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Qin Niangmei : le chant du cygne du « poète Sun Yu »

par Brigitte Duzan, 11 décembre 2008, actualisé 24 avril 2020

 

Découvert lors du « panorama du cinéma chinois » au programme de la Cinémathèque française en décembre 2008, « Qin Niangmei » (ou « Lady Qin ») est le dernier film réalisé par Sun Yu (孙瑜), en 1960 : c’est une œuvre emblématique rare que l’on ne peut ignorer.

 

Un film humaniste

 

« Qin Niangmei » (《秦娘美》), du nom de l’héroïne, conte l’histoire d’une jeune femme de la Chine ancienne qui, acculée à un mariage forcé avec un cousin, refuse de se soumettre à la tradition familiale et s’enfuit avec le garçon qu’elle aime, Zhulang (珠郎). Au cours de leur fuite, ils sont recueillis dans un village par un riche propriétaire foncier et tyran local, Yin Yi (银宜), qui veut s’approprier Niangmei dont la beauté et le charme l’ont séduit. Se heurtant à la résistance de la jeune femme, il se débarrasse de Zhulang en l’assassinant sous

 

Qin Niangmei

prétexte qu’il est un espion à la solde d’un village voisin. C’est pour Niangmei le début d’une longue lutte. Après avoir enterré les restes de Zhulang, elle continue le combat contre Yin Yi et, finissant par fédérer les paysans autour d’elle, réussit à attirer dans un piège le sinistre personnage qu’elle tue près de la tombe de Zhulang.  

 

Le film est ainsi une ode à la femme chinoise, dans la continuité d’une œuvre qui n’a pas cessé d’en célébrer la beauté et de dénoncer l’oppression dont elle a été victime pendant des siècles dans la société traditionnelle, révélant au passage les actrices les plus célèbres des années 1930 en Chine, comme Li Lili (黎莉莉) ou Ruan Lingyu (阮玲玉).

 

Mais c’est un film emblématique qui est à la fois le reflet de son temps et l’œuvre ultime d’une carrière tragique, inutilement sacrifiée par l’histoire. Après « La vie de Wu Xun » (《武训传》), la carrière de Sun Yu a été injustement brisée. Jamais il ne retrouvera la « grâce » qui était la sienne jusque là : il reste dès lors comme enfermé dans son monde intérieur, comme inconscient des changements qui se produisent autour de lui.  Il recommence cependant à tourner en 1957, avec un film dont le titre sonne comme une déclaration d’optimisme, « Avec le vent en poupe » (乘风破浪).

 

Trois ans plus tard, après « La légende de Luban » (《鲁班的传说》) d’un humour savoureux totalement décalé par rapport à son temps, « Qin Niangmei » conclut cette trilogie par une défense de la liberté de la femme, qui rejoint celle de la liberté de l’artiste. C’est en outre un opéra filmé dont le choix n’est pas anodin.

 

Un opéra du Guizhou

 

Il s’agit d’un opéra du Guizhou. Cet opéra est une création relativement récente, qui se situe dans le cadre du développement des opéras provinciaux au début de la période maoïste. C’est en effet en juillet 1950 que la première forme de cet opéra est née, adaptant un livret existant et l’accompagnant d’un ensemble essentiellement à cordes, avec, outre des sānxián (三弦) et húqín (胡琴), l’instrument traditionnel du Guizhou, le yángqín (扬琴) [1], le tout soutenu par des percussions légères, ce qui donne à cet opéra aux airs très mélodiques, sans scènes martiales, une tonalité d’une grande douceur.

 

Le premier groupe est né pendant l’hiver 1952, mais les troupes se sont multipliées « comme les pousses de bambou après une pluie de printemps » à partir de 1956. En 1960, l’opéra a officiellement pris le nom de Qiánjù (黔剧) , devenant l’opéra attitré du Guizhou – qián étant le caractère désignant la province du Guizhou. La troupe provinciale a alors donné des représentations à Pékin, recueillant une reconnaissance officielle des dirigeants de l’Etat chinois.

 

Niangmei et Zhulang

 

C’est aussi à ce moment-là que Sun Yu a tourné son film, qui a instantanément connu un grand succès non seulement en Chine continentale, mais aussi auprès de la communauté chinoise de Malaisie, Singapour, Macao et Hong Kong… Le film est en effet un hommage superbe à ce genre d’opéra ; « Qiang Ningmei » est basé sur un opéra de la minorité Dong, lui-même basé sur une pièce datant des Ming mais adaptée en 1921 en opéra. C’est l’une des pièces emblématiques de l’opéra Qian. Elle correspond tout à fait au style personnel de Sun Yu, avec un accent particulier porté sur une figure féminine

à la fois pleine de charme et héroïque dans sa lutte pour la dignité humaine et la liberté.

 

Sun Yu a conservé le style très stylisé de l’opéra traditionnel, avec des décors peints. Mais il a concentré toute son attention sur le traitement des expressions, des visages et des corps : la musique mélodieuse du Qianju souligne en particulier le corps souple, l’allure gracieuse et la profonde douceur du visage de l’actrice et chanteuse, Liu Yuzhen (刘玉珍), autre découverte de Sun Yu.

 

Le dernier film de Sun Yu

 

On aurait pu penser la carrière de Sun Yu définitivement relancée par ce film. Malheureusement, quelques années plus tard, Mao lançait la Révolution culturelle qui déclarait une guerre ouverte à la création culturelle. Sun Yu se retrouva à nouveau la cible d’attaques virulentes.

 

Il se retira dans son monde à lui, passant les dernières années de sa vie, jusqu’en 1990, à rédiger son autobiographie et à publier ses traductions en anglais des poèmes de son cher Li Bai.

 

Qin Niangmei reste un film méconnu.

 

 

Qin Niangmei (film en noir et blanc) : https://www.bilibili.com/video/av27060142/                                                        

 


 

[1] Le sanxia est, comme son nom l’indique, un instrument à trois cordes pincées (on le voit en particulier dans la scène introductive du film, où les jeunes gens et jeunes filles du village chantent en attendant Niangmei) ; le huquin est le violon chinois à deux cordes et le yangqin une sorte de tympanon.

 

 

 

     

 

 

 

 

 
     
     
     
     
     
     
     
     

 

   

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 



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