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« River » : fascinant second film de Sonthar Gyal

par Brigitte Duzan, 26 février 2016, actualisé 8 avril 2017

 

Second film de Sonthar Gyal, « River » (《河》Gtsngbo གཙང་པོ), aura nécessité trois ans de préparation. Film de fiction à la limite du documentaire, avec des acteurs non professionnels plus vrais que nature, tout y est étudié dans les moindres détails, du scénario à la photo et au montage, en passant par la musique.

 

Une histoire très simple, presque sans paroles

 

Le film dépeint une enfance nomade au Tibet, aujourd’hui comme hier, pourrait-on dire, tellement on a l’impression que le temps reste immobile dans ces terres glacées ; le seul signe d’une relative modernité est la moto du père, qui est quasiment un personnage à part entière. C’est désormais l’outil de travail et le moyen de déplacement privilégié des pasteurs nomades du Qinghai.

 

Un couple mutique et une petite fille solitaire

 

River

  

Sonthar Gyal met en scène un jeune couple de pasteurs nomades qu’il doit avoir tiré de ses souvenirs d’enfant de nomades. Le père, Guru Tsedan, est peu disert, la mère, Regzin Drolma, attend un second enfant, et tente de sevrer définitivement sa petite fille qui doit avoir quatre ou cinq ans et voit bien sûr d’un très mauvais œil l’arrivée d’un rival, quel qu’il soit, frère ou sœur.

 

Yangchen Lhamo et son mouton

 

C’est la petite fille, Yangchen Lhamo, qui est au centre du récit, que nous voyons par ses yeux. Solitaire, elle n’a pour toute compagnie qu’un nounours, que lui chipent régulièrement les garnements du village qui la harcèlent en accusant son père d’être mauvais.

 

Mauvais, son père ? Il a en tout cas un comportement incompréhensible et 

répréhensible pour les gens du village, car il refuse d’aller rendre visite à son père, un ermite retiré dans une masure en pleine montagne pour y méditer et y prier. On se demande longtemps ce qui peut bien justifier un tel refus obstiné alors que le père est âgé et malade. C’est en tout cas un problème pour l’enfant, qui ne comprend pas plus que nous.

 

Elle observe et pose des questions, Yangchen Lhamo, comme toute enfant de son âge. Pourquoi met-on des graines en terre ? demande-t-elle à ses parents qu’elle voit semer de l’orge. Parce que, quand elles vont pousser, elles vont faire plein de nouvelles petites graines… Alors elle enterre son nounours, pour avoir plein de petits nounours à apporter à son grand-père quand elle reviendra le voir l’année suivante.

 

La vie dans les pâturages d’été

 

Le père, Guru Tsedan

 

Sonthar Gyal nous conte une histoire toute simple sans insister sur les détails - ils se devinent – mais en en soignant l’authenticité, celle de la psychologie de ses personnages, et en particulier de la petite fille. Dans les pâturages d’été où sont partis ses parents au début du film, bien qu’il fasse encore très froid (au point de pouvoir difficilement enfoncer les pieux de la yourte dans le sol glacé), Yangchen Lhamo est encore plus solitaire qu’au village, dans les immensités dénudées du haut plateau du Qinghai.

 

Yangchen Lhamo et son père

 

Le hasard lui apporte un agneau dont des loups ont tué la mère, des loups dont la menace plane, mais qui attaquent de nuit sans qu’on les voie. Elle le nourrit et l’animal s’attache à elle. Jusqu’à ce qu’il ait grandi et doive regagner le troupeau, et soit à son tour dévoré par les loups …. Et que Yangchen Lhamo se retrouve seule à nouveau, et d’autant plus perturbée par l’attitude de son père vis-à-vis de son grand-père.

 

Le mystère sera levé dans une scène paroxystique qui révélera une blessure

profonde, et rendra le père plus sympathique, derrière sa façade bourrue et renfermée. Elle amène une conclusion apaisée, dans une très belle construction triangulaire où l’enfant apparaît comme la courroie de liaison entre père et grand-père. Mais la mère a disparu du paysage…

 

Un film superbement construit et réalisé

 

Sonthar Gyal a superbement construit son film, à partir d’un scénario minimal où les éléments dramatiques et traumatiques sont à peine esquissés, comme dépeints en demi-teinte, en laissant la primeur à la désolation du paysage, vaste plateau gelé, brun et dénudé, sur fond de montagnes enneigées, qui semble se refléter dans les esprits, en coupant dans l’œuf toute tentative de communication.

 

La photo est signée Wang Meng (王猛), qui avait déjà signé celle du premier film de Sonthar Gyal, « The Sun Beaten Path » (《太阳总在左边》). Le montage, de Kong Jinlei (孔劲蕾), a aussi contribué au hiératisme général du film, à la fois lent et réflexif, mais parfaitement bien maîtrisé à une heure trente, ce qui devient rare. La musique, enfin, est du directeur du son de

 

Le paysage (photo Wang Meng)

Pema Tseden, Dukar Tserang, qui est aussi compositeur.

  

« River » est donc un film dont tous les éléments contribuent à la réussite finale. D’une esthétique bien affirmée, il reflète l’influence des premiers films de Hou Hsiao-hsien, mais aussi, et peut-être même bien plus, celle de Kiarostami, deux réalisateurs dont Sonthar Gyal s’est déclaré fervent admirateur.

 

Yangchen Lhamo a été élue meilleure actrice au festival de Shanghai en juin 2015. La petite fille est une enfant de la famille du réalisateur. Sonthar Gyal l’a associée à l’écriture du scénario ; ayant participé étroitement à l’élaboration de la narration, elle est d’autant plus naturelle dans son jeu.

 

River, trailer

 

Sonthar Gyal prépare maintenant son troisième film. 

 

 

 

 

 

 
 
     
     
     
     
     
     
     
     

 

   

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 



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