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« Le Pinceau magique » : une réussite du cinéma d’animation chinois du début des années 1950

par Brigitte Duzan, 30 juillet 2014

 

« Le Pinceau magique » (神笔马良》) est un film d’animation de vingt minutes réalisé en 1954 par les deux artistes des studios de Shanghai Jin Xi (靳夕) et You Lei (尤磊), et adapté d’un conte éponyme d’un grand spécialiste de la littérature pour enfants de l’époque, Hong Xuntao (洪汛涛).

 

Le conte a été publié en d’innombrables livres illustrés et bandes dessinées, et cette adaptation de 1954 en court métrage  d’animation est le film chinois qui est réputé avoir obtenu le plus grand nombre de récompenses internationales depuis les débuts du cinéma chinois. Il est étonnant pour la

 

Ma Liang, film de 1954

maîtrise dont il témoigne d’une technique d’animation – les poupées animées - liée à l’art chinois traditionnel des spectacles de marionnettes.

 

Le grand classique du stop motion chinois des années 1950

 

Si « Le pinceau magique » est un petit chef d’œuvre qui n’a pas pris une ride encore aujourd’hui, c’est qu’il est aussi remarquable pour l’histoire qu’il nous conte que pour la fluidité des mouvements des poupées qui lui donnent vie.

 

Une histoire du début des années 1950

 

1. L’histoire

 

L’histoire qui nous est contée – « Ma Liang et le pinceau magique - est celle d’un jeune bouvier nommé Ma Liang (马良), dont le plus profond désir est de devenir peintre, mais qui est tellement pauvre qu’il ne peut même pas se payer un pinceau. Il s’exerce donc avec des objets divers, en traçant des dessins dans le sable et sur les rochers, selon la méthode traditionnelle : voir un poisson dessiner un poisson, voir un oiseau dessiner un oiseau (见鱼画鱼,见鸟画鸟). Ses dessins finissent par être aussi vrais que nature.

 

Touché par tant de zèle et de talent, un immortel lui fait don d’un pinceau, mais c’est un pinceau magique qui donne vie aux animaux et objets dessinés. Ma Liang en profite pour aider les pauvres gens autour de lui en leur donnant ce qui leur manque : un mouton pour consoler un enfant, un buffle pour aider un pauvre paysan. Ses exploits attirent l’attention du potentat local, qui le fait venir. Le pinceau, cependant, ne produit pas ses effets habituels quand c’est le peintre officiel qui le manie. Ma Liang est jeté en prison, mais il s’en évade en libérant ses codétenus.

 

Sa fuite le mène jusqu’à une région souffrant d’une terrible sécheresse. Ses dons lui permettent de créer un système de pompage et d’irrigation qui sauve les habitants. Mais son renom le perd : il est retrouvé et ramené au potentat furieux qui lui demande pour se racheter de lui dessiner une montagne d’or, sous peine d’être exécuté. Ma Liang obéit donc, mais dessine d’abord une mer, la montagne apparaissant comme une île dans le loitain. Il dessine ensuite un bateau sur lequel prennent place le potentat et toute sa suite d’officiers corrompus. Une fois qu’ils

 

Ma Liang recevant le pinceau magique de l’immortel

sont au large, il reprend son pinceau pour déchaîner les flots : le bateau sombre dans la tempête et tout le monde disparaît dans la mer en furie.

 

2. Ses thèmes

  

Ma Liang dessinant un buffle pour un pauvre paysan

 

C’est une histoire assez typique du début des années 1950, une sorte de conte moral s’élevant contre les abus et la corruption des autorités locales pressurant le petit peuple réduit à la pauvreté. Ce thème n’est pas fortuit. L’une des premières campagnes politiques du régime maoïste a été la campagne dite « des trois antis », en 1951, suivie l’année suivante de la campagne des « cinq antis » qui en était l’extension (三反五反). Il s’agissait d’épurer la Chine nouvelle des « ennemis d’Etat ».

 

Lancée en Mandchourie, la première campagne visait en particulier les anciens membres du Guomingdang et les bureaucrates, les « trois anti » étant spécifiquement : la corruption (反对贪污), la bureaucratie (反对官僚主义) et le gaspillage (反对浪费). Les deux premiers sont les stigmates des deux personnages « mauvais » du film, exemples types d’officiers corrompus par l’appât du gain (tānguān 贪官).

 

Ma Liang, lui, est sauvé par sa pureté et sa bonté envers les autres – c’est d’ailleurs le sens du second caractère de son nom, liáng ; il y a quelque chose en lui du chevalier redresseur de torts des romans populaires de wuxia, mais il est armé d’un pinceau, trouvaille géniale qui concilie subtilement le wu () et le wen (), le pouvoir des armes et celui des lettres, mais en faisant du wenl’arme par excellence, par le biais de l’écriture qui le symbolise. Il est cependant encore corseté de tradition, ce personnage de Ma Liang, ce n’est pas le Parti qui lui vient en aide, mais un immortel. C’est un précurseur de Lei Feng (雷锋), un Lei Feng qui n’a pas encore connu Mao.

 

Ma Liang dessinant la Montagne d’or

 

Un premier modèle d’animation de poupées en stop motion

 

Jin Xi

 

Le film repose sur uneprouesse technique, surtout dans les conditions de réalisation du début des années 1950. Chaque mouvement est décomposé, la position des poupées de bois légèrement modifiée pour le reconstituer peu à peu, la poupée étant filmée à chacune des modifications, puis le montage en séquence recomposant visuellement le mouvement. C’est pour cette raison que la technique s’appelle « stop motion » ou « stop animation » : une animation image par image.

 

C’est un processus extrêmement subtil et très long, en particulier si l’on veut obtenir la fluidité de mouvements atteinte dans le film, donnant une impression de grand naturel. C’est une technique qui a commencé très tôt, mais qui a évolué lentement et a donné peu de réussites notables dans la première moitié du vingtième siècle. L’animation chinoise de poupées apparaît en avance sur ses concurrentes, les seuls animateurs comparables étant, au même moment, les animateurs tchèques, non seulement, d’ailleurs, pour la

technique, mais aussi pour le fond : un animateur comme Jiří Trnka était un passionné de marionnettes dont il avait lui-même monté une troupe en 1936, et ses premiers films après la guerre sont des adaptations de contes,  Prince Bayaya en 1950 et Les Vieilles Légendes tchèques en 1952.

 

C’est cette tradition du spectacle de marionnettes qui fait aussi la base du travail des animateurs chinois de poupées. Les deux réalisateurs du « Pinceau magique » se complétaient fort bien à cet égard. Jin Xi (靳夕) avait plutôt une formation de peintre, mais avait aussi fait partie d’une troupe de théâtre pendant la guerre, dans l’armée. C’est You Lei (尤磊) qui avait une expérience pratique de marionnettiste, acquise dans une troupe de 1947 à 1950. Il entra alors, comme Jin Xi, dans ce qui était encore la section animation des studios de Shanghai, et il fut engagé comme spécialiste de l’animation de poupées.

 

 

Le petit héros

 

Hong Xuntao jeune

 

« Le Pinceau magique » avait eu un précurseur : le court métrage de poupées animées « Le petit héros »  (《小小英雄》), réalisé par Jin Xi en 1953, sur un scénario qu’il avait lui-même écrit d’après un conte racontant l’histoire d’un enfant qui sauve des animaux du loup. On trouve déjà bien des caractéristiques de Ma Liang dans ce petit héros, sa  bonté naturelle, son attitude chevaleresque, et même son chapeau très particulier ; mais les traits de Ma Liang sont beaucoup plus fins.

 

Le scénario du « Pinceau magique » est, en outre, beaucoup plus élaboré, étant adapté d’un conte d’un grand spécialiste de l’époque de la littérature pour enfants, Hong Xuntao (洪汛涛).

 

 

Adaptation d’un conte célèbre de Hong Xuntao

 

Hong Xuntao est le troisième créateur ayant contribué à la réussite du film. Tout en reflétant les conditions politiques de l’époque, son conte a d’ailleurs eu une longue histoire ultérieure.

 

Hong Xuntao

 

Né en avril 1928 à Pujiang, dans le Zhejiang (浙江浦江),et mort septembre en 2001, Hong Xuntao a développé très jeune des dons pour la peinture, la gravure de sceaux, la calligraphie et la littérature populaire. Pendant

 

Hong Xuntao avec la poupée Ma Liang

 

Hong Xuntao devant la statue de Ma Liang

 

la guerre sino-japonaise, il a enseigné dans un village ;en 1943, ils’est établi à Shanghai et a commencé à publier des contes sous divers pseudonymes. Après la libération de Shanghai, il a travaillé dans une maison d’édition pour enfants et a créé deux magazines delittérature,pour les jeunes enfants etpour les adolescents.

 

« Ma Liang et le pinceau magique» (神笔马良》) est le conte qui l’a rendu célèbre. Il a été publié en 1955, après la sortie du film, dans le magazine Nouvel Observateur (Xin Guancha《新观察》), puis publié aux éditions Fulihuide Shanghai (福利会出版社).

 

L’enfant s’appelait d’abord Feng Liang (冯良), Feng comme l’épouse de Hong Xuntao,  Feng Peixia (冯佩霞).C’est elle-même qui a proposé de le changer pour Ma Liang : « Liáng comme Shànliáng 善良 » a-t-elle dit, c’est-à-dire bon, bon comme un petit héros…

 

Les illustrations du conte

 

Le conte a tout de suite été publié en livre illustré, avec illustrations en noir et blanc de Zhang Guangyu (张光宇).  Il faudra attendre ensuite les années d’ouverture pour voir renaître l’intérêt pour ce conte. Il a alors été illustré par un célèbre auteur de bandes dessinées ou lianhuanhua (连环画) :Yang Yongqing (杨永清) ; il en a publié une superbe première édition en 1985, illustré de sa main sur un texte adapté de celui de Hong Xuntao (1).

 

De nombreuses éditions illustrées ont été publiées par la suite. Une dernière publication du duo

 

Illustrations de Zhang Guangyu

Yang Yongqing / Hong Xuntao est encore parue en juin 2011.

 

Lianhuanhua Yang Yongqing 1985

 

Le film et le conte sont aussi célèbres, la notoriété de l’un soutenant celle de l’autre. Le film a été récompensé par le ministère de la Culture chinois en 1955. En 1956, il a été primé lors de la 8ème édition du Festival international de film d’enfants de Venise, dans la catégorie film pour enfants de huit à douze ans. En fait, il séduit tout le monde, les enfants pour la beauté du conte, les adultes pour la beauté de la réalisation. Et on le regarde toujours avec autant de plaisir.

 

 

 

 

Le Pinceau magique (version originale)

 

 

Note :

(1) Texte et illustrations sont sur le blog suivant :

http://blog.sina.com.cn/s/blog_6415023501019x5u.html

 

 

 

 

 

 
     
     
     
     
     
     
     
     

 

   

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 



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