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« La prise de la montagne du tigre » : un Tsui Hark à voir pour la dernière séquence

par Brigitte Duzan, 1er juillet 2015

 

Adapté de l’un des grands classiques de la littérature chinoise des années 1950, « La prise de la montagne du tigre » (《智取威虎山3D) pèche par l’accent mis sur les combats dans un scénario qui a supprimé tout ce qui fait l’intérêt du roman. Sorti en décembre 2014, il a eu un succès confortable auprès du grand public en Chine, mais les critiques ont été plus réservés, et  il n’a même pas été primé dans les grands festivals nationaux. Tout le poids de la production porte sur les effets spéciaux, qui ne sont pas suffisants pour soutenir l’intérêt.

 

Les références

 

Grand classique littéraire d’abord, puisqu’il s’agit d’une adaptation du roman de Qu Bo (曲波), paru à la veille du Grand Bond en avant, en 1957 : « Patrouilles dans la forêt enneigée » (《林海雪原》) [1]. C’est l’un des grands romans des années 1950, qui emprunte largement aux grands classiques comme « Au bord de l’eau » (水浒传) et « Les Trois Royaumes » (《三国演义》).

 

Affiche reprenant la dernière séquence

 

Grand classique théâtral et cinématographique ensuite, puisqu’il s’agit du premier « opéra modèle » (样板戏) mis au point selon les critères très stricts élaborés sous la férule de Jiang Qing (江青), avec une première version du livret publiée en 1969, le jour de la Fête nationale, dans le cadre des commémorations du 20ème anniversaire de la fondation de la République populaire. « La prise de la montagne du tigre par stratégie » (智取威虎山) est le modèle des opéras modèles.

 

Zhang Hanyu en Yang Zirong

 

L’adaptation cinématographique, sortie dès l’année suivante, en 1970, a été réalisée par Xie Tieli (谢铁骊), selon des critères non moins stricts et sous la férule nom moins sévère de Jiang Qing. Le film reste le grand classique des débuts des années 1970, et une référence dont les scènes et les airs font partie de la mémoire collective des Chinois.

 

L’adaptation de Tsui Hark 

 

C’est du souvenir durable du film de 1970 qu’est parti Tsui Hark : il le cite dans son introduction, un peu tirée par les cheveux mais significative.

 

Un scénario axé sur les combats

 

Malheureusement, son scénario met l’accent sur les combats, qui ne sont pas le plus intéressant du roman, et y sont même parfois réduits à peu de choses : ce qui est important, pour Qu Bo, et qui est repris dans l’opéra, c’est de montrer que les victoires des soldats de l’ALP sur un ennemi bien armé et supérieur en nombre sont dues à l’astuce de ces soldats, à leur témérité et à leur parfaite symbiose avec les paysans ; même le fameux combat pour prendre la Montagne du tigre est réduit à une escarmouche : Yang Zirong a si bien

 

Les soldats de l’ALP : Chen Xiao

enivré les brigands qu’ils sont pris et se rendent sans quasiment verser de sang…

 

Chaque personnage, dans le roman, fait l’objet d’un portrait développé parfois sur tout un chapitre pour bien expliquer leurs relations entre eux, avec des descriptions savoureuses, comme celle de l’un des deux personnages féminins importants du roman, celui, haut en couleur, de la « brigande » Hudie Mi (蝴蝶迷), la "racoleuse des papillons" : brigande et fille de brigand, opiomane à l’âge de quatorze ans, avec des dents noircies par l’opium couronnées d’or, et un visage comme un épi de maïs racorni – long, fin et jaune….[2]

 

Tong Liya dans le rôle de la Petite colombe

 

Face aux brigands, tous plus infâmes les uns que les autres, et organisés en bandes rivales qui mettent les villages à feu et à sang, les soldats de l’ALP sont des héros pleins d’audace qui défendent les villageois, mais aussi leur apprennent à se défendre et savent utiliser leurs talents, en particulier leur connaissance ancestrale du terrain. C’est ainsi qu’ils parviennent à investir des places fortes jugées imprenables, comme le premier repaire des brigands, le « nid des tigres et des loups » (虎狼窝), pris par surprise en « volant au-dessus du ravin »

(跨谷飞涧) [3]. Tsui Hark a repris ce passage, mais l’a intégré dans l’assaut de la Montagne du tigre, où il perd tout son intérêt et son sens car il manque la préparation minutieuse de l’attaque ; dans son film, cela paraît juste rocambolesque, et même à peine crédible car le petit commando à skis qui a franchi le ravin sur une corde se retrouve quelques instants plus tard muni de tout un armement lourd et d’explosifs…

 

Il manque au film la subtilité des personnages sur laquelle est basée l’intrigue du roman, en particulier le personnage du faux prêtre taoïste tapi dans son monastère d’où il manipule et les bandits et le trafic de l’opium. Par contre, Tsui Hark a fait du chef des bandits de la Montagne du tigre une sorte de démiurge sinistre et redouté, et de ses sbires de dangereux névropathes, avec la mise en scène et le décor de l’intérieur de la place forte rappelant les excès baroques de « The Bride with White Hair » (《白发魔女传》)

 

Yu Nan dans le rôle de Qinglian

tout en restant dans la norme des deux films précédents de Tsui Hark : une esthétique superficielle de l’esbrouffe.

 

Les combats finissent par lasser, et le film semble très long.

 

De très bons acteurs, mais mal mis en valeur

 

Tony Leung ka-fai dans le rôle du chef des brigands

 

On ne peut même pas dire, comme souvent dans les films chinois récents, que les défauts du scénario sont compensés par le jeu des acteurs. Zhang Hanyu (张涵予) en Yang Zirong / Hu Biao a toute la folle témérité du personnage réel, et la vivacité d’esprit nécessaire pour se sortir des pièges qui lui sont tendus, et Tony Leung Ka-fai (梁家辉) est superbe en névropathe en chef dont on ne voit longtemps que le dos.

 

Mais les acteurs ne peuvent surmonter la

simplification des personnages qu’ils doivent interpréter, en particulier côté ALP.

 

La brigade 203                    203小队

Zhang Hanyu 张涵予               Yang Zirong 楊子榮

Lin Gengxin 林更新                 Shao Jianbo 少剑波, le chef de la brigade

Tong Liya 佟丽娅                    Bai Ru 白茹, surnommée Petite colombe 绰号小白鸽

Chen Xiao 陈晓                      Gao  高波,警卫员

Les bandits                         威虎山

Tony Leung Ka-fai 梁家辉        Cui Sanyé 崔三爷 (le « vautour »)

Yu Nan 余男                           Qinglian 马青莲

Le personnage du présent    当代人

Han Geng 韩庚                         Jimmy 姜磊

 

Gros moyens pour peu de chose, dommage

 

 

Les huit grands brigands de la Montagne du tigre (八大金刚群)

 

 

Impressionnante coproduction d’une dizaine de studios, dont le groupe Bona, China Film (producteur Huang Jianxin) et le studio du 1er Août, « La prise de la montagne du tigre » a été tourné en plein hiver dans le Dongbei, et s’efforce au plus grand réalisme.

 

 

 

 

Les huit brigands

 

Certaines séquences sont très réussies, mais l’ensemble reste incompréhensible pour qui n’a pas lu le roman ; le film se résume alors à une série de combats qui, pour époustouflants qu’ils soient, n’en sont pas moins insuffisants pour retenir l’attention pendant près de deux heures et demie. Pour reprendre une expression de Derek Elley, c’est de l’ « action popcorn », des séquences d’action que l’on regarde en mangeant du popcorn pour tromper son ennui.

 

C’est la dernière séquence la plus réussie, celle où l’on retrouve l’imagination débridée du Tsui Hark de ses débuts. Elle pétille d’humour et a enfin toute l’astuce qui aurait fait du film un petit chef-d’œuvre si Tsui Hark avait laissé tomber la grosse artillerie de la 3D pour se concentrer sur son scénario, abandonner le réalisme à tout crin et nous livrer un film frisant l’absurde et la démesure avec l’ironie souhaitée pour revisiter ce grand classique. Et il aurait pu car ses brigands sont des personnages de comédie.

 

 

Bande annonce

 

 

 


 

[1] Sur Qu Bo et son roman, voir : www.chinese-shortstories.com/Auteurs_de_a_z_Qu_Bo.htm

Voir letexte du roman, en 38 chapitres, à lire en ligne :

www.millionbook.com/xd/q/qubo/lhxy/index.html

[2] Chapitre 2.

[3] Chapitre 8 

 

 

 

 

 

 
     
     
     
     
     
     
     
     

 

   

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 



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