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Acteurs

 
 
 
     
 

Wang Hanlun 王汉伦

Présentation

par Brigitte Duzan, 14 décembre 2018

 

Wang Hanlun est une actrice chinoise qui fut extrêmement célèbre dans les années 1920, mais pas seulement.

 

Elle représente une période de transition dans le monde des actrices en Chine : elle a commencé sa carrière en 1923, dix ans après qu’un rôle féminin ait été tenu pour la première fois par une actrice dans l’histoire du cinéma chinois [1], et pourtant la plupart des rôles féminins continuaient à être joués par des hommes, dans la tradition de l’opéra. Les actrices avaient encore à subir des préjugés tenaces qui les assimilaient à des femmes de vie légère et dissolue, d’autant plus qu’elles étaient souvent divorcées. Elles étaient en outre souvent exploitées.

 

Wang Hanlun a tenté de se libérer d’un système qui ne lui permettait pas de s’épanouir en fondant sa propre compagnie

 

Wang Hanlun

de production : elle n’a produit qu’un film, mais elle a fait fortune avec, puis elle s’est retirée comme si cela lui suffisait d’avoir prouvé qu’une femme aussi pouvait avoir sa propre compagnie.  

 

Débuts à la Mingxing

 

De son vrai nom Peng Jianqing (彭剑青), Wang Hanlun (王汉伦) est née en 1903 à Suzhou, dans le Jiangsu, Elle était la 7ème enfant d’une famille aisée, et la seule fille, adorée par son père. Elle fut donc envoyée étudier dans une école de missionnaires pour filles à Shanghai, le collège Sainte-Marie ; commençant à apprendre l’anglais, elle se choisit pour prénom Helen. Mais la mort de ses parents l’obligea à revoir ses ambitions.

 

A leur mort, elle avait seize ans ; son frère la maria à un homme qui travaillait pour les mines de charbon sino-japonaises de Fengtian, aujourd’hui Shenyang, à des milliers de kilomètres de Shanghai ; c’était un tel débauché que Wang Hanlun finit par revenir à Shanghai. Comme son frère refusait de la reprendre, elle trouva à se loger chez une parente éloignée et commença une vie indépendante.

  

Wang Hanlun dans

« L’orphelin sauve son grand-père »

 

Elle enseigna d’abord dans une école primaire, puis travailla comme dactylo dans une entreprise étrangère filiale de la British American Tobacco. Or l’un de ses collègues était actionnaire de la compagnie Mingxing (明星影片公司) et, en 1922, elle put grâce à lui visiter les studios alors qu’on y tournait « La romance d’un marchand ambulant » (《劳工之爱情》), l’une des premières productions de la Mingxing, réalisée par Zhang Shichuan (张石川), cofondateur de la compagnie.

 

Lui qui, jusque-là, n’avait travaillé qu’avec des acteurs de théâtre trouva qu’elle avait l’allure naturelle et les manières idéales pour jouer le rôle principal du film qu’il était en train de préparer : « L’orphelin sauve son grand-père » (《孤儿救祖记》). Ayant passé le test avec succès, elle fut embauchée avec un contrat lui promettant 500 yuan pour le film et une allocation de 20 yuan par mois.

 

Jugeant que son attitude était une honte pour la famille, son frère et sa belle-sœur la pressaient de rentrer chez elle. Elle rompit tout lien avec eux et prit un nom de scène. Comme les tigres portent sur le front (en Chine) le caractère wang () signifiant roi en témoignage de leur courage à toute épreuve, elle prit le nom de Wang et pour prénom Hanlun (汉伦) dont la prononciation est proche de Helen.  

 

Dans « L’orphelin sauve son grand-père », elle interprète le rôle d’une femme courageuse qui perd son mari, est calomniée et humiliée, mais continue malgré tout à élever son fils : le type même de la « femme nouvelle », économiquement indépendante et assurant seule l’éducation de sa progéniture. Elle eut la chance de tourner avec Zhang Shichuan, mais aussi avec Zheng Zhengqiu (郑正秋) qui travaillait en tandem avec lui et avait écrit le scénario.

 

Le caractère wang (roi) sur le front du tigre

 

Le film fut un grand succès ; la Mingxing en tira des bénéfices qui la sauvèrent de la faillite, et lui permirent de tourner aussitôt deux autres films, sortis en 1924 : « Le fantôme Poire de jade » (《玉梨魂》), adapté d’un roman de Xu Zhenya (徐枕亚) publié en 1912, et « Les Enfants pauvres » (《苦儿弱女》), tous deux réalisés par Zhang Shichuan sur un scénario de Zheng Zhengqiu, mélodrames en noir et blanc dans lesquels Wang Hanlun interprète deux autres rôles tragiques de jeune veuve.

 

Elle devient une star en vue, mais cela ne change pas pour autant les conditions de son contrat ; la compagnie ne lui paya même pas les vingt yuan mensuels qu’il stipulait. Aussi, lorsque la compagnie de la Grande Muraille (长城画片公司) - nouvelle compagnie progressiste, dont les membres avaient étudié aux Etats-Unis - lui fait une offre très attrayante, elle passe chez eux.

 

De la Mingxing à la Grande Muraille

 

Elle tourne là trois films. Le premier – qui est aussi le premier du studio - est « La Femme abandonnée » (《弃妇》), coréalisé en 1924 par Li Zeyuan (李泽源) et Hou Yao (侯曜), sur un scénario de Hou Yao adapté de la pièce de théâtre éponyme de Li Zeyuan. Le rôle principal de Zhifang (芷芳) – influencé par la Nora d’Ibsen - est ici celui d’une femme abandonnée pour une autre femme par son mari. Elle s’enfuit avec sa servante Cailan (采兰), interprétée par Pu Shunqing (濮舜卿), et finit par trouver un emploi dans une librairie. Les difficultés et obstacles rencontrés, par elle-même comme par Cailan, les incitent à se rapprocher du mouvement pour les droits de la femme auquel elles prennent une part active. Sur quoi le mari de Zhifang revient en tentant de se réconcilier avec elle, ce qu’elle refuse. Il la calomnie alors pour lui faire perdre son travail. Elle meurt dans la misère dans un petit couvent de nonnes, en rêvant d’un monde moins hostile aux femmes.

 

Le film rencontra un grand succès, en particulier grâce à l’interprétation des deux actrices, et contribua à la notoriété de la compagnie. Il fut suivi en 1925 de deux autres films dans le même genre de critique sociale axée sur la place de la femme dans la société : « Entre amour et devoir filial » (《摘星之女》) et « Le Rêve du boudoir » (《春闺梦里人》), tous deux réalisés par Li Zeyuan, mais le second coréalisé avec Mei Xuechou (梅雪俦), et dans les deux cas avec Wang Hanlun dans le rôle principal.

 

En dépit du succès commercial des deux films, elle ne réussit à nouveau pas à se faire payer, intenta un procès à la compagnie, le gagna, mais ne reçut qu’un chèque en bois en compensation. Elle changea de compagnie, pour se faire exploiter à nouveau, comme les femmes des films dans lesquels elle jouait.

 

Constamment exploitée

 

En couverture de la revue The Young Companion 《良友》(février 1926)

 

En 1926, elle interprète le rôle principal dans « Une bru vertueuse » (《好寡妇》) produit par un studio éphémère, mais surtout elle joue aux côtés des deux autres grandes actrices de l’époque, Hu Die (胡蝶) et Wu Suxin (吴素馨), dans le grand succès de la Tianyi (天一影片公司) : « Les actrices de cinéma » (《电影女明星》). Wang Hanlun fait une tournée dans le sud-est asiatique pour promouvoir le film. En raison de ses rôles, elle est surnommée « la première dan tragique de l’écran » (银幕第一悲旦), en référence aux rôles féminins à l’opéra. 

 

Elle joue encore dans deux autres films sans être payée non plus. Elle est considérée comme une actrice légèrement scandaleuse, incarnant la femme moderne exhibant à l’écran ses pieds non bandés [2]. Elle souffre des préjudices contre la profession d’actrice, renforcés par le fait que les rôles de figurants étaient tenus par des voyous et des prostituées qui venaient là gagner quelques sous.

 

En 1927, elle est à nouveau exploitée lors d’une tournée à Singapour financée par des hommes d’affaires qui l’exhibent tout en faisant payer les gens qui se précipitent pour la voir et lui demander un autographe. Cette dernière expérience finit de la convaincre de fonder sa propre compagnie.  

 

La compagnie Hanlun

 

En 1928, elle décide de faire encore un film et de quitter définitivement le monde du cinéma. Elle crée la compagnie Hanlun (汉伦影片公司) et achète un scénario au célèbre romancier et scénariste Bao Tianxiao (包天笑) : « L’amour aveugle » (《影场回忆录》), ou « La revanche d’une actrice » (《女伶复仇记》). C’était une histoire d’amour du genre « canards mandarins et papillons », spécialité de Bao Tianxiao, avec une intrigue reprenant l’idée d’amour libre contre les mariages arrangés voulus par la tradition.

 

Elle loue un studio à la Minxin, et engage le réalisateur Bu Wancang (卜万苍), mais, comme il passe plus de temps sur le champ de courses que sur le tournage, elle finit par réaliser le film elle-même, et comme il n’est pas terminé au moment de rendre le studio, elle achève le tournage chez elle avec l’aide de Cai Chusheng (蔡楚生), alors encore assistant réalisateur.  Puis elle monte le film, ce qui lui prend encore quarante jours de travail.

 

Enfin, pour faire la promotion du film, elle l’accompagne dans la douzaine de villes où il est projeté, jusqu’à Changchun et Harbin, puis part en tournée à Singapour, rencontrant le public à l’issue des projections.

 

Ce fut un succès. Elle gagna beaucoup d’argent, ce qui lui permit d’arrêter le cinéma comme elle l’avait dit, en 1930, et elle se lança dans le commerce en ouvrant un salon de coiffure. Sa première cliente fut l’actrice Hu Die avec laquelle elle avait tourné « Les actrices de cinéma » quatre ans plus tôt.

 

Le salon lui rapporta beaucoup d’argent jusqu’à ce que Shanghai tombe aux mains des Japonais en 1937. Elle ferma boutique plutôt que de travailler pour les Japonais et disparut pendant le temps de la guerre en vendant des meubles et des vêtements pour vivre.

 

Retour au cinéma en 1950

 

Au début des années 1950, à Shanghai, elle tente de revenir sur la scène, mais sans réussir à s’adapter aux rôles de films où dominaient soldats et ouvriers. En 1950, elle interprète le rôle très bref de l’impératrice douairière Cixi (慈禧太后 ) dans « La Vie de Wu Xun » (《武训传》) de Sun Yu (孙瑜). Violemment attaqué, le film fut malheureusement la cible de l’une des plus virulentes campagnes de Mao à l’époque et ruina la carrière du réalisateur. Wang Hanlun ne jouait que dans une courte scène, mais cela suffit. Elle disparut de la scène pendant huit ans.

 

Elle refit une brève apparition en 1958 dans l’avant-dernier film de Sun Yu, « La légende de Lu Ban » (《鲁班的传说》), puis la même année dans « La grande vague » (《热浪奔腾》) de Tao Jin (陶金), sur quoi elle fit ses adieux définitifs au cinéma.

 

Cela ne l’empêchera pourtant pas d’être attaquée au début de la Révolution culturelle. Mais elle mena ensuite une vie paisible et solitaire, en continuant à recevoir une pension du gouvernement, et s’éteignit en août 1978 à Shanghai, à l’âge de 75 ans. Elle était restée indépendante jusqu’au bout.

 

Dans La légende de Lu Ban, 1958 《鲁班的传说》

 


 

Resource documentaire

 

Wei, S Louisa, "Helen Wang”, In Jane Gaines, Radha Vatsal, and Monica Dall’Asta, eds. Women Film Pioneers Project. Center for Digital Research and Scholarship. New York, Columbia University Libraries, 2013.

En ligne : https://wfpp.cdrs.columbia.edu/pioneer/helen-wang/

 

 


 

[1] C’était Yan Shanshan (严姗姗), interprète de la servante dans le film de Li Minwei (黎民伟) « Zhuangzi met son épouse à l’épreuve » (《庄子试妻》).

[2] Pratique théoriquement interdite en 1912, mais poursuivie en fait dans certaines familles jusqu’en 1949.

 

 

     

 

 

 

 

 
     
     
     
     
     
     
     
     

 

   

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 



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