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Yuen Woo-ping 袁和平

Présentation

par Brigitte Duzan, 17 novembre 2015 

 

S’il est aussi réalisateur (avec 25 films réalisés entre 1978 et 2015) et a joué dans une centaine de films, Yuen Woo-ping est surtout l’un des plus grands chorégraphes de films d’action aujourd’hui, au niveau mondial.

 

Il a contribué à revitaliser les films d’arts martiaux à Hong Kong dans les années 1980, d’abord en y introduisant des éléments de comédie [1], puis en révolutionnant la chorégraphie des scènes de combat, mais il n’est pas l’un de ceux qui ont véritablement redéfini le genre comme Tsui Hark ou Patrick Tam. Il ne fait pas partie des cinéastes de la Nouvelle Vague et n’est pas un « auteur » au sens strict du terme.

 

Cinéaste formé en studio, comme Sammo Hung et Corey Yuen, il reste essentiellement un formidable maître chorégraphe qui a su apporter une nouvelle dimension aux scènes d’action et leur insuffler une telle vie que ses combattants semblent défier les lois de la pesanteur. C’est cet art unique qui en a fait une

 

Yuen Woo-ping

célébrité internationale, et lui a valu d’être recherché à la toute fin des années 1990 et au début des années 2000 par les grands réalisateurs américains comme les frères Wachowski ou Quentin Tarantino.

 

Le clan des Yuen

 

Toute présentation de Yuen Woo-ping doit commencer par son père, Yuen Siu-tien (袁小田), dont il est le fils aîné, né le 1er janvier 1945 à Canton.

 

Fils de …

 

Yuen Siu-tien dans un de ses rôles

les plus célèbres, le mendiant Su

 

Yuen Siu-tien est un acteur, né en 1912, qui a été formé dans la tradition de l’opéra de Pékin, dans les rôles martiaux de wusheng (武生). Il n’est venu au cinéma qu’à l’âge de trente-sept ans, dans le premier film de la série des Wong Fei-hung : « The Story of Huang Fei-hung » (《黄飞鸿传》) réalisé par Hu Peng (胡鹏) en 1949. Ce n’est cependant qu’à la fin des années 1950 qu’il est apparu régulièrement sur les écrans, jusqu’à tourner plusieurs films par an et en totaliser près de 150 pour l’ensemble de sa carrière à sa mort, en janvier 1979.

 

On le connaît surtout comme interprète de personnages populaires, un peu frustres et hirsutes, mais il a eu une influence non négligeable en son temps, au-delà de ses rôles.

 

A l’origine, en effet, il était en fait acteur d’opéra de Pékin, à Pékin et à Shanghai. Or, dans les années 1930, l’opéra cantonais évolua sous diverses influences. Des acteurs du

nord furent en particulier appelés pour développer les scènes de combatet former des acteurs, et c’est dans ce contextequ’un important  producteur d’opéra cantonais fit venir Yuen Siu-tien à Hong Kong avec un groupe d’autres acteurs. 

 

Il était donc à pied d’œuvre quand le cinéma de Hong Kong commença également à structurer les scènes de combat, en inventant la chorégraphie ; Yuen Siu-tien en a donc été l’un des créateurs. S’il a joué dans les Wong Fei-hung, il en a aussi réglé la chorégraphie ; plus que pour ses interprétations, c’est surtout en cela qu’il a apporté une contribution importante au cinéma d’arts martiaux de Hong Kong.

 

Un clan, une esthétique

 

C’est cette tradition de combat opératique « du nord » qu’il a transmise à ses fils, et son aîné en premier. Yuen Woo-ping a été formé par son père dans cette tradition, mais il a aussi étudié pendant un an à la célèbre école d’opéra de Hong Kong dirigée par Yu Jim-yuen (于占元), maître de beiquan (北拳) qui 

 

Yu Jim-yuen

a formé Sammo Hung (洪金宝), Corey Yuen (元奎), Yuen Biao (元彪), Jacky Chan et autres. C’est là que

 

Les cinq frères vers 1980, de g. à dr.:
Yuen Yat-chor 袁日初、Yuen Chun-yeung 袁振洋、Yuen Woo-ping 袁和平、

Yuen Shun-yee 袁信义 et Yuen Cheung-yan 袁祥仁

 

Yuen Woo-ping les a rencontrés initialement. Ils seront les principaux interprètes de ses films.

 

Mais Yuen Siu-tien a eu onze enfants, et cinqfrères de Yuen Woo-ping sont aussi devenus acteurs et/ou chorégraphes d’action. Leur père les emmenait avec lui sur ses tournages, et ils ont appris sur le tas, en commençant par des rôles de cascadeurs.

 

Trois frères à la fois acteurs et chorégraphes :

Yuen Cheung-yan 袁祥仁

Yuen Shun-yee (Sunny Yuen) 袁信义

Yuen Chun-yeung (Brandy Yuen) 袁振洋

Deux frères acteurs

Yuen Yat-chor 袁日初 et Yuen Lung-kui 袁龙驹

 

Yuen Woo-ping a fait jouer ses frères dans ses films, avec son père, en gardant toujours comme principe de base celui qui lui avait été inculqué : que le style de combat, dans un film, doit être réaliste pour donner le sentiment d’un vrai combat et être visuellement réussi, avec pour corollaire que la position de la caméra, les angles de prise de vue, l’alchimie entre les personnages au combat, tous les détails qui font la qualité d’une scène ne peuvent être appris, mais tirés de l’expérience et de l’observation.

 

Réalisateur

 

1978 : débuts et premiers succès

 

Yuen Woo-ping a débuté comme chorégraphe de scènes d’action. Il a travaillé en 1970 sur les scènes du film de Jimmy Wang Yu (王羽) « The Chinese Boxer » (《剑胆》), dont Ng See-yuen (吴思远) était l’assistant réalisateur. Quand celui-ci a réalisé son premier film, « Mad Killer » (《疯狂杀手》) en 1971, Yuen Woo-ping a réglé les scènes de combat. Il a ensuite travaillé sur les films de Ng See-yuen pendant six ans.

 

En 1975, Ng See-yuen a fondé la société de production Seasonal Films, et c’est cette société qui a produit les deux premiers films réalisés par Yuen Woo-ping, en 1978.

 

C’est en effet cette année-là qu’il commence sa carrière de réalisateur, avec « Snake in the Eagle's Shadow » (《蛇形刁手》), aussitôt suivi, la même année, de « Drunken Master » (《醉拳》) : grands succès faits sur le même moule qui le rendent célèbre et lancent le jeune Jackie Chan.

 

Les deux films sont liés. « Snake in the Eagle's Shadow » a amorcé le style, mais c’est « Drunken Master » qui est le film fondateur, de films de kung-fu d’un nouveau genre [2]. Yuen Woo-ping y met son père en vedette dans le rôle du mendiant Su (苏乞儿), un vieil ermite qui a perfectionné l’art du combat

 

Snake in the Eagle’s Shadow

(le style de l’aigle)

 

Drunken Master

en état d’ivresse et qui vient en aide au jeune Wong Fei-hung, interprété par Jackie Chan comme une sorte de garnement malicieux opposé à un vénérable maître d’arts martiaux interprété par Kwan Tak-hing (关德兴).

 

Drunken Master, trailer

 

Drunke Master 2

 

Yuen Woo-ping voulait se libérer des codes et clichés qui stérilisaient les films de kung-fu ; il l’a fait en en faisant des comédies fondées sur des caractères originaux. Il lui fallait pour cela innover dans le type d’acteur et leur interprétation. Il choisit Jackie Chan parce qu’il le connaissait, et le succès du film fit la célébrité de l’acteur, mais en l’enfermant dans un type de rôle tirant sur le burlesque dont il ne sortira plus jamais, au point de se confondre avec sa personne.

 

Son père reprendra le rôle du mendiant Su dans trois films sortis en 1979 qui sont des variations sur le même thème, capitalisant sur le succès du premier : un autre de Yuen Woo-ping, « Dance of the Drunk Mantis » (《南北醉拳》), un coréalisé par Wei Hai-feng et Hu Peng (魏海峰 / 胡鹏), « Story of Drunken Master » (《醉侠苏乞儿》), plus un troisième, « World of The Drunken Master » (《酒仙十八跌》), où le rôle n’apparaît cependant qu’en caméo.

 

Le succès a non seulement lancé Yuen Woo-ping et Jacky Chan, mais aussi une vogue de films d’arts martiaux comiques du même genre dont la popularité n’a pas cessé, tout enpermettant au passage à la société de production Seasonal Films de devenir une importante compagnie indépendante.

 

Après Jacky Chan… Donnie Yen

 

Magnificent Butcher

 

Dreadnaught

 

Le film de kungfu tel qu’il s’est développé à Hong Kong dans les années 1970, et surtout après 1975, relève d’un cinéma fondé sur des valeurs essentiellement masculines, et violentes, que l’on retrouve dans une sorte d’état sublimé dans les films de Zhang Che/Chang Cheh (张彻). Et ce à l’encontre de la tradition féminine du wuxia défendue par King Hu, entre autres.

 

Yuen Woo-ping s’inscrit dans ce mouvement, avec des films donnant la vedette à un acteur, et fondés sur un style d’art martial qui lui correspond. Après le succès de « Drunken Master », il poursuit en

travaillant avec Sammo Hung (洪金宝) dans « Magnificent Butcher » (《林世荣》) en 1979 et avec Yuen Biao (元彪) dans « Dreadnaught » (《勇者无惧》) en 1981.

 

The Magnificent Butcher

 

En 1982, il réalise une comédie kungfu dans un genre totalement loufoque, oùil fait jouer son père et trois de sesfrères : « The Miracle Fighters » (《奇门遁甲》). Il enchaîne avec un premier film sur Huo Yuanjia, « Legend of a Fighter » (《霍元甲》), écrit et produit par Ng See-yuen, qui inspirera le film de 2006 réalisé sur le même personnage par Ronny Yu (于仁泰)Puis il revient à des variations sur le thème de « Drunken Master », avec « Shaolin Drunkard » (《天师撞邪》) en 1983, puis « Drunken Taichi » (《笑太极》) en 1984.

 


Legend of a Fighter

 

Ce dernier film est celui qui lance l’acteur Donnie Yen (甄子丹) avec qui le réalisateur a signé un contrat pour quatre films après l’avoir sélectionné lors d’un concours de jeunes talents. C’est aussi le dernier film du genre drunken kungfu réalisé par Yuen Woo-ping. Dans le reste de la décennie, il fait des films de kungfu contemporains, moins intéressants, avant de revenir à un style plus traditionnel au début des années 1990 ; il signe une série de succès en 1993 et 1994.

 

…Jet Li et Michelle Yeoh

 

En 1993, il retrouve d’abord Donnie Yen pour « Iron Monkey » (《少年黄飞鸿之铁马骝》), film qui revient sur le sujet inépuisable de Wong Fei-hung, et en l’occurrence sur sa jeunesse. Mais son grand succès, la même année, est un film où la chorégraphie mais aussi tous les détails techniques et l’interprétation sont excellents, avec en outre un bon scénario: « Tai Chi Master » (《太极张三丰》).

 

Iron Monkey

 

Tai-chi Master

 

Contant l’histoire légendaire du maître de taiqiquan Zhang Sanfeng (张三丰), le film a nécessité trois mois de tournage, à Pékin. Il a fallu un mois pour tourner les seules scènes de combat finales. Le film se distingue dans la production hongkongaise de la période par les angles de prises de vue, la stylisation et tout particulièrement l’utilisation du ralenti, en parfait accord avec les mouvements lents et aériens de taiqi.

 

Outre la qualité de la technique, le film est remarquable aussi pour ses interprètes. Jet Li (李连杰) y trouve son premier grand rôle, mais cette fois, aux côtés d’une interprète féminine qui a un rôle aussi important que le sien, et c’est Michelle Yeoh (杨紫琼).

 

 

Taichi Master, trailer

 

On la retrouve en 1994, dans le film suivant de Yuen Woo-ping, pour interpréter le rôle principal dans « Wing Chun » (《咏春》), aux côtés de Donnie Yen, et de Cheng Peipei (郑佩佩) dans le rôle de la nonne Wu Mei (五枚师太), maîtresse légendaire d’art martiaux qui enseigna son art à la jeune Yim Wingchun ( 严咏春). Yuen Woo-ping revient là vers la tradition du wuxia, et de ses grands personnages féminins.

 

Wing Chun (version mandarin)

 

Mais, en 1994 aussi, il signe la chorégraphie de « Fist of Legend » (《精武英雄》), un remake par Gordon Chan, produit et interprété par Jet Li, de « Fist of Fury » (精武门), le grand succès de Bruce Lee sorti en 1972. Le film reprend l’histoire de Huo Yuanjia, après sa mort. Il a, au niveau du cinéma, moins d’intérêt que les deux films précédents, mais il attire l’attention des frères Wachowski : c’est le début d’une autre aventure pour Yuen Woo-ping.

 

Chorégraphe pour d’autres

 

L’aventure américaine

 

Yuan Woo-ping est contracté pour devenir le chorégraphe du film « The Matrix » dont les deux frères viennent de présenter le scénario à  leur producteur. La collaboration est un succès : Yuen Woo-ping adapte les arts martiaux chinois

 

Fist of Legend, affiche pour Hong Kong

 

Kill Bill

 

à un film de science-fiction américain, mais forme aussi les acteurs, dont Keanu Reaves, Laurence Fishburne et Carrie-Anne Moss. Sorti en 1999, « The Matrix » est considéré comme l’un des films de genre le plus important de la période, et Yuen Woo-ping y a sa part.  

 

Il travaille ensuite sur la chorégraphie des scènes d’action des deux séquelles, mais aussi sur celle de « Kill Bill » de Quentin Tarentino, et là il retrouve un rôle féminin de premier plan, interprété par Uma Thurman, dans un véritable film d’arts martiaux, américain, finalement sorti en deux parties, en 2003 et 2004. Une histoire de vengeance, comme dans la plus vieille tradition du wuxia

 

 

Kill Bill, Trailer

 

Tigre et Dragon 

 

Entre temps, il a signé la chorégraphie des scènes de combat de « Tigre et Dragon » (《卧虎藏龙》), qui comporte les plus belles scènes de combat de sa carrière, et des scènes d’anthologie : la scène dans la forêt de bambous, bien sûr, mais surtout celle qui oppose les deux femmes, interprétées par Michelle Yeoh et Zhang Ziyi.

 

Il a expliqué lors de nombreuses interviews qu’il procède d’abord à un travail d’adaptation de ses chorégraphies au scénario et au caractère des personnages, et va jusqu’à inventer des styles d’arts martiaux, comme dans « True Legend ».

 

« Tigre et dragon » est un exemple-type de son travail sur le choix d’une chorégraphie adaptée aux personnages. Il y a plusieurs styles d’arts martiaux dans le film, certain plus « poétiques », moins réalistes, que d’autres (comme dans la scène du combat dans la forêt de bambous), mais chacun choisi dans un but particulier. La séquence déterminante du combat entre les deux femmes est l’une des plus belles réussites de combat dans un film de wuxia, chorégraphié comme un véritable ballet, avec très peu d’effets de fils - ils ne sont utilisés que pour donner de la légèreté au combat.

 

Pour une scène aussi longue (5’35) elle n’est jamais pesante car d’une inventivité constamment renouvelée. Yuen Woo-piing atteint là un sommet de son art.

 

Tigre et dragon, scène du duel

 

Après 2003, il renoue avec des films plus traditionnels, comme « Kung Fu Hustle » (《功夫》), de et avec Stephen Chow, en 2004, ou, en 2006, le filminspiré de son propre film sur Huo Yuanjia : « Fearless » (霍元甲) de Ronny Yu (于仁泰), avec Jet Li. Comme une sorte de flash-back, ou de clin d’œil aux années 1980.

 

En 2008, il signe encore la chorégraphie des scènes de combat de « The Forbidden Kingdom », un film américain sur un scénario très faible, mais où il retrouve ses vieux amis Jackie Chan et Jet Li. Puis revient à la réalisation après être resté quinze ans sans toucher une caméra, depuis 1996 exactement.

 

Retour à la réalisation

 

En 2010, il revient à un style traditionnel de films d’arts martiaux avec « True Legend » (苏乞儿), mais c’est en outre un hommage déguisé à son père, décédé en 1979. Le film revient en effet vers le premier rôle que son père a interprété dans un de ses films : la légende dont il est question est celle du mendiant Su, comme l’indique le titre chinois.

 

Le film est interprété par une pléiade de vedettes, Vincent Zhao, Zhou Xun, Jay Chou, Michelle Yeoh, etc… Il n’a pourtant pas été un succès commercial. Les temps ont décidément changé, et ce genre de film a du mal à trouver son public.

 

Pourtant, Yuen Woo-ping a poursuivi, en 2015, avec une séquelle de « Tigre et dragon », avec Donnie Yen à la place de Chow Yun-fat, et sans Zhang Ziyi…

 

Il annonce pour 2017 un remake de « The Miracle Fighters » (《奇门遁甲》), coécrit et produit par Tsui Hark. …

 

 

 


 


[1] Sans qu’il ait rien inventé : si les films d’art martiaux étaient très populaires,la comédie était encore dans les années 1970 le genre majeur du cinéma de Hong Kong, et d’autres cinéastes avant Yuen Woo-ping avaient fait de leurs héros martiaux des personnages de comédies, ou mieux, des chou () sur un mode opératique. C’est Sammo Hung - et non Jacky Chan - qui a le premier incarné un héros comique de kungfu, dans « The Iron-Fisted Monk » en 1977, puis dans deux autres films sortis en 1978. Mais, si l’idée était dans l’air, c’est Yuen Woo-ping qui, cette même année 1978, a réussi à créer des personnages tellement emblématiques qu’ils sont lancé une vogue et sont restés comme personnages-types de ce nouveau genre de films de kung-fu.

 

Kungfu Hustle

 

Fearless

 

True Legend

[2] Jackie Chan en en systématisera le style dans le remake réalisé en 1994 par Lau Kar-leung (刘家良) – « Drunken Master 2 ».

 

 

 

 

 

 
 
     
     
     
     
     
     
     
     

 

   

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 



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