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« Coming Home » : un mélo politiquement correct

par Brigitte Duzan, 23 juin 2014 

 

Présenté hors compétition au festival de Cannes 2014 sans gloire ni opprobre, « Coming Home » (归来) est sorti sur les écrans chinois le 16 mai sans susciter plus d’enthousiasme. Il semblerait que l’on soit surtout allé voir Gong Li dans ce film qui représente son retour dans la filmographie de Zhang Yimou (张艺谋), sept ans après « La cité interdite » (《满城尽带黄金甲》).

 

Mais cette fois, plus de film historique, ni de costumes et décors pompiers : un drame moderne dont le contexte historique a été dûment édulcoré, sinon passé sous silence, et qui renoue avec le ton nostalgique de retrouvailles impossibles de « Riding Alone » (《千里走单骑》) en 2005 ; d’ailleurs le scénariste est le même : Zou Jingzhi (邹静之) (1).

 

Autre adaptation d’un roman de Yan Geling

 

Comme le film précédent de Zhang Yimou, « Flowers of War » (金陵十三釵),

 

Coming Home

« Coming Home » est adapté d’un roman de Yan Geling (严歌苓) (1), en l’occurrence « Le criminel Lu Yanshi » (陆犯焉识), publié en 2011.

 

L’histoire d’un droitier

 

Le roman de Yan Geling

 

Au début du récit, le personnage principal, Lu Yanshi (犯焉识)  est un jeune de bonne famille que l’on marie à une jeune fille, Feng Wanyu (冯婉瑜), dont il se soucie comme d’une guigne, mais qui a une véritable adoration pour lui.

 

Il part ensuite étudier aux Etats-Unis où il mène une vie de dandy avant de rentrer en Chine, et devenir enseignant. Mais, en 1957, il est condamné à la prison à vie comme droitier et contre-révolutionnaire, et envoyé dans un camp de rééducation par le travail dans le Zhejiang. Pendant la Révolution culturelle, il purge sa peine dans le Xinjiang. Pendant toutes ces années de camp, il pense à sa femme et développe un profond amour pour elle.

 

Elle, pendant ce temps, attend fidèlement son retour. Quand il est libéré et qu’il revient chez lui, cependant, elle est atteinte d’amnésie et ne le reconnaît pas.

 

Et une histoire vraie

 

Le roman raconte en fait l’histoire du grand-père de Yan Geling, ce qui lui donne un cachet poignant de réalisme et d’authenticité. Sur une trame assez habituelle, Yan Geling a développé un récit attachant, au dénouemment peu ordinaire.

 

Le drame final est intensifié par les relations initiales entre les deux personnages : Feng Wanyu a été amenée à dix-sept ans dans la famille de Lu Yanshi par sa grand-mère, restée veuve huit mois après son mariage ; elle est la fille de son frère aîné. La jeune fille est follement amoureuse, et son attachement pour Lu Yanshi ne faiblit pas malgré la

 

Chen Daoming en évadé traqué

condamnation de son mari et leur séparation, ensuite, pendant vingt ans.

 

Réalisant que sa femme ne le reconnaît pas

 

Lu Yanshi, lui, apprend pendant ce temps à aimer sa femme, comme la seule attache qui lui reste avec le monde. C’est ce contexte de frustration affective réciproque qui rend son retour particulièrement poignant. S’y ajoute le fait que Lu Yanshi a fait une tentative de fuite, est arrivé jusqu’à la porte de sa famille, mais, en voyant sa femme et ses enfants, a réalisé le désastre qu’il risquaitde leur causer alors qu’ils avaient déjà été fragilisés par sa condamnation, en particulier sa fille Dandan (丹丹) ; il repart et va lui-même se dénoncer.

 

Au bout du compte, il ne lui reste plus qu’à tenter de revivre aux côtés de Wanyu, en inventant des stratagèmes pour se rapprocher d’elle ; faute de pouvoir se faire reconnaître, il devient son lecteur, en lui lisant des soirées entières les lettres qu’il lui a écrites tout au long de ses années de camp et qu’il n’a pas pu lui faire parvenir. Et tous les cinq du mois, ilsvont, par tous les temps, comme en pèlerinage à la gare, attendre Lu Yanshi qui a envoyé un mot annonçant qu’il rentrait le 5.

 

Zhang Huiwen dans le rôle de Dandan

 

Un film bien fait sur un scénario de mélo

 

Un scénario qui évacue l’histoire

 

Souvenir musical

 

Zhang Yimou et son scénariste ont choisi d’adapter la trentaine de pages finales du roman de Yan Geling, décrivant le retour de Lu Yanshi : or, c’est en fait dans le roman la conclusion de l’épreuve subie pendant vingt ans par les deux personnages, après un début raté de vie commune ; elle ne prend tout son sens que parce qu’elle aurait pu représenter la fin de la frustration affective des époux séparés, et qu’elle ne fait au contraire que l’aviver ; cette fois, qui plus est, il n’y a aucun espoir de solution, le rituel

du périple répété ad libitum à la gare en est le symbole.

 

Cette séparation n’est pas une séparation anodine, c’est le résultat d’une condamnation absurde, et d’une politique qui a décimé une génération d’intellectuels. Si le film évoque subrepticement la période de la Révolution culturelle, par des images aseptisées, l’épisode des droitiers est totalement évacué : il est bien plus tabou aujourd’hui.

 

Le film limite donc le roman au drame de deux époux séparés pendant vingt ans, dont les retrouvailles sont impossibles parce que la femme est amnésique. Zhang Yimou a prétendu vouloir faire une œuvre intemporelle ; il a en fait réduit le récit de Yan Geling à un mélodrame qui ne s’élève guère au-dessus du scénario d’un téléfilm – caractère renforcé par la musique.

 

On pourrait dire que, dans « The Road Home » (我的父亲母亲) aussi, l’histoire était évoquéede façon tout aussi vague ; 

 

Toute une vie dans un coffre de lettres

mais, dans ce film, l’histoire d’amour ne vient qu’en illustration, le sujet est autre, il est dans la signification profonde des rites et des coutumes, justifiant leur perpétuation. Ce film n’est pas un simple mélo. C’est  ce qui manque dans le scénario de « Coming Home » : en gommant l’impact de l’histoire et des décisions politiques, on a banalisé le récit.

 

Un film sauvé par l’interprétation et la photo

 

L’attente à la gare, le cinq du mois

 

Il faut reconnaître à Zhang Yimou, cepndant, de ne pas avoir exagéré les côtés larmoyants du scénario de « Coming Home ». Sa réalisation est sobre et les acteurs sont bien dirigés. Ils jouent tous très bien, et d’abord le duo Gong Li (巩俐) / Chen Daoming (陈道明), en particulier ce dernier, qui livre ici une interprétation émouvante, toute en finesse, aux antipodes du rôle statufié du roi de Qin dans « Hero » (英雄), mais un degré en-dessous de son formidable Chiang Kai-chek dans « Back to 1942 » (一九四二).

 

Les rôles secondaires sont aussi très bien interprétés, la petite nouvelle Zhang Huiwen (张慧雯), dans le rôle de Dandan, tout comme les comédiens Guo Tao (郭涛) et Yan Ni (闫妮), dans des rôles à contre-emploi, cadre du Parti et responsable de quartier.

 

Mais c’est la photo, du vieux complice de Zhang Yimou depuis douze ans, Zhao Xiaoding (赵小丁), quifinit de sauver le film du lieu commun, en lui donnant la patine du souvenir, et en livrant des photos superbement composées. Il a commencé comme cadreur sur le tournage de « Hero », il n’a pas oublié…

 

« Coming Home » est un mélo bien fait, qui ne dépasse pas le politiquement correct – que peut-on espérer de plus de Zhang Yimou aujourd’hui ?

 

Bande annonce

 

Bande annonce chinoise

 

 

Notes

(1) Il est par ailleurs coscénariste du dernier film de Wong Kar-wai (王家卫) « The Grandmaster » (《一代宗师》).

(2) Sur Yan Geling, voir : http://www.chinese-shortstories.com/Auteurs_de_a_z_YanGeling.htm

 

 

 

 

 

 
 
     
     
     
     
     
     
     
     

 

   

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 



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