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« Le vieux barbier » de Hasi Chaolu : l’univers des hutongs disparus

par Brigitte Duzan, 7 mars 2008, révisé 22 mai 2020

 

« Le vieux barbier » (剃头匠) est un film de Hasi Chaolu (哈斯朝鲁) qui a été primé au festival de Shanghai en 2006, puis a obtenu le Cyclo d’or au FICA de Vesoul en 2008. Pour tous ceux qui l’ont vu à l’époque, le film évoque aussitôt l’image mythique des vieux hutongs de Pékin, avant qu’ils ne commencent à être systématiquement rasés à partir des Jeux olympiques pour donner de la capitale une image de métropole moderne. Mais les hutongs étaient le cœur de la ville, la mémoire du passé et l’essence d’un art de vivre qui a disparu avec eux.

 

Un univers et un mode de vie

 

Le titre du film, en chinois, est déjà évocateur : tìtóujiàng (剃头匠), c’est « l’artisan qui rase les têtes ». La première séquence est un véritable hommage à cet art subtil du barbier représentatif du mode de vie disparu : le vieux barbier vient de finir de raser l’un de ses

 

Le vieux barbier

vieux clients, pas un poil de la tête n’est épargné, puis il lui a posé sur le visage un linge humide et chaud qui fume sur la peau ; le vieil homme a fermé les yeux, pris par une douce somnolence, et quand il les rouvre une fois tout terminé, il a un grand soupir de béatitude : « 舒服啊 » (shūfú ā), qu’est-ce qu’on est bien ! ».

 

Le film procède ainsi par allusions visuelles, en filmant les objets et les petits gestes de la vie quotidienne comme symboles d’une existence réglée à la minute, par le temps qui passe. Le premier symbole, omniprésent, est cette vieille pendule qui retarde de cinq minutes tous les jours, mais que l’horloger se refuse à réparer de peur de la casser, et dont le tic-tac lancinant rythme les occupations du vieil homme, elles-mêmes soigneusement annotées sur un calendrier où les noms des clients sont entourés d’un cercle fatidique après leur décès.

 

Souvenir d’une vieille marque de savon

 

Car le vieux Jing voit son monde rétrécir de jour en jour, non tant par le développement de la ville moderne que par la mort, tout naturellement. La ville moderne semble très loin, ailleurs, c’est d’ailleurs bien le sentiment que l’on avait quand on se trouvait dans un hutong : même les bruits de la circulation n’arrivaient qu’estompés – et on est bien obligé de mettre ce souvenir au passé. Les contacts, dans le film,

avec cette autre ville sont rares : quand, l’un des vieux clients ayant eu une attaque, son fils l’a emmené chez lui et vient chercher le vieux Jing pour raser son père ; quand le vieil homme téléphone un jour à une agence de pompes funèbres pour savoir comment se passe un enterrement ou quand, ensuite, il veut s’acheter un costume « Mao » neuf, introuvable hormis sur mesure… Il est alors traité et filmé comme un étranger dans la ville, un autre « barbare en Asie ». 

 

Mais on ne sent chez lui aucune nostalgie, aucun regret, pas même un soupçon de discours philosophique ou métaphysique : c’est comme ça, le monde change, aussi inéluctablement que l’on doit un jour mourir. D’ailleurs, le vieux Jing ne cherche même pas à s’opposer aux agents de l’Etat qui viennent recenser les maisons à démolir dans le quartier ; la seule chose qui

 

Le calendrier et la pendule, témoins du temps qui passe

le gêne est que le jeune qui appose la mention « à démolir » sur le mur décrépit de sa vieille maison fait une faute en écrivant le caractère : il écrit (zhé) au lieu de (chāi), ce qui signifie "casser" et non pas "démolir" – une différence de taille dans la tête du vieil homme… et significative dans sa dimension symbolique. 

 

Pour le reste, à son fils qui proteste contre son attitude résignée, il répond que la ville doit avancer, on ne peut rien y trouver à redire. On est loin des discours virulents des défenseurs du vieux Pékin et des droits de leurs vieux habitants.

 

Un rythme lent comme la pendule qui retarde

 

Forcément, le film est conditionné par son sujet : il évolue lentement, au même tempo que celui donné dès le départ par le battement du balancier de la pendule et le frottement régulier de la lame du rasoir que le vieux Jing affûte avant de raser ses clients. Hasi Chaolu nous donne l’image d’un monde feutré qui se meurt tout doucement, au rythme des décès successifs, et non, comme dans la plupart des films sur le sujet, parce qu’on le détruit brutalement. Il n’y a donc pas de discours ouvertement politique, la critique est plus subtile. Venu de Mongolie intérieure, Hasi Chaolu filme avec le regard légèrement distancié d’un ethnologue enregistrant pour la postérité les derniers représentants d’une espèce en voie de disparition.

 

Le cercle des amis

 

Il a fait la connaissance du vieux Jing après avoir vu un documentaire diffusé à la télévision : « Oncle Jing et ses vieux clients ». Son film est à la limite entre le documentaire et la fiction : les personnages sont vrais, le scénario est minime mais les dialogues sont écrits, tout en restant très naturels : ils reprennent en particulier les tics du langage coloré des vieux Pékinois. On sent Hasi Chaolu fasciné par son personnage, dont il fait un héros ordinaire dont la caméra fixe à

jamais les traits – mais un héros fragile, qui, ayant enregistré sur une cassette les cinq cents mots demandés par l’agence des pompes funèbres pour son ode funéraire, laisse ensuite le chat jouer avec la bande, comme si, vraiment, cela n’avait finalement aucune importance.

 

Revoir le film quinze ans après sa sortie est comme feuilleter un album de vieilles photos sépia ; on s’arrête sur telle image ou telle autre, elles évoquent une foule de souvenirs oubliés, et l’on est soudain pris de la nostalgie que ne ressent pas le vieux barbier lui-même, parce qu’il lui manque le recul. En revoyant « Le vieux barbier », on mesure tristement tout ce qu’on a perdu.

 

 

Le Vieux Barbier, VO sous-titrage chinois-anglais

 

 

     

 

 

 

 
     
     
     
     
     
     
     
     

 

   

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 



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