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« Le paon » : coup d’envoi, coup de maître de Gu Changwei

par Brigitte Duzan, 16 juin 2012

 

« Le paon » (ou « Peacock »孔雀) est le premier film réalisé par Gu Changwei (顾长卫), jusque là connu comme chef opérateur des grands réalisateurs de la cinquième génération. Sorti au festival de Berlin en février 2005, il a été couronné de l’Ours d’argent/Grand prix du jury.

 

Une histoire de rêves frustrés

 

Le film raconte l’histoire de trois enfants d’une famille pauvre d’une petite ville du Henan, à la fin des années 1970 et dans la première moitié des années 1980, c’est-à-dire au tout début de la période d’ouverture après la mort de Mao. Elle se déroule donc en trois parties, reliées entre elles par une scène récurrente qui montre la famille en train de manger.

 

Le film commence par la sœur cadette, pleine de vitalité et d’entrain, la tête pleine de rêves qu’elle vit comme elle peut : en traînant

 

Le paon (Peacock)

derrière sa bicyclette un immense parachute troué en s’imaginant être la parachutiste qu’elle ne sera jamais, mais qu’elle rêve d’être par amour pour un parachutiste tombé dans un champ, un beau jour d’été.

 

Le frère aîné

 

Le frère aîné, 23/24 ans, a eu, enfant, une maladie qui l’a laissé légèrement retardé mental ; obèse, incapable de mener une vie normale, il est constamment la cible de plaisanteries autour de lui et l’objet des attentions familiales.

 

Quant au petit frère, 17/18 ans, qui est aussi le narrateur, c’est un enfant timide et renfermé, qui a honte de son frère aîné et que son père finit par mettre à la porte. Il reviendra marié, avec une chanteuse plus âgée que lui.

 

Finalement, c’est le frère aîné qui aura le sort le plus heureux, montrant qu’il n’était pas si attardé que l’on pensait et réussissant à monter une petite affaire familiale en surfant sur la vague de la réforme économique : image vaguement ironique de la Chine qui décolle et s’enrichit.

 

Le film durait à l’origine près de quatre heures. Réduit à 144 minutes pour les besoins de l’exploitation en salle, il a souffert des coupes imposées, la dernière partie, en particulier, qui ne fait plus qu’une petite demi-heure. Mais il reste une réussite à tous points de vue.

 

La vie comme elle vient

 

Gu Changwei est ici plus proche des réalisateurs de la sixième génération que de la cinquième. Il a abandonné les grandes fresques symboliques des seconds, auxquelles il a d’ailleurs participé en tant que chef opérateur, et opté pour une approche réaliste de la vie quotidienne telle qu’il l’a lui-même vécue, et donc différente aussi des analyses de l’aliénation du monde moderne type Jia Zhangke.

 

Cette réalité quotidienne est aussi celle qu’a vécue le scénariste lui-même, Li Qiang (李樯) (1), qui a situé l’histoire dans son Henan natal, au nord de la province, exactement, dans le district d’Anyang (河南安阳).

 

Gu Changwei a expliqué qu’il voulait « laisser la vie se dérouler aussi naturellement que possible », privilégiant pour cela une structure en plans séquences pour coller le plus possible à la vie de ses personnages, des personnages qu’il a voulus ordinaires, « comme des milliers d’autres au même moment ».

 

Zhang Jingchu dans « Le paon »

 

Les deux cadets (Zhang Jingchu et Lü Yulai)

 

Mais ce sont des personnages qui ont des rêves, qui vivent, adolescents, de ces rêves, jusqu’à ce qu’ils se fracassent sur la réalité quotidienne de l’âge adulte. Le seul qui réussit à sortir de la misère ambiante est celui, justement, qui n’en avait pas, mais dont l’esprit pratique lui permet de créer une petite affaire à la mesure de ses ambitions très pragmatiques. Gu Changwei dresse un portrait lucide de sa génération, en semblant remiser le rêve au rayon des accessoires périmés.

 

Ce n’est cependant qu’une apparence. Le message du film, comme du scénario, est que « nombreux sont ceux qui tentent de réaliser leurs idéaux mais sont frustrés par la réalité. … Ils ne peuvent échapper aux contraintes exercées par la médiocrité de leur vie ; néanmoins, leur existence tranquille, mais tenace, est aussi digne de respect que celle de ceux qui ont accompli des faits héroïques. »

 

La dernière séquence est à lire dans cette optique ; elle retrouve un ton symbolique pour achever le film en soulignant l’importance des aspirations à un monde meilleur et de la quête de la beauté dissimulée en toute chose : c’est le sens de l’image finale d’un paon révélant in fine les trésors colorés de sa queue, qu’il tenait obstinément cachés aux yeux de ses spectateurs. On retrouvera cette idée comme thème principal du film suivant, « Lichun » (《立春》).

 

L’image d’un rêve

 

Il est synthétisé dans la chanson qui est le thème musical du film (3) :

         心比天高,命比纸薄,千金之身落了雀巢

         L’esprit vole plus haut que le ciel, le destin est plus fin qu’une feuille de papier,

         Tout l’or de l’existence est contenu dans un nid de moineaux.

 

Gu Changwei se révèle ici réalisateur plein d’humanité. « Sous les pavés la plage », disait le célèbre graffiti de 1968. C’est un peu cela, chez Gu Changwei : la vie ordinaire semble banale, mais la vie, en elle-même, est formidable. Et ce thème-là structure toute son œuvre, dont son court métrage de 2012 : « Long Tou » (《龙头》). 

 

Un mot sur les acteurs et la photo

 

Les acteurs

 

L’autre image d’un rêve

 

Le scénariste Li Qiang

 

Avec ce film, Gu Changwei s’est montré remarquable directeur d’acteurs : acteurs déjà accomplis comme Huang Meiying (黄梅莹), grande actrice des années 1980, interprétant la mère avec une sensibilité retenue, ou acteurs nouveaux comme Feng Li (冯瓅) dans le rôle du frère aîné.

 

Mais « Le paon » a aussi révélé deux acteurs formés à l’Institut d’art dramatique, qui feront ensuite une brillante carrière : Zhang Jingchu (张静初) dans le rôle de la sœur et Lü Yulai (吕玉来) dans celui du petit frère. On a vu la première

récemment dans « Aftershock » (《唐山大地震》) de Feng Xiaogang (冯小刚), et le second est devenu populaire grâce à son rôle suivant, dans « Le dernier voyage du juge Feng » (《马背上的法庭》), en  2006.

 

Le chef opérateur

 

Il faut enfin souligner le travail fait sur la photo, nimbée dans les brumes du souvenir, en parfaite symbiose avec l’univers de Gu Changwei et de son scénariste. Elle est signée Yang Shu (杨述), chef opérateur peu prolixe, né en 1963, qui, avant « Le paon », avait signé en 1997 la photo du second film de Wang Xiaoshuai (王小帅), « Frozen » (《极度寒冷》).

 

 

Le film (partie A)

 

 

Le film (partie B)

 

 

Le film (partie C)

 

 

Le film (partie D)

 

 

Le film (partie E)

 

 

Le film (partie F)

 

 

Notes

(1) Sorti de l’institut d’art dramatique en 1992, Li Qiang (李樯) est devenu scénariste professionnel en 1995. Il a écrit pour le théâtre et la télévision avant de se consacrer aux  scénarios de cinéma. Il a mis sept ans à peaufiner le scénario du « Paon » ; il a ensuite également été le scénariste du second film de Gu Changwei, « Lichun » (《立春》), mais aussi du film de 2007 d’Ann Hui (许鞍华), « The Postmodern Life of my Aunt » (《姨妈的后现代生活》).Interviewé sur Phoenix TV, il a expliqué son style en une phrase : la réalité est impitoyable, je n’y peux rien (现实是残酷的,我不会慰安). Mais les gens simples qui ne laissent aucune trace dans l'histoire sont les gens avec qui il sympathise… et avec lesquels sympathise Gu Changwei.

Interview : http://www.china.com.cn/chinese/CU-c/1247549.htm

(2) La musique du « Paon » est signée Peng Dou, qui a également signé celle de « Together » (《在一起》), le documentaire de Zhao Liang (赵亮)  qui est l’œuvre « jumelle » du troisième film de Gu Changwei « Love for Life » (《最爱》).

La chanson du « Paon » débute comme une paraphrase du Hongloumeng (Le rêve dans le pavillon rouge)

 

 

 

 

 

 
     
     
     
     
     
     
     
     

 

   

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 



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