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« The Hedonists » : 26 minutes d’humour décalé, un nouveau Jia Zhangke

par Brigitte Duzan, 30 août 2016 

 

Après le 40ème festival de Hong Kong en mars 2016 pour ouvrir le ban, le festival de Locarno en août, ceux de Toronto et San Sebastian en septembre, « The Hedonists » (营生) arrive à point pour redonner foi et espoir en Jia Zhangke (贾樟柯), après la déception de « Touch of Sin » (《天注定》) et l’incroyable raté d’« Au-delà des montagnes », ou « Mountains May Depart » (山河故人).

 

Avec le recul, ces deux films pourraient ainsi apparaître comme des œuvres charnières annonçant un changement de registre, des erreurs de débrayage, en quelque sorte, au moment de changer de vitesse. Et, de façon significative, c’est avec un court métrage que le réalisateur semble repartir sur de nouvelles

 

The Hedonists

bases : c’est sa forme privilégiée d’expérimentation depuis ses débuts [1].

 

Un court métrage de la série Beautiful

 

« The Hedonists » (营生) est l’un des quatre films de l’édition 2016 de la série “Beautiful” ("美好")lancée en 2012 par Youku en partenariat avec le Festival international de cinéma de Hong Kong [2]. Au fil du temps, le thème initial a été quelque peu oublié, mais il se retrouve dans la recherche esthétique de chacun de ces films, le court métrage se prêtant à l’expérimentation.

 

Outre le court métrage de Jia Zhangke, l’édition 2016 comportait un film japonais, « Somewhere in Kamakura » de Hideo Nakata, « Dama Wang Who Lives on Happiness Avenue » (《住在幸福大街的王大妈》) d’Alec Su (苏有朋) et « One Day in Our Lives Of… » (《是这样的》) de Stanley Kwan (关锦鹏).

 

« The Hedonists » est certainement l’un des plus réussis, et réjouissants.

 

Un style nouveau

 

Jia Zhangke met en scène un trio de quinquagénaires pleins de peps qui viennent de se faire virer de leur boulot et se lancent à trois sur une moto pour tenter d’en trouver un autre. C’est le sens du titre chinois [3] : 营生 yíngshēng, c’est gagner sa vie,et, dans le langage populaire, c’est aussi le boulot qui vous permet de le faire. A partir de là, le film est une quête hilarante où l’on retrouve un humour à la Zhang Meng (张猛), celui de « Lucky Dog » (《耳朵大,有福》). On est aux antipodes du Jia Zhangke connu et ressassé, surtout que le style colle au propos.

 

Trois copains et une moto

 

Les trois acteurs sur leur moto (de g. à dr. :

Han Sanming, Liang Jindong et Yuan Wenqian)

 

Les Hédonistes sont trois copains dont l’un est cuisinier, l’autre mineur et le troisième garde de nuit de la même mine. Ou du moins c’est que qu’ils étaient car le cuisinier fumait en travaillant, le garde dormait au lieu d’ouvrir l’œil et le mineur était de trop car « il est plus rentable d’importer du charbon que d’en fabriquer ». Ils tentent de se faire engager comme gardes du corps d’un richard local, mais en vain.

 

Ils passent donc un casting pour animer les spectacles d’un parc à thème historique lancé dans le « village de Jia » (on a même un côté

métafiction dans le scénario). On pense à « The World » (《世界》), mais version kitsch. Les trois lurons se retrouvent en costumes de la dynastie Qing arpentant le pavé, l’un d’eux dans le rôle de l’empereur, lançant au bout de quelques pas à son escorte goguenarde : « Huígōng !  (回宫)» - « Rentrons au palais ! »….

 

Jusqu’à ce que l’ex-cuisinier fasse remarquer quelques incongruités dans les détails des costumes, ce qui lui vaudra de se faire bastonner et au trio de se retrouver au chômage…

 

Allégorie humoristique

 

Le film a été tourné à Fenyang, qui prend bien sûr de ce fait un petit côté de microcosme allégorique.  Jia Zhangke subvertit à plaisir la narration habituelle du chômage, dans le genre mélo typiquement chinois, ou tragique comme le fait si bien Ken Loach. On est plus près de Chaplin, mais un Chaplin dont la gestuelle serait rythmée par les percussions de l’opéra chinois.

 

Car la musique est ici fondamentale. Comme dans l’opéra, c’est elle qui donne le rythme, et dès la première séquence, loin des lenteurs appuyées du style docu-fiction habituel au réalisateur.

 

La subversion est d’autant plus drôle que Jia Zhangke a repris deux de ses acteurs habituels : dans le rôle de l’ex-cuisinier et fumeur invétéré, Han Sanming (韩三明), familier dans la filmographie du réalisateur depuis « Platform » (《站台》) et indissociable de « Still Life » (《三峡好人》), et, dans le rôle de l’empereur,Liang Jingdong (梁景东) qui a été non seulement acteur dans « Platform » et « The World », mais aussi, entre autres,directeur artistique de « Xiao Wu » (《小武》)et de « Plaisirs inconnus » (《任逍遙》). Le troisième acteur est un nouveau venu, Yuan Wenqian (原文倩) [4], mais il complète parfaitement le trio. Quant à Jia Zhangke, il interprète lui-même le rôle du nouveau riche en quête de gardes du corps.

 

Les trois compères dans

leur nouveau boulot

 

La force du film tient cependant, pour une part non négligeable, à la formidable photographie, signée Yu Likwai (余力为), avec un côté expérimental dans l’utilisation d’une caméra-drone pour filmer les vues aériennes de Fenyang qui prend donc, par là-même, un air d’autant plus irréel, et allégorique.

 

Et après ?

 

C’est la question que l’on se pose tout de suite. Dans le passé, chez Jia Zhangke, les courts métrages ont surtout été des documentaires, accompagnant les longs métrages et en annonçant le style. Peut-on s’attendre maintenant à un film partageant la même esthétique humoristique et décalée que « The Hedonists » ?

 

Ce serait vraiment un nouveau départ pour le réalisateur, vingt ans après « Xiaoshan Going Home » (《小山回家》) et son réalisme vaguement nihiliste.

 

Trailer du festival de Toronto

 


 


[2] Sur la première édition, "Beautiful 2012" (美好2012”), voir : http://www.chinesemovies.com.fr/films_Tsai_Mingliang_Walker.htm

Les premiers films ont été diffusés sur youku, on ne peut que regretter qu’il n’en soit plus ainsi.

[3] Quant au titre international, il évoque le groupe éponyme de rock alternatif australien, avec un petit clin d’œil, car les musiciens se sont présentés comme trois « ex-philosophes au chômage » en quête d’illumination … Donc évoquant les trois personnages du film avec le même ton humoristique.

 

 

 

 

 

 

 

 
 
     
     
     
     
     
     
     
     

 

   

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 



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