, « Une paire de chaussures brodées » (《一双绣花鞋》), qui a été adapté en 2003 pour la télévision en un feuilleton éponyme de 20 épisodes qui a connu des records d’audience. Il a fait un certain nombre de scénarios pour la télévision, mais il est aussi connu au cinéma pour les scénarios de deux films : « Sima Dun » (《司马敦》) de Yin Li (尹力) en 1998 , et surtout le célèbre film de Jiang Wen (姜文) sorti en 2000 « Les démons à ma porte » (《鬼子来了》).

 

Quant à Xu Zhengchao, né en 1976 dans le Liaoning, il est

 

Shi Jianquan

écrivain et fait partie de l’équipe de Zhao Benshan : il a écrit en particulier des sketches pour les galas télévisés de la Fête du printemps de 2007 à 2009.  

 

Mais il est intéressant de noter qu’un autre scénariste a travaillé avec Shi Jianqian : Shang Jing (尚敬), auteur de comédies télévisées très populaires, dont la plus connue est sans doute « L’histoire de Wulin » (《武林外传》), en 2006. Son remplacement par Xu Zhengchao est significatif, traduisant probablement un changement de ton en cours de préparation du film.

 

Il n’empêche, le style du film, qui mêle plusieurs genres, répond tout à fait à la définition que donne Shang Jing du sien :

« 亦庄亦谐,亦喜亦悲,借古诵今,笑中带泪 ».
yìzhuāngyìxié,    yìxǐyìbēi  ,  jiègǔsòngjīn, xiàozhōngdàilèi

 

A la fois sérieux et drôle, comique et triste,

chantant aujourd’hui sous couvert d’hier,

et faisant couler les larmes au milieu des rires.

 

C’est un style très à la mode en ce moment dans le cinéma chinois…

 

Une production en attente pendant les Jeux olympiques

 

Le producteur est le producteur de Zhang Yimou depuis 1996 : Zhang Weiping (张伟平). Il a mis toute son équipe au chômage technique pendant trois ans en attendant que Zhang Yimou ait terminé son travail pour les Jeux olympiques, puis pour le 60ème anniversaire de la fondation de la République populaire. Quand il a sonné le rappel, tout le monde a répondu présent. Il s’est associé en particulier à William Kong (江志强), célébrité de Hong Kong qui a coproduit, entre autres, « Tigre et dragon » (《卧虎藏龙》) et « Hero » (英雄).

 

« Une simple histoire de nouilles » a coûté cent millions de yuans, et Zhang Weiping a estimé qu’il allait en rapporter quatre fois plus ; il était un peu optimiste, mais les recettes du film ont quand même été triples de la mise. En août 2010, le film avait déjà rapporté quelque 200 millions de yuans, environ 23 millions d’euros…

 

C’est surtout le marché intérieur qui était ciblé, pour les fêtes du Nouvel An. La promotion a été

 

Affiches promotionnelles Zhang Weiping/Zhang Yimou

faite sur la base de la notoriété acquise par Zhang Yimou avec la cérémonie d’ouverture des Jeux olympiques : le réalisateur a été érigé un véritable« produit d’appel » aux côtés de son producteur.

 

Le film a eu, dans l’ensemble, d’assez bonnes critiques, en particulier à la 60ème Berlinale, en février 2010, et Zhang Yimou a révélé que, à la suite du festival, les frères Coen en personne lui avaient écrit après en avoir vu une copie pour lui exprimer leur appréciation de son "adaptation" de leur film.

 

« Une simple histoire de nouilles » est un ovni dans le paysage cinématographique chinois comme dans la cinématographie de Zhang Yimou. Il est malheureusement resté sans suite.

 

 

Bande annonce (pour les Etats-Unis)

 

  

 

 

 

 

 
     
     
     
     
     
     
     
     

 

   

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 



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