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« Crazy Stone » : le grand succès de Ning Hao

par Brigitte Duzan, 16 septembre 2013

 

« Crazy Stone » (《疯狂的石头》) a fait l’effet d’une bombe à sa sortie en 2006. On n’avait rien vu de pareil dans le cinéma chinois, et le réalisateur, Ning Hao (宁浩), qui n’avait même pas trente ans à l’époque, était encore très peu connu.

 

Après un succès écrasant au box office, « Crazy Stone » est devenu en Chine l’emblème de ce qu’il est possible de faire avec un petit budget si l’on a du talent et des idées. Il est dommage que le message se soit perdu dans la fièvre actuelle des grosses productions.

 

« Crazy Stone » n’avait ni réalisateur ni acteurs célèbres pour attirer le public. Ning Hao a misé, en lieu et place, sur des ingrédients bien plus fondamentaux : un scénario astucieux et bien construit, des dialogues pétillants d’humour, un montage élaboré, des originalités techniques et une musique tout aussi originale complétant le tout.

 

Crazy Stone

 

D’abord un bon scénario

 

Ning Hao est avant tout un narrateur. Pour lui, l’élément le plus important d’un film est son scénario, et les siens sont particulièrement élaborés, avec – de manière générale – une intrigue construite sur la base de plusieurs fils narratifs entremêlés et ménageant un suspense de pseudo film policier.

 

Triple ligne narrative

 

Le cadre : les brumes de Chongqing

 

L’intrigue de « Crazy Stone » tourne autour d’un pendentif de jade de grande valeur convoité par une kyrielle de malfrats. L’histoire commence par un événement peu crédible : un directeur d’usine au bord de la faillite dont le terrain est convoité par un promoteur immobilier – évidemment de Hong Kong - trouve dans les décombres d’un appentis qu’il a fait détruire cette pierre d’une valeur inestimable qui pourrait le sauver de la ruine et lui permettre de résister aux pressions du promoteur.

 

Pour effectuer la vente du joyau dans les meilleures conditions, il décide d’organiser une exposition publique, dans un vieux temple transformé en musée. Et pour assurer la protection de la pierre, il embauche Bao Shihong (包世宏), ancien policier devenu ouvrier dans son usine, qui accepte la mission pour empêcher la vente de l’usine et sauver les emplois.

 

Il se retrouve sans le savoir face à deux factions hostiles qui cherchent à s’emparer de

 

Le directeur de l’usine et son fils

la pierre : un trio de voleurs plus incompétents que dangereux, et un homme de main professionnel de Hong Kong engagé par le promoteur. Pour corser les choses, un troisième personnage convoite la pierre, à ses fins personnelles : le fils de l’industriel, fils à papa nymphomane qui veut le bijou pour se payer les faveurs d’une fille dont il est tombé amoureux.

 

Trois anti-héros

 

Le malheureux Bao Shihong ne dispose que d’alarmes de fortune bricolées pour l’occasion et de veilleurs de nuit qui dorment plus qu’ils ne veillent, et chacun des personnages a un trait de caractère loufoque qui en fait un personnage de comédie.

 

L’histoire se déroule ensuite à un rythme endiablé, au gré de divers quiproquos et plans ratés, le travail de Bao Shihong étant en outre compliqué par l’apparition d’une

fausse pierre, substituée, volée, rapportée, changeant de main tellement de fois que l’on ne sait plus au bout du compte ce qu’il va advenir de la vraie… Quant au dénouement final, il est amené par un personnage secondaire de manière totalement inattendue. Et comme cette fin n’est pas drôle en soi, elle est suivi d’une dernière séquence en forme de coda qui est, elle, hilarante à souhait.

 

Triple signature

 

Pour rédiger ce scénario, Ning Hao s’est associé à deux amis, Zhang Cheng (张承) et Yue Xiaojun  (岳小军).

 

Né en 1977 comme Ning Hao, le premier est diplômé de l’Institut d’art dramatique de Pékin et auteur de pièces de théâtre. Le scénario de « Crazy Stone » lui doit certainement une bonne partie des trouvailles comiques dont il est truffé. 

 

Le second est acteur ; il interprète d’ailleurs un rôle dans « Crazy Stone » : il est l’un des trois ‘anti-héros’. Il a participé à l’élaboration du scénario comme il l’a fait aussi pour les films suivants de Ning Hao, « Crazy Racer » et « Guns N’Roses ». Il a également joué dans le film réalisé en 2008 par Zhang Cheng, une comédie : « Marriage Trap » (《婚礼2008).

 

Selon ses propres dires, Ning Hao n’est ni drôle ni comique de nature. C’est donc grâce à son travail avec les deux autres

 

Zhang Cheng

membres du trio, à leurs discussions tard dans la nuit, parfois, que le scénario a été concocté, avec ses quiproquos, ses rencontres fortuites, ses gags et ses dialogues savoureux. On imagine très bien chacun rebondissant à plaisir sur les idées avancées par les autres.

  

Les dialogues, en particulier, ont la saveur de l’authentique, comme pris sur le vif, et c’est l’une des clés de la réussite du film.

 

Dialogues en dialectes

 

Le temple-musée

 

Il y a de plus en plus de films chinois en dialectes locaux, ce qui leur confère une touche de réalisme proche du documentaire. En 2006, c’était beaucoup plus rare.

 

Situant son film dans la ville de Chongqing, Ning Hao en a aussi choisi le dialecte local comme langue du film, mais pas seulement. On y trouve aussi un mélange de dialectes du Henan et de Hong Kong qui contribuent à créer une atmosphère chaotique venant

renforcer l’impression générale née de l’intrigue et de la mise en scène.

 

Les réparties et jeux de mots populaires fusent, on a parfois du mal à suivre, mais les effets comiques sont garantis. Ainsi tout au début du film, quand Bao Shihong perd le contrôle de son véhicule qui va s’écraser contre une BMW garée sur le bord du trottoir, le propriétaire en sort furieux et lui lance : non mais t’as pas vu ? c’est une "BMō Wǒ" ! C’est-à-dire la transcription pinyin de 别摸我, qui signifie "Ne me touche pas")….  (1)

 

la BMW

 

Il est à noter, à cet égard, que le public chinois dans son ensemble, a beaucoup aimé ces dialogues. Seuls les Shanghaïens n’ont apprécié ni les dialectes ni ce genre d’humour, Shanghai est la seule ville de Chine où le film n’a pas eu de succès.

 

Un film esthétiquement et techniquement réussi

 

Bao Shihong et la pierre

 

On est emporté dès les premières séquences dans une série d’évènements au rythme rapide qui posent les prémices de l’action, et des quiproquos ultérieurs. Le rythme est donné, c’est l’élément de base. Tout le reste vient s’y ajouter : des techniques originales, d’excellents acteurs et des clins d’œil multiples à des classiques du répertoire pour souligner, s’il en était encore besoin, qu’il s’agit ici de rire, aux dépens de tout et de n’importe quoi.

 

Split-screen et montage rapide

 

La mise en scène de Ning Hao souligne à chaque scène le caractère chaotique d’une situation qui évolue à toute vitesse sans que personne ne semble pouvoir la maîtriser. Il utilise en particulier la technique du split-screen – rarement utilisée dans le cinéma chinois – pour confronter artificiellement des personnages à des moments critiques.

 

Signé Du Yuan (杜媛), le montage est tout aussi inhabituel, coupant des séquences

 

Un James Bond raté

pour en introduire d’autres, toutes plus déjantées les unes que les autres, créant ainsi le sentiment de folie générale qui s’empare peu à peu du spectateur, mais folie grotesque dont on s’échappe par le rire.

 

Superbe interprétation d’acteurs alors inconnus

 

Un promoteur immobilier parano

 

Les acteurs choisis par Ning Hao étaient alors de brillants inconnus. A aucun n’était donc attaché une image particulière qui en aurait fait l’interprète emblématique d’un rôle-type – ce qu’ils deviendront par la suite, faussant alors le jeu dans les films suivants du réalisateur. Et qui fausse d’ailleurs un peu le jeu quand on regarde le film sept ans après sa sortie, avec l’expérience acquise, et un nom sur chaque visage.

 

 

Chaque acteur est naturellement un inconnu, un raté, un anti-héros, un perdant magnifique. On a l’impression qu’ils s’amusent en jouant autant que nous en les regardant.

 

Principaux personnages et acteurs :

 

Le directeur d’usine                      Chen Zhenghua 陈振华

Son fils Xie Xiaomeng                   Peng Bo 彭波

Bao Shihong 包世宏                       Guo Tao 郭涛               

Le promoteur Feng Dong 冯董        Xu Zheng 徐峥

Le voleur professionnel                 Teddy Lin Chun 连晋

Le trio des petits malfrats :

Dao Ge 道哥        interprété par     Liu Hua 刘桦

Hei Pi 黑皮                                  Huang Bo 黄渤

Xiao Jun 小军                              Yue Xiaojun 岳小军

Ning Hao lui-même interprète le rôle du docteur qui soigne Bao Shihong.

 

Références et clins d’œil

 

Le film joue enfin d’un ton moqueur sur les références à quelques grandes œuvres du répertoire. Ainsi l’une des séquences les plus drôles, celle de la tentative de vol de la pierre par le ‘professionnel de Hong Kong’ interprété par Teddy Lin en homme araignée descendant du plafond tout en noir… pour s’apercevoir que sa corde est trop courte pour atteindre le joyau, est une parodie d’une séquence similaire de la série télévisée américaine « Mission Impossible » … 

 

Clin d’œil à Topkapi

 

Mais, selon son créateur Bruce Geller, « Mission Impossible » lui avait été inspiré par le « Topkapi » de Jules Dassin : on y trouve une séquence identique avec Maximilian Schell descendant au bout d’une corde jusqu’au dessus de la vitrine de verre où est exposée la dague convoitée, ornée … d’émeraudes – un vert pour un autre.

Topkapi (minute 1,17) : www.youtube.com/watch?v=A9BIO6bZxg8

 

L’une des séquences finales de « Crazy Stone », une lutte dans un ascenseur, est un autre clin d’œil : à la fin du célèbre film « Infernal Affairs » (《无间道》) d’Andrew Law (刘伟强) et Alan Mak (麦兆辉), du moins dans le montage fait pour la Chine continentale. On peut noter au passage que l’interprète principal du film est Andy Lau, producteur de « Crazy Stone ».

 

« Crazy Stone » est aussi un jeu de miroirs, un jeu pour l’esprit autant que pour l’œil.

 

Le film, avec sous-titres chinois

 

 

Note

(1) Voir le scénario :

http://chineseprocrastination.files.wordpress.com/2012/03/e5ada6e4b9a0e7bc96e589a7e7b3bbe5

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