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« Un taxi à Pékin » : la capitale au tournant du millénaire sous l’œil de Ning Ying

par Brigitte Duzan, 13 février 2013 

 

Après les années 1980, avec « Jouer pour le plaisir » (找乐), puis les années 1990, avec « Ronde de flics à Pékin » (民警故事), Ning Ying (宁瀛) boucle sa trilogie avec une peinture décapante de la réalité urbaine dans la capitale des années 2000 avec « Un taxi à Pékin » (夏日暖样样).

 

Nous sommes passés de l’ère du vélo à celui de la voiture, dans une ville où le taxi est devenu lieu de rencontre et vitrine sociale, mais aussi lieu privilégié d’observation. « Ronde de flics à Pékin » se passait en hiver, « Un taxi à Pékin » se passe en été : le titre, Xiàrì nuǎnyàngyàng, qui signifie « chaudes journées d’été », suggère une vie animée dans la chaleur estivale, une capitale foisonnante, en plein développement.

 

Un flâneur dans la ville

 

 

L’histoire est celle d’un jeune chauffeur de taxi d’une vingtaine d’années, Dezi (德子), sorte de flâneur impénitent dans la capitale, mais aussi Casanova à la chinoise.

 

Dezi, le chauffeur

 

Une séquence initiale le montre dans un studio de photographie, posant pour une photographie de mariage, et présentant sa fiancée, originaire du Henan, au photographe. L’image suivante le montre en train de divorcer, d’une autre femme, tandis que l’officier d’état civil, hors écran, lui pose des questions sur lui et son couple.

 

Le film le suit ensuite dans ses pérégrinations quotidiennes. Autant qu’un

flâneur, cependant, il est en fait un romantique impénitent, perdu dans une jungle urbaine où le romantisme n’est plus de mise. Ce flâneur est aussi un observateur de la réalité urbaine, son rétroviseur, en particulier, lui permettant une vision spécifique des représentants du corps social qu’il véhicule, et qui apparaissent sur fond d’immeubles, finis ou en construction.  

 

Dans ce film, la caméra de Ning Ying se disperse, passe d’un quartier à un autre, d’une femme à une autre, comme d’une idée à une autre, au gré des divagations du chauffeur. C’est l’émiettement même de la vie moderne qui est ainsi représentée et illustrée, son incohérence, son désordre, sa futilité. La musique elle-même, aux sonorités occidentales, accentue l’impression de perte de repères culturels dans une ville où chantiers et grues constituent les principaux marqueurs du paysage urbain.

 

Mariage

 

La narration est construite par rencontres successives de Dezi avec quatre femmes. Pourtant, il apparaît comme un individu isolé, dans une ville qui a perdu son identité, et où lui-même ne semble pas vouloir lutter pour tenter d’en conquérir une, se contentant de femmes en matière de conquête et cherchant un amour idéal. Il est l’image du citadin sans prise sur la réalité, pas même un consommateur, un flâneur passif, au service de ses clients, outre un pion que semble manipuler la réalisatrice.

 

Style réaliste

 

Le taxi

 

Ning Ying a accentué le réalisme documentaire qui était déjà caractéristique de ses deux films précédents. Cet a priori réaliste est accentué par la photo du chef opérateur Gao Fei (高飞) qui rappelle le travail de Chantal Ackerman sur la ville, mais aussi par une volonté affirmée de la réalisatrice dans certaines séquences.

 

L’une d’elles, en particulier, filmée dans le night club « Maxim’s », a été sciemment

improvisée. Ning Ying a envoyé des invitations à un grand nombre de membres de la jeunesse branchée pékinoise, sans préciser que c’était dans le but de tourner un film. Le résultat est donc parfaitement naturel (1).

 

Regard masculin

 

Ce qui frappe, cependant, dans cette dernière partie de la trilogie, c’est que la ville est vue par un regard masculin, et que les femmes font partie du paysage, ce qui n’était pas le cas dans les deux films précédents. Elles sont absentes dans « Jouer pour le plaisir » et marginales dans « Ronde de flics à Pékin ».

 

Dans ce second film, le message est clair. La femme d’un policier apparaît 

 

La circulation à Pékin au début du millénaire

trois fois. La première fois, un dimanche, la famille est réunie et la mère raconte à son fils une histoire qu’elle a inventée, où le père est le vieux tigre et le fils le petit tigre, et où le premier est critiqué pour ne pas s’occuper de la maison. La seconde fois, le policier rentre chez lui à une heure très matinale, et sa femme se plaint de son sort, sur quoi elle est brutalement priée de se taire. La troisième fois, le mari raccroche pour prendre un autre appel alors qu’elle vient de l’appeler au commissariat. Elle n’a finalement pas voix au chapitre.

 

Scène du night-club, avec Cui Zi’en jouant son propre rôle

 

« Un taxi à Pékin » poursuit le même discours. Aucune des quatre femmes ne peut espérer se faire une place dans la capitale. L’épouse est confinée au foyer, c’est une propriété comme une autre dans un monde où dominent les rapports de commercialisation. Finalement, le divorce est sa révolte contre sa domestication.

 

Deux autres femmes sont des travailleurs migrants : elles n’ont échappé à la campagne et à la pauvreté que pour se

retrouver, en ville, confinées dans des petits boulots de restauration. Serveuse dans un restaurant, la

petite amie de Dezi finit par se suicider. Quant à la fiancée du Henan, elle cherche une identité urbaine grâce au mariage, alors que le chauffeur de taxi, lui, semble chercher une sécurité dans ce lien avec la ruralité, mais la conclusion ouverte du film laisse irrésolu le résultat de cette double négociation.

 

La seule qui semble émancipée et sure de son statut est une bibliothécaire de l’université que Dezi traque dans sa voiture, et dont l’émancipation se traduit en termes de liberté sexuelle. Mais leur brève rencontre reste sans lendemain.

 

Finalement, ces quatre femmes représentent une vision tronquée, marginale, de la réalité féminine. Cet aspect de la réalité urbaine n’est pas exploré à fond. L’univers de Ning Ying est jusqu’ici un univers masculin.

 

 

 

Femme libérée ?

Elle le complètera par une vision purement féminine dans un autre film, quatre ans plus tard…

 

 

Note

(1) Le seul problème de cette séquence est qu’elle s’est révélée trop longue ; après la première au festival de Rotterdam, des critiques ayant souligné l’effet désastreux d’une scène de plus de vingt minutes qui rompait le rythme du film, NING Ying l’a coupée et le film a été réduit à 79 minutes, contre 99 auparavant, pour sa présentation au festival de Berlin.

 

 

Le film

 

 

 

 

 

 
     
     
     
     
     
     
     
     

 

   

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 



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