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« Continent » : l’Odyssée de Han Han

par Brigitte Duzan, 18 février 2017

 

En 2000, Han Han rencontre à Shanghai le producteur Fang Li (方励) qui travaillait alors sur la production du film de Li Yu (李玉) « Buddha Mountain » (《观音山》). Fang Li voulait que Han Han écrive une chanson pour le film, ce qu’il a fait [1]. Mais en même temps, il s’est ouvert à Fang Li de son désir de réaliser lui-même un film. Le projet a mis du temps à mûrir, et c’est finalement en mai 2013 qu’il s’est concrétisé, avec Han Han comme réalisateur, Fang Li comme producteur et, pour la commercialisation, le vieil ami de Han Han Lu Jinbo (路金波) [2]

 

Han Han a terminé son scénario en trois mois. Le tournage a commencé le 14 février 2014 et le film est sorti en Chine continentale le 24 juillet 2014, intitulé « Continent » (《后会无期》). Produit par Laurel Films, Guomai Culture and Film, et Bona Film Group, c’est un road movie qui a fait couler beaucoup d’encre.

 

Un scénario de road movie

 

Continent, affiche avec les six acteurs principaux

 

C’est un scénario original, pas une adaptation d’un roman, mais il a la griffe Han Han : l’histoire est celle de trois copains qui ont grandi ensemble et partent pour un voyage qui tient de l’initiatique, mais qui est surtout plutôt chaotique, d’entrée de jeu : ils font exploser leur maison en partant.

 

Jiang He (江河) est un instituteur atypique dans un coin isolé, sur une île de la côte est de la Chine – son nom évoque ironiquement le jianghu (江湖), refuge légendaire des bandits du grand classique « Au bord de l’eau » (水浒传) devenu espace légendaire de rébellion contre l’autorité. Jiang He vient d’être muté à quatre mille kilomètres de là, dans l’extrême ouest du pays, et ses deux meilleurs copains, Hu Sheng (胡生) et Ma Haohan (马浩汉), décident de l’accompagner jusqu’à son nouveau poste. Début du voyage. Hu Sheng disparaît bientôt, mais c’est lui qui a fait office de narrateur pour introduire les deux autres et expliquer leurs plans de voyage.

 

Road movie

 

Le scénario est donc bien construit au départ, mais il se perd un peu ensuite dans les événements et rencontres fortuites, féminines, bien sûr, pour la plupart. On retrouve une narration mieux ficelée vers la fin, qui tourne à la déconfiture, à pied, en plein désert. La promesse de l’ouest se révèle illusoire.

 

L’intérêt tient à l’opposition des caractères et des histoires personnelles de chacun des deux personnages principaux ; c’est elle qui créée la tension narrative, bien plus que le voyage qui n’est qu’un prétexte, comme souvent dans ce genre de film. Mais le poids respectif des personnalités est inégal.

  

D’un milieu modeste, Haohan s’est fait un mythe de l’histoire de son père, un marin mort en mer quand il était enfant. Il a lui-même le caractère d’un marin entre deux ports, rêvant de sa prochaine escale ; le voyage lui détruit ses mythes, et l’optimisme qui était fondé dessus.

 

Jiang He est l’intellectuel, qui, lui, n’a dès le départ aucune illusion. En retrait, passif, même quand il tombe amoureux, il semble n’être là que pour fournir un contraste face à son ami Haohan. Le jeu des acteurs rétablit l’équilibre.

 

Un film « sous influence »

 

Le film se lit comme une série de citations de réalisateurs de référence, dont on sent que Han Han s’est inspiré, mais il est d’abord sauvé par le jeu des acteurs.

 

Des acteurs incarnant parfaitement leurs rôles

 

Si les personnages féminins sont un peu en retrait, comme des épisodes fortuits au cours du voyage, à l’instar de ceux des errances d’Ulysse, les deux personnages principaux sont incarnés par deux acteurs qui en sont les incarnations naturelles : Chen Bolin (陈柏霖), venu quasiment tout droit de « Buddha Mountain », dans le rôle hirsute et distancié de Jiang He, et Feng Shaofang (冯绍峰), venu, lui, de la télévision, et en particulier celle de Hong Kong, mais qui venait de jouer dans le film réalisé par Li Yu après « Buddha Mountain »,

 

Chen Bolin, Feng Shaofeng et Wang Luodan

« Double Exposure » (《二次曝光》). On sent donc la patte de Fang Li dans le choix des acteurs. Mais il est parfaitement adapté aux personnages.

 

Chen Bolin est un Jiang He nature, cheveux longs mal peignés et grommelant plus que parlant, image évoquant irrésistiblement la jeunesse des années 1980, y compris tous ceux qui, à la fin de la décennie, partirent au Tibet à la recherche de leurs rêves, et en revinrent dégrisés dans une Chine à l’économie galopante où ils n’avaient décidément pas leur place.

 

 

Départ explosif

 

 

Quant à Feng Shaofang, son Haohan est à l’image des travailleurs optimistes qui se battent pour survivre, de petits boulots en petits boulots. Son prénom est homonyme de hao han 好汉, évoquant irrésistiblement les héros anonymes et braves gens floués par le sort. La réalité lui échappe, et le voyage finit de lui enlever ses illusions.

 

Il rejoint finalement Jiang He dans une vision plus réaliste des choses, la désillusion étant camouflée sous des dehors humoristiques. Leur parcours s’achève à pied, même leur voiture leur ayant été volée.

 

 

De la ville

 

 

Principaux acteurs :

 

Feng Shaofang 冯绍峰    Ma Haohan 马浩汉

Chen Bolin 陈柏霖          Jiang He 江河

Gao Huayang 高华阳      Hu Sheng 胡生

Wallace Chung 锺汉良    A Lü 阿吕

Joe Chen 陈乔恩           Zhou Mo 周沫

Wang Luodan 王珞丹     Su Mi 苏米

Jia Zhangke 贾樟柯       Third Uncle 三叔

 

Un road movie en rappelant bien d’autres

 

« Continent » n’emporte cependant pas une adhésion totale ; on comprend le propos, mais on le perd en chemin. Le film a même été violemment attaqué pour manquer de substance, jetant sur la route des personnages en quête d’une réponse à leurs questions métaphysiques sans préciser ce qu’elles sont vraiment [3]. Et il faut bien dire que ses personnages féminins accumulent beaucoup de clichés -une prostituée enceinte, un ancien amour qui fait de la figuration – auxquels il faut ajouter le personnage d’un auto-stoppeur philosophant sur la mort (de sa petite amie) [4].

 

 

Au désert, à pied

 

 

Han Han semble avoir fonctionné par « emprunts » à divers autres films, à commencer par des classiques américains comme « Easy Rider », « Thelma and Louise » ou les road trips de Jim Jarmusch [5]. Mais ce sont surtout les références aux films chinois qui construisent littéralement le film, et surtout ceux de Jia Zhangke qui apparaît comme le mentor de Han Han, avec des séquences renvoyant à au moins trois de ses films : « The World » (《世界》), « Still Life » (《三峡好人》) et « Plaisirs inconnus » (《任逍遙》). Et pour que les choses soient bien claires, Jia Zhangke apparaît dans le film dans un rôle de souteneur et de parrain, à prendre donc dans un double sens.

 

Au fil du voyage et de ces « citations », le film perd son élan initial et son homogénéité, mais il est sauvé, in fine, par la photo.

 

Une photographie superbe

 

Car « Continent » a l’une des qualités essentielles des films chinois actuels, même les plus mauvais : une superbe photographie, signée Liao Ni (廖拟), directeur de la photo encore peu connu.

 

 

Road trip

 

  

Il sait à merveille tirer profit des contrastes visuels de paysages entre les cinq lieux de tournage, de plus en plus déserts à mesure que l’on va vers l’ouest et que les personnages perdent leur optimisme et leurs illusions : Shanghai, le Mont Putuo (普陀山) et les îles Dongji (东极岛), dans la préfecture de Zhoushan (舟山市), Xichang (西昌) au sud du Sichuan, et les paysages sablonneux de la région de Chifeng (赤峰) au sud-est de la Mongolie intérieure.

 

« Continent » est un premier essai qui laissait perplexe quant à la suite que pouvait lui donner Han Han. En 2017, son second film n’a pas répondu aux attentes et a plutôt donné raison à ses détracteurs initiaux. Han Han a encore à se définit en tant que réalisateur.

 

Bande annonce 1 (avec le thème musical “Song of Dongji Island”《东极岛之歌》

 

Bande annonce 2

 

Thème du générique final, interprété par Pu Shu 朴树

 

 

A lire en complément

 

Le road movie en Chine

(à venir)

 

 

 

[1] C’est Han Han qui a écrit les paroles de la chanson « Taking Leave » () chantée par Fan Bingbing (范冰冰).

[2] D’abord écrivain phare des jeunes de la littérature internet, Lu Jinbo est devenu au début des années 2000 l’un des principaux éditeurs de cette littérature.

[3] C’est le cas en particulier de Clarence Tsui dans son article pour le Hollywood Reporter (28.07.2014) : « Han's road movieis all artisticposturing but no substance… »

[4] Parmi les clichés peu subtils qui finissent par devenir insupportables est la chanson Que sera sera comme thème musical.

[5] On pense à l’un de ses premiers films, « Stranger than Paradise », qui déroule sur un ton humoristique un voyage de trois jeunes paumés de New York en Floride.

 

 

 

 

 

 

 

 
     
     
     
     
     
     
     
     

 

   

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 



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