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Shu Haolun 舒浩仑

Présentation

par Brigitte Duzan, 11 novembre 2011, actualisé 29 mars 2014

 

Shanghaien diplômé en études cinématographiques de l’université de l’Illinois, Shu Haolun (舒浩仑 ) a fondé, en rentrant à Shanghai, une société indépendante, « Film Spirit productions », pour produire ses films. « N°89 Shimen Road » (黑白照片), qui vient d’être primé au festival du cinéma indépendant de Nankin, est son troisième long métrage, un premier long métrage de fiction après un court métrage et deux documentaires qui ont tous été remarqués et primés dans les grands festivals internationaux, Pusan, Rotterdam, Reel China, Fribourg, pour n’en citer que quelques uns.

 

Chine-USA, aller retour

 

Shu Haolun est né et a grandi à Shanghai. En 1994, il est sorti de l’Université de science et technologie de Chine de l’Est (华东工业大学) ; il voulut alors étudier le cinéma à l’Académie du cinéma de Pékin, mais rata le concours d’entrée. Il décida donc de partir aux Etats-Unis. Il prit des

 

Shu Haolun primé au festival du

cinéma indépendant à Nankin

cours d’anglais et, en 1998, entra à la Southern Illinois University.

 

 

La jetée de Chris Marker

 

Ayant eu quelques problèmes dans l’obtention de son visa, il arriva après la semaine d’orientation de l’université, et, comme il n’avait pas d’idées préconçues sur ce qu’il voulait faire, son conseiller pédagogique l’inscrivit d’office aux cours sur le documentaire.

 

Une partie du programme concernait l’histoire du documentaire de la fin des années 1960 à la fin des années 1990. Il découvrit les œuvres marquantes de la période, en particulier celles des Français : « Nuit et brouillard » d’Alain Resnais (1955) ou « La jetée », premier film de Chris Marker (1962), un court métrage expérimental constitué d’un montage de photographies en noir et blanc commentées par un narrateur. C’est un film aujourd’hui mythique dont on retrouve l’influence dans les films de Shu Haolun, du point de

vue stylistique, mais aussi dans l’inspiration narrative, découlant de l’argument du film de Marker : « Ceci est l'histoire d'un homme marqué par un souvenir d'enfance ».

 

Mais l’un des documentaires plus récents qui le frappa particulièrement est un film de 1990 de Barbara Kopple, « American Dream », qui fut couronné d’un Academy Award en 1991. Faisant suite à un documentaire sur une grève de mineurs du Kentucky, il raconte, dans un style dérivé du cinéma vérité des années 1960, l’histoire d’une grève dans une usine de conditionnement de viande du Minnesota déclenchée pour protester contre la baisse des salaires décidée alors que la société venait de faire des bénéfices record. Mais c’était en 1985, au sortir d’une grave crise économique, dans un contexte d’inflation persistante qui rendait la situation de la société fragile. La société eut gain de cause et des centaines de travailleurs furent licenciés.

 

Le documentaire est un montage d’interviews live et de documents d’archive, presse et autres. Là encore, l’influence

 

American Dream de Barbara Kopple

sur Shu Haolun est double : stylistique d’abord, mais aussi thématique. On retrouve la même préoccupation pour la misère de la condition ouvrière dans le monde libéral moderne dans son premier documentaire.

 

Son projet de fin d’étude, un film de fiction, n’ayant pas été accepté par le conseil pédagogique de l’université qui trouvait qu’il manquait de réalisme, après une période d’hésitation, Shu Haolun décida de rentrer en Chine.

 

Struggle
 

C’est donc en Chine qu’il a tourné – et produit  – tous ses films. Son premier documentaire, de 50 minutes, sorti en 2002, a bénéficié de l’aide de deux fonds européens, l’un en Suisse, l’autre aux Pays Bas. Intitulé « Struggle » (挣扎), il semble directement inspiré par l’œuvre de Kopple, et en particulier par cet « American Dream » qui l’a tellement marqué.

 

On peut comprendre la fascination d’un jeune Chinois devant un documentaire qui dénonçait une situation dont l’exact parallèle existait en Chine, à quelques transpositions près, témoin cet article du journal d’Austin (Austin Chronicle) à la sortie du film :

« .. le documentaire de Kopple… dénonce le coût humain de la Reaganomics… « American Dream » cherche à déterminer comment cette tragédie humaine a pu arriver – tout particulièrement dans une société comme Hormel, réputée pour être progressiste. Il y a

 

Struggle

quelques décennies, elle fut l’une des premières à accorder à ses employés des salaires garantis et des plans de participation aux bénéfices. Des familles entières sur plusieurs générations ont travaillé dans l’usine, en s’enorgueillissant des produits et relations de travail. La réponse à la question posée par le film est dans la Reaganomics, et [les réflexes d’individualisme égocentrique qui y sont liés] ….

 

Struggle, une photo

 

« Struggle » est cependant un film très personnel. Situé dans la ville symbole du miracle économique chinois, Shenzhen, il a pour thème principal les activités d’un ancien ouvrier devenu avocat, qui fournit refuge et assistance juridique gratuite à des ouvriers d’entreprises de construction victimes d’accidents du travail qui les ont laissés handicapés.

 

C’est le prétexte à explorer la réalité peu amène des « sweatshops » d’une ville qui attire chaque année des milliers de travailleurs migrants attirés là

par la perspective illusoire d’un travail rémunérateur et de rêves de prospérité non moins illusoires ; ils se retrouvent en fait à travailler dans des conditions dangereuses, sans réglementation pour les protéger.

 

« Struggle » raconte l’histoire de trois ouvriers qui ont perdu leurs mains à travailler dans des conditions de sécurité hasardeuses menant à l’accident. C’est aussi l’histoire du début d’une lutte juridique pour faire reconnaître les droits à compensation des victimes et la nécessité d’améliorer les règlements de sécurité – lutte dont a vu depuis lors  les premiers aboutissements concrets, avec l’apparition d’un embryon de mouvement ouvrier (1).

 

« Struggle » n’est cependant pas un documentaire à froid. Il exprime une empathie profonde avec les travailleurs dépeints et leur avocat. En tournant son film, Shu Haolun les a approchés de près ; ils ont commencé par l’appeler « journaliste » (舒记者) puis l’ont adopté, en l’appelant « petit Shu » (小舒). Leur histoire l’a d’autant plus profondément touché que ce sont des jeunes qui, pour beaucoup, ont dû arrêter leurs études faute de pouvoir les payer ; ils sont donc doublement victimes, et d’abord de l’injustice sociale. Il y a du Zola chez Shu Haolun.

 

 

Bande annonce

 

De Nostalgia à Shimen Road

 

« Struggle » a obtenu le prix du meilleur documentaire au festival de Fribourg et a tout de suite fait connaître son auteur. Ses films suivants sont différents, mais traitent également des conséquences sociales désastreuses d’une  modernisation anarchique. Shu Haolun y revient sur la Shanghai de son enfance, une ville en voie de disparition. On en revient à Chris Marker, en le paraphrasant : « Ceci est l'histoire d'un homme marqué par ses souvenirs d'enfance ».

 

1. Cette histoire lui a d’abord inspiré le documentaire « Nostalgia » (《乡愁》), en 2006, dans lequel il explore et retrace la culture de l’un des plus vieux quartiers de Shanghai, celui où a vécu sa famille depuis trois générations. C’est la peinture d’une communauté urbaine en voie de destruction, avec le mode de vie qui était le sien et qui n’a désormais plus cours dans une ville vouée aux immeubles modernes et aux centre commerciaux luxueux. Mais, là aussi,

 

Nostalgia, présenté avec

le court métrage Young Blood

le documentaire est personnel : il est construit autour de l’histoire de la grand-mère du réalisateur, qui va mourir avec le quartier.

 

Young Blood

 

2. Shu Haolun a ensuite réalisé ce qui peut être considéré comme une œuvre de transition : « Young Blood »  (《少年血》) est un court métrage de fiction de vingt minutes, où il revient sur son enfance et ses premiers émois amoureux à Shanghai, dans la seconde moitié des années 1980, à travers la vie d’un jeune garçon appelé Xiaoli (肖栗). Sorti en 2008 au festival de Pusan, le film est une préfiguration du long métrage suivant, dont le scénario a bénéficié d’une aide du fond Hubert Bals du festival de Rotterdam.

 

 

3. Ce troisième long métrage, de fiction donc, est « N°89 Shimen Road » (黑白照片), sorti en 2010, qui vient d’obtenir le prix du meilleur documentaire au festival du cinéma indépendant à Nankin. C’est le pendant de « Nostalgia » : le documentaire était construit sur la nostalgie de voir disparaître le passé, « Shimen Road » le reconstruit. Il s’agit de la Shanghai de la fin des années 1980, qui avait encore su préserver le riche tissu social de ses vieux quartiers.

 

On retrouve le jeune Xiaoli (肖栗), seize ans, qui vit dans un de ces vieux quartiers ; tandis que ses professeurs en sont encore à parler de la reconstruction du pays après la Révolution culturelle, la libéralisation entraîne déjà des conséquences visibles : premières bouteilles de Coca, hommes d’affaires occidentaux et autres éléments étrangers dans les rues. L’une de ses amies, Lanmi (兰咪), fraye avec

 

N°89 Shimen Road

les Occidentaux en scandalisant le quartier, tandis que la jeune idéaliste qu’il aime veut quitter leur école pour se joindre au mouvement étudiant pour la démocratie et aux démonstrations qui ont commencé à Pékin. La stabilité du monde ancien est en train de voler en éclats, son innocence aussi, comme celle de Xiaoli, soudain confronté à des choix existentiels difficiles.

 

N°89 Shimen Road, une photo

 

Il y a autant de nostalgie dans ce film que dans le documentaire qui l’a précédé. Shu Haolun rend l’atmosphère de l’époque en utilisant des photos (en noir et blanc, d’où le titre) montées dans la texture du film. La crise de valeurs qui affecte le jeune garçon, alter ego fictif du réalisateur, trouve un écho dans celle d’aujourd’hui qui donne toute sa profondeur au film.

 

 

 

Bande annonce


en projet….
 

Shu Haolun est désormais un réalisateur reconnu. Il enseigne à l’école du cinéma de l’université de Shanghai (上海大学影视学院).

 

Son nouveau projet est original : il s’agit d’une relecture du documentaire de Joris Ivens « Comment Yukong déplaça les montagnes » - un documentaire fleuve de 763 minutes, en douze parties (sept longs métrages et cinq courts métrages), tourné pendant la Révolution culturelle, à l’invitation de Zhou Enlai, et sorti en mars 1976. Cela devrait s’appeler « Lettre à Ivens ».

 

Shu Haolun se propose de partir de trois des longs métrages pour en faire un commentaire en images, fondé sur son expérience personnelle, et celle de ses parents. Le premier (« L’Usine des générateurs ») concerne une immense usine, de type soviétique, qui employait huit mille personnes ; c’est là que son père a travaillé jusqu’à sa retraite ; lui-même en a de nombreux souvenirs car, à l’époque, l’entreprise fournissait tout : l’école, l’hôpital, et jusqu’aux appartements des ouvriers. Le second épisode

 

La pharmacie de Shanghai

est celui qui a trait au travail dans une pharmacie locale (« La Pharmacie de Shanghai ») et le troisième celui qui dépeint les conditions de vie difficiles dans les champs pétroliers de Daqing (大庆), dans le Heilongjiang, au nord de la Chine (« Autour du pétrole : Taking »).

 

Il veut en fait confronter le documentaire, qui présente la réalité qu’on a bien voulu montrer à Ivens, voire qu’on lui a soigneusement ‘emballée’, avec des documents et interviews de personnes qui ont vécu, à la même époque, ce que montre le film, pour rétablir une sorte de vérité historique. « Lettre à Ivens » comprendra des extraits de « Yukong ».

 

On est étonné que personne ne l’ait fait plus tôt et on attend de voir avec curiosité exactement dans quel esprit le sujet sera traité.

 

Autre projet

 

Il semblerait cependant que ce soit un film de fiction qu’il tourne d’abord : « Love is Speaking » (《爱情在说话》). Le 26 mars 2014, c’est en effet ce projet qui a obtenu le FOX Chinese Film Development Award au 12ème Hong Kong Asia Film Financing Forum (HAF).

 

 

Note

(1) Voir le dossier du numéro 2011/2 de Perspectives chinoises : « Le monde ouvrier chinois en mouvement »

http://www.cefc.com.hk/perspectives.php?lg=fr

 

Le blog de Shu Haolun : http://haolun.wordpress.com/

 

 

 

 

 

 
     
     
     
     
     
     
     
     

 

   

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 



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