Accueil Actualités Réalisation
Scénario
Films Acteurs Photo, Montage
Musique
Repères historiques Ressources documentaires
 
     
     
 

Actualités

 
 
 
     
 

« The Grandmaster » : réflexion a posteriori

par Brigitte Duzan, 4 mai 2013

 

Depuis sa sortie, « The Grandmaster » (《一代宗师》) n’en finit pas de générer un malaise difficile à définir. Tout le monde s’accorde pour saluer la beauté plastique d’un film qui exerce une sorte d’envoûtement par la splendeur des images. Mais l’accent mis sur l’aspect visuel et la virtuosité de la photographie est peut-être justement l’une des sources du malaise. L’esprit ne se satisfait pas de l’image et s’épuise à y chercher un sens.

 

Le film se veut symbolique et elliptique – Wong Kar-wai ne serait plus Wong Kar-wai s’il ne l’était pas. On peut déceler, au milieu de l’ellipse, deux fils narratifs bâtis sur deux motifs entrecroisés : le thème des amours impossibles cher au réalisateur, qui en déroule les variations subtiles depuis quasiment le début de son œuvre, mais thème sous-tendu ici par celui des blessures de l’histoire.

 

C’est un point nouveau chez Wong Kar-wai qui

 

ne l’avait traité jusqu’ici qu’indirectement, par le biais de la nostalgie du passé, et de son passé personnel, recréé par la mémoire et fantasmé à plaisir. La chaleur mélancolique d’un passé recomposé fait place ici à la reconstruction d’une histoire que le réalisateur a tenté de s’approprier, en s’efforçant de mythifier une histoire qui l’est déjà passablement, celle des arts martiaux, en la condensant dans des personnages-types, représentés par des acteurs-types, symbolisant chacun une forme d’art martial prise également comme art-type.

 

Il est possible que la structure du film initial ait été équilibrée, pour accorder une importance équivalente aux quatre parties. Dans sa forme actuelle, ce n’est pas le cas, et l’on voit difficilement comment cela pourrait être, étant donné que le thème des amours impossibles est le thème finalement dominant, en parfaite concordance avec les films précédents ; c’est aussi ce thème qui donne au film ce qu’il a de lyrisme et de souffle.

 

Le problème essentiel est donc peut-être la réconciliation impossible entre deux thèmes, deux discours divergents. Le lyrisme, d’un côté, est plombé par le récit historique, de l’autre, ou du moins la tentative de récit historique, car, fidèle à lui-même, Wong Kar-wai l'a éludé, en rejetant sur le spectateur le soin de le reconstituer – tache bien plus difficile que de reconstituer le passé elliptique des années 1960 à Hong Kong, tel qu’il apparaît dans les autres films de Wong Kar-wai.

 

Dans sa forme actuelle, le film avance en boitillant, amours d'un côté, histoire de l'autre, les deux thèmes n’étant pas conciliés car les personnages n'ont pas assez de consistance pour incarner l'Histoire, étant définis surtout par leur amour impossible. Si l'on compare avec « Les cendres du temps » (《东邪西毒》), qui est, parmi les films de Wong Kar-wai, celui auquel « The Grandmaster » ressemble le plus, il est frappant de constater que les personnages, dans cet autre film, prennent une allure mythique parce que, justement, ils sont hors du temps ; c’est de là que vient tout le subtil et mystérieux lyrisme de ce film.

 

Finalement, ce qu’il reste à l’esprit, après avoir vu « The Grandmaster », ce sont les images, époustouflantes, qui priment tout le reste, et l’écrasent. Trop de brio dans la photographie peut tuer un film, ou en cacher le vide conceptuel, comme dans beaucoup de films chinois à l’heure actuelle. Dans le même ordre d’idée, il y a dans ce film trop de systématisation des procédés chers à Wong Kar-wai, et en particulier les ralentis, dont on sent bien qu’ils sont là pour créer un sentiment de dilatation du temps, ou de hors-temps. Cela donne de superbes séquences, dont le combat-ballet initial sous l'eau ou celui dans la gare, à la fin, resteront certainement dans les annales.

 

Mais on a finalement l’impression d’un phénomène d'épuisement créatif : il y a incandescence faute de renouvellement, et l'on en arrive à un phénomène pervers : la recherche de la perfection visuelle en soi, mal relayée par le montage, qui mène à une esthétique de clip publicitaire - spécialité du chef opérateur qui en a déjà tourné avec Wong Kar-wai.

 

C’est le problème d’un art aussi exigeant, qui doit concilier parfaitement et le fond et la forme, et qui passe aussi par le choix d’un format adéquat.

 

 

 

 

 

 
     
     
     
     
     
     
     
     

 

   

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 



Qui sommes-nous ? - Objectifs et mode d’emploi - Contactez-nous - Liens

 

© ChineseMovies.com.fr. Tous droits réservés.

Conception et réalisation : ZHANG Xiaoqiu