Accueil Actualités Réalisation
Scénario
Films Acteurs Photo, Montage
Musique
Repères historiques Ressources documentaires
 
     
     
 

Films

 
 
 
     
 

« Wu Xia » : quand Peter Chan part à la conquête du marché chinois

par Brigitte Duzan, 29 juillet 2011, révisé 21 septembre 2011

 

Le dernier film de Peter Chan (ou Chen Kexin 陈可辛), « Wu Xia » (武侠), sorti au début du mois de juillet 2011 en Chine, caracolait en tête du box office à la fin du mois. Le film avait cependant été présenté hors compétition au festival de Cannes, quelques mois auparavant, sans rencontrer le même enthousiasme. Le public n’est évidemment pas le même.

 

Une histoire d’arts martiaux qui se veut peu ordinaire

 

Une histoire d’arts martiaux comme son nom l’indique,  « Wu Xia » (武侠)? En un sens oui : un fabricant de papier nommé Liu Jinxi (刘金喜) vit dans un village perdu avec sa femme et ses deux enfants. Or, un jour, il vient à bout, seul et sans armes, de deux dangereux bandits qui ont attaqué le magasin du village ; il est proclamé héros, mais ceci attire l’attention d’un détective qui arrive sur place pour tenter de découvrir sa véritable identité, voire son passé. Ce qui a commencé 

 

Affiches du film « Wu Xia »

comme une méditation se termine en chasse à l’homme, ou en jeu du chat et de la souris.

 

Donnie Yen et Takeshi Kaneshiro

 

Comme l’acteur principal est Donnie Yen

(甄子丹), qui a également signé la chorégraphie, le film est un florilège de combats très bien réglés – bien que certaines fines bouches amateurs d’arts martiaux aient trouvé que Yen vieillissait !... Mais le film n’est pas que cela, Peter Chan n’est pas du genre à suivre les sentiers battus. Il a voulu régaler en même temps les fans d’arts martiaux et ceux qui en sont moins friands, offrir à la fois réflexion et action,

une nouvelle manière de conter ce genre d’histoire, en l’enrobant dans de superbes images.

 

Une partie du contrat est remplie. Les acteurs et les images sauveraient presque le film.

 

Un quatuor  de très bons  acteurs 

 

Aux côtés de Donnie Yen, Tang Wei (汤唯) continue son retour progressif en grâce après sa mise au placard à la suite de sa prestation dans « Lust.Caution » (1); elle interprète ici un rôle d’épouse discrète et effacée qui ne restera pas parmi les plus intéressants de sa carrière. Les autres acteurs, en revanche, ont tous une présence quasiment symbolique.

 

L’actrice Hui Yinghong (惠英红) incarne la grande tradition des incarnations féminines

 

Tang Wei

des rôles d’arts martiaux, et offre ici une prestation sans faute, avec envol aérien obligé sur les toits. Jimmy Wang (王羽), en vieux maître qui sort de sa retraite, est de son côté un clin d’œil au « One armed Swordsman » (独臂刀) de Chang Cheh (张彻) dont « Wu Xia » devait initialement être un remake et dans lequel il jouait le rôle principal (2).

 

Le vieux maître et l’enfant

 

Takeshi Kaneshiro (金城武), quant à lui, joue les détectives pointilleux, à la fois témoin et conscience. Son rôle est comme un rappel de celui qu’il interprétait dans le précédent film de Peter Chan : « The Warlords » (《投名状》). Ou plutôt comme un lien avec ce film. « Wu Xia » semble ainsi constituer comme un pendant du premier, en offrant une nouvelle variation sur le sujet.

 

De superbes images et un génial thème musical

 

Il restera cependant surtout de ce film de superbes images et un génial thème musical. Les images sont signées Jake Pollock (黎耀辉), directeur de la photographie de « Wu Xia » comme il l’a été en 2010 de « Monga » (après « Pinoy Sunday »), je veux dire avec le même bonheur.

 

Quant au thème musical, il est à écouter pour lui-même, en boucle au besoin ; c’est une sorte de chant bouddhique électro/new age, intitulé « égaré dans le Jianghu » (le maquis en d’autres termes :《迷走江湖》) ; il est moderne par relecture de la tradition, juste ce que le film voulait faire :

 

 

Thème musical du film « Wu Xia »

 

Mais pour le reste…

 

Peter Chan s’est un peu égaré dans ses histoires pseudo scientifiques mêlant acupuncture et réflexologie. La campagne publicitaire et promotionnelle autour du film ne peut pas compenser les simplismes du scénario.

Pour vouloir déborder le cadre classique du wuxiapian, le film tombe dans l’improbable et le saugrenu, élevé au rang du cliché par utilisation d’images convenues de cœurs palpitants et cervelles scannées.

 

Dans une interview donnée lors du onzième festival international du cinéma de Shanghai, en juin 2008, Peter Chan a déclaré : « … avec « The Warlords », j’avais une idée très claire de ce que je voulais faire : conquérir le marché chinois. Le marché [cinématographique] mondial est en recul continu, car la plupart des gens regardent maintenant les films sur internet ou en DVDs. Mais les gens de ma génération ne travailleront jamais pour ce genre de media. Nous devons donc conquérir le marché chinois : c’est notre "dernière oasis". »

 

« Wu Xia » est le produit ciblé pour conquérir l’oasis en question. Lors de la cérémonie de la 6ème édition du festival du cinéma chinois à Paris, il a encore déclaré qu’il voulait faire des films populaires et qu’il se demandait toujours s’il était suffisamment près du peuple.

 

Il a l’air de considérer ce « peuple » comme singulièrement ingénu. Ce qui est peut-être partiellement vrai dans l’état actuel d’un public formé par la production télévisuelle et la masse ordinaire des films dits de kungfu, mais ne justifie pas que l’on perde toute ambition de créateur. Comme disait Bresson : « Le public ne sait pas ce qu’il veut. Impose-lui tes volontés, tes voluptés » (3)

 

Si l’on veut chercher aujourd’hui la novation dans le wuxia, il me semble qu’il vaut mieux le faire en remontant aux sources du genre, comme l’a fait, de manière autrement profonde, le jeune réalisateur Xu Haofeng (徐皓峰) avec son premier film « The Sword Identity » (《倭寇的踪迹》).   Ce n’est pas un hasard s’il est d’abord écrivain…

 

Notes

(1) A la suite de la sortie du film, début mars 2008, l’Administration d’Etat pour la radio, le film et la télévision a ordonné que toutes les publicités avec l’actrice soient retirées des écrans et des médias. L’actrice perdit ainsi son contrat avec la marque de soins pour la peau Pond’s, d’un montant de six millions de yuans. En même temps, toutes les cérémonies de remises de récompenses devaient éviter la participation de l’actrice. Les discussions la concernant ainsi que celles sur le film furent effacées des forums internet. Elle devait aussi tourner dans le film de Tian Zhuangzhuang « The warrior and the wolf » (狼灾记) mais fut finalement remplacée par une autre actrice, Maggie Q (李美琪).

(2) « One-armed Swordsman » est un film de 1967 des Shaw Brothers, réalisé par Chang Cheh. Il se voulait le début d’un nouveau style de wuxia, avec anti-héros et combats violents, et sanglants. La référence est claire.

(3) Robert Bresson, Notes sur le cinématographe, Gallimard, 1975.

 

 

Bande annonce du film « Wu Xia »

 

 

 

 

 
     
     
     
     
     
     
     
     

 

   

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 



Qui sommes-nous ? - Objectifs et mode d’emploi - Contactez-nous - Liens

 

© ChineseMovies.com.fr. Tous droits réservés.

Conception et réalisation : ZHANG Xiaoqiu