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Les difficultés rencontrées par les films chinois à l’étranger : une interview de Zhou Tiedong

par Brigitte Duzan, 27 septembre 2013

 

Zhou Tiedong (周铁东) est le président de China Film Promotion International (中国电影海外推广公司), il est donc le responsable de l’organisme en charge de la diffusion internationale des films chinois.

 

En tant que tel, il est souvent amené à s’exprimer sur les difficultés rencontrées par les films chinois sur le marché cinématographique mondial. Il s’en est expliqué récemment lors d’une longue interview au journal Nanfang Zhoumo (南方周末), publiée le 20 septembre 2013 (1).

 

Partant d’un constat général sur l’expansion du cinéma chinois sur le marché intérieur, il analyse le peu de progrès réalisés sur les marchés étrangers, en particulier aux Etats-Unis, et cherche à en déterminer les causes. Il reconnaît, entre autres raisons, la faible qualité des films produits, et leur inadaptation aux publics étrangers, en particulier le public américain qui est sa cible privilégiée.

 

Zhou Tiedong

 

Sa solution n’est pas de chercher à améliorer cette qualité de l’intérieur, en s’appuyant sur des réalisateurs chinois de talent, mais en comptant plutôt sur des accords de coproduction. On reste étonné que tout un pan du potentiel cinématographique national soit ainsi totalement négligé ; or, le talent des réalisateurs – comme il le reconnaît lui-même dans le cas des Etats-Unis –est l’un des deux facteurs essentiels dans la réussite d’un film, l’autre étant le scénario.

 

Il est vrai que les réalisateurs qui ont du succès en Occident ne sont pas forcément ceux qui assurent des chiffres record au box office. Or le but est là : le succès est essentiellement mesuré en termes financiers. Zhou Tiedong soulève néanmoins nombre de points intéressants qui méritent réflexion.

 

Préambule : un cinéma florissant en Chine, mais pas ailleurs

 

Lost in Thailand

 

En 2012, après une croissance annuelle de 30 % au cours de la décennie précédente, le box office chinois a atteint les 17 milliards de yuans (2,8 milliards de dollars), et la Chine a dépassé le Japon pour devenir le second marché cinématographique mondial derrière les Etats-Unis. Cette même année, le montant global des ventes de films à l’étranger a représenté un peu moins du dixième de cette somme : 1,06 milliard de yuans.

 

Le film « Lost in Thailand » (泰囧》), qui a connu un succès aussi phénoménal qu'inattendu, a fait 1,2 milliard de yuans de recettes en Chine, c’est le premier film chinois à dépasser le milliard ; aux Etats-Unis, en revanche, il n’a fait qu’un peu plus de 57 000  dollars, et encore moins en Thaïlande, où le film a pourtant été tourné.

 

« Les films chinois, commente Zhou Tiedong, ne peuvent pas

constituer le plat de résistance du divertissement populaire [à l’étranger], ils ne peuvent être que le dessert. Or les desserts ont toujours une consommation limitée. »  

 

Les questions

 

Pourquoi les étrangers vont-ils voir un film chinois ?

 

Zhou Tiedong semble vouloir dire que tout tient à la publicité et aux slogans choisis.

 

« En 2002, Miramax a distribué le film de Zhang Yimou  « Héro » (《英雄》) ; c’est un exemple de réussite dont on peut tirer des leçons : d’abord les affiches avaient un personnage central, Jet Li, star des films d’arts martiaux populaires en Occident ; ensuite la publicité avait pour thème les valeurs universelles de résistance au totalitarisme : « le combat d’un homme contre un empire » (一个人挑战一个帝国”).

 

Pour la sortie du film de Wong Kar-wai (王家卫) « The Grandmaster » (《一代宗师》) aux Etats-Unis, le 30 août 2013, les frères Weinstein ont également soigné la publicité ; ils ont conçu un slogan, « Once upon a time the gongfu » (功夫往事”), qui rappelle le titre du célèbre « Once Upon a Time in America » (《美国往事》), [dernier film de Sergio Leone sorti en 1984], et ils ont ajouté la mention : « d’après la véritable histoire de Bruce Lee » (根据李小龙师傅的真实故事改编”)  [alors que c’est en fait l’histoire de Ip Man (叶问),  il est vrai maître de Bruce Lee à Hong Kong].   

 

Finalement, « The Grandmaster » a fait d’assez bonnes recettes le premier week-end de sa sortie : 2,45 millions de dollars. Mais, dans la totalité de l’année, il ne se place qu’en 10ème position des films étrangers pour les chiffres du box office du 1er week-end. Et le film américain qui arrive en tête des statistiques du box office du premier week-end a fait dix fois plus de recettes [c’est « The Butler » (《白宫管家》) de Lee Daniels ; il a fait 24,6 millions de dollars].

 

Pourquoi les films qui ont du succès en Chine n’en ont-ils pas à l’étranger ?

 

Les films récents qui ont fait le plus d’entrées en Chine sont (chronologiquement) : « Love is not Blind » (《失恋33天》) [de Teng Huatao (滕华涛) sorti en novembre 2011], « So Young » (《致青春》) [premier film de Zhao Wei (赵薇)  sorti en avril 2013],  et « Tiny Times » (《小时代》) [de l’écrivain Guo Jingming (郭敬明) sorti fin juin 2013].

 

Ces films, selon Zhou Tiedong, n’ont aucune chance de réussir à l’étranger. En effet, « comme les films chinois en général, les histoires qu’ils racontent le sont du point de vue des sentiments, et ces sentiments ne sont pas universels. Si les films de la cinquième génération ont eu autant de succès international, c’est qu’ils traitent de valeurs humaines. Que ce soit « Le voleur de chevaux » (《盗马贼》), « La terre jaune » (《黄土地》), « Le sorgho rouge » (《红高粱》), « Vivre ! » (《活着》), ou encore « Le vieux puits » (《老井》) ou « Le roi des enfants » (《孩子王》), tous ces films parlent de valeurs humaines.

 

Mais, si l’on va plus loin, « Tiny Times » est un film de jeunes, non seulement il n’est pas fait pour un public étranger, mais, même en Chine, il n’a de succès qu’auprès d’un cercle de fans, les millions de fans des best-sellers de Guo Jingming (2) ; c’est un produit fait sur mesure (定制产品). Quant à « Lost in Thailand », ma fille l’a vu trois fois et le trouve "trop drôle" ; moi, il n’y a guère qu’une séquence qui m’a fait rire ; on n’a pas la même façon de voir.

 

On peut classer les films en films locaux et films internationaux (本土电影和全球电影), parmi lesquels les films à gros budgets de type hollywoodien. Les Etats-Unis sortent chaque année plus de 700 films dont quelques dizaines seulement sont de gros succès internationaux, le reste est destiné au public local. Or les blancs ne regardent pas les films de noirs, et les gens d’âge mûr ne regardent pas les films de jeunes. « Tiny Times » ne ferait pas plus de dix mille dollars aux Etats-Unis. »

 

Si l’on prend un autre exemple, celui du film de Peter Chan (陈可辛) « American Dreams in China » (中国合伙人》) (3), « certains critiques lui ont trouvé une « saveur hollywoodienne ». C’est en fait un film qui exalte le nationalisme, un film fait pour promouvoir une notion de « nouvel Orient » (新东方的 宣传片), donc, comme « Tiny Times », un produit destiné à un public de fans ; il flatte les sentiments anti-américains des Chinois, en diabolisant l’Amérique et fustigeant l’impérialisme. »

 

American Dreams in China

 

Qu’en est-il des films chinois tournés à l’étranger ?

 

Finding Mr. Right

 

« Finding Mr. Right » (北京遇上西雅图》) de Xue Xiaolu (薛晓路) (4), par exemple, a pour cadre Seattle, il aurait pu attirer le public américain. « Mais ce n’est pas une histoire universelle, c’est une histoire chinoise, difficilement compréhensible pour un public étranger : l’histoire d’une jeune Chinoise qui part accoucher clandestinement dans une maternité illégale de Seattle d’un enfant qu’elle a eu de son amant marié et qui rencontre d’autres compatriotes dans des situations plus ou moins semblables. … »

 

« Les films qui marchent bien sur le plan international sont ceux qui surprennent par le côté technique, les grands films d’action, les films à effets spéciaux ; mais ces films ne sont pas très sophistiqués au niveau du scénario. Un autre courant est constitué par les films qui offrent une vision humaniste, et, dans le domaine de l’humanisme oriental, la Chine est bien placée car elle a une culture très profonde. Jusqu’ici,

c’est le Japon qui a su faire les films les plus recherchés dans ce genre, Kurosawa par exemple.

 

Le point fort de la Chine, ce sont les films d’arts martiaux (ou wuxia 武侠), mais, en fait, ils ne marchent plus tellement bien à l’étranger, ils subissent la loi des rendements décroissants (回报递减). On le voit dans le cas de films récents comme « Journey to the West, Conquering the Demons » (《西游·降魔篇》) de Stephen Chow ou « Chinese Zodiac » (《十二生肖》) de Jackie Chan (5).  

 

Même Jackie Chan, qui était très populaire à l’étranger, a perdu son aura ; il vieillit, il ne se renouvelle pas. Ce qu’il faut parvenir à faire, c’est travailler sur le contenu culturel des films, pour le rendre attractif, et, comme Hollywood, choisir pour les scénarios des thèmes touchant à  l’humanité (人类故事”). »  

 

Comment concevoir des « histoires concernant l’humanité » ?

 

Que manque-t-il aux films chinois dans ce domaine ? 

 

Journey to the West,

Conquering the Demons

 

CZ12

 

« Prenons l’exemple des grands films de guerre hollywoodiens,comme « The War Horse » de Spielberg, par exemple : ils sont tous faits dans un esprit d’opposition à la guerre, alors que nos films de guerre en chantent les louanges ; le seul qui fasse un tant soit peu exception est « The City of Life and Death » (《南京!南京!》) [de Lu Chuan 陆川].

 

« Flowers of War » (《金陵十三钗》), pour sa part, n’a pas de ligne morale bien définie ; Zhang Yimou a faussé une tragédie humaine en dévoyant les notions de sacrifice pour la patrie et de honte nationale… Il a cru s’acheter les faveurs du public occidental en recrutant l’acteur Christian Bale qui a peut-être été oscarisé, mais qui n’a pas grande notoriété auprès du public américain. Avec un scénario pareil, même en faisant jouer Obama, ça n’aurait rien changé (你让奥巴马来也白搭).

 

Même  « 1942 » (《一九四二》) n’a pas traité son sujet comme il le méritait, en immense tragédie humaine [… ]

 

Si l’on considère le film d’Oliver Stone « 9.11 », on voit que Stone n’a pas campé ses héros comme de simples héros américains, mais comme des héros universels. Dans les films chinois, en revanche, on présente les héros comme des modèles, des héros-types, mais qui cela intéresse-t-il ? »

 

Comment trouver des histoires qui soient attractives pour le public non chinois ?

 

« Il y a deux exemples classiques : « Gongfu Panda » (《功夫熊猫》) et « Hua Mulan » (《花木兰》). « Gongfu Panda » est un emblème culturel ; pour le scénario, on a utilisé une bouteille hollywoodienne emplie d’alcool chinois. Tous les symboles culturels chinois sont là : outre le gongfu, baguettes, nouilles, et même siheyuan. Comment les éléments de culture chinoise, dans ce film, n’apparaissent-ils pas dévalorisés, mais comment, au contraire, contribuent-ils à la valorisation du film ? Il nous faut réfléchir au mode narratif choisi et au langage utilisé. Mais le plus important est qu’il joue de valeurs universelles.

 

« Hua Mulan » appartient à notre culture traditionnelle ; les valeurs que cette histoire défend sont la loyauté ( zhōng) et la piété filiale ( xiào). Mais la valeur zhōng n’est pas l’amour de la patrie, c’est la loyauté envers le souverain, c’est-à-dire que cette histoire est un éloge de l’absolutisme et de l’autorité impériale. Quant à la piété filiale xiào, elle

 

Kongfu Panda, affiche chinoise

(identique à l’affiche américaine)

représente la soumission de la femme à la fois au mari et au père ; elle est un élément constitutif d’une société patriarcale, incompatible avec les valeurs modernes. Au contraire, dans le film « Hua Mulan » réalisé par Hollywood, les valeurs prônées sont la réalisation personnelle, l’égalité entre hommes et femmes et la défense des droits de la femme.

 

La tragédie de « Hamlet » adaptée par Hollywood a donné « Le roi Lion » qui a conquis le monde entier ; l’adaptation chinoise « Le banquet » (《夜宴》) [film de Feng Xiaogang sorti en 2006] a été en revanche un échec à l’étranger, pour les mêmes raisons : à cause des valeurs chinoises que nous y avons inconsciemment insérées. »

 

Le totem du loup (promotion à Cannes, pendant le festival 2013)

 

« Si nous ne savons pas raconter d’histoires, il n’y a qu’à laisser les autres les raconter. Le producteur américain Tom de Santo est venu en 2012 en Chine avec un projet de trilogie adaptée de l’ancien classique chinois « L’investiture des dieux » (《封神榜》), histoire romancée du renversement du dernier roi de la dynastie des Shang, le roi Zhou (商纣王), pour fonder la dynastie des Zhou (周朝) ; ce sera une grosse production (en 3D), mais elle en est encore au stade du projet.

 

Dreamworks, de son côté, a un projet d’adaptation en film d’animation de la série de romans de He Ma (何马) intitulée « The Tibet Code » (《藏地密码》) [projet de coproduction Oriental Dreamworks / China Film], et puis il y a Luc Besson et « Le totem du loup » (《狼图腾》).   ….

 

Le président Hu Jintao a jadis reconnu que la Chine était faible face à la puissance de l’Occident (西强我弱) ; notre culture est en position de faiblesse, a-t-il dit, c’est  pourquoi il nous faut « emprunter un bateau pour traverser l’océan » (借船出海).

 

Les Etats-Unis veulent faire des remakes de films chinois, la Chine y a-t-elle intérêt ?

  

« En fait, à part « Infernal Affairs » (《无间道》) (6), il n’y a eu aucun projet de remake américain qui ait abouti, même pas pour « Let the Bullets Fly » (《让子弹飞》) [le grand succès de Jiang Wen (姜文) sorti en Chine en décembre 2010]. »

 

On peut se demander pourquoi les projets de remake en sont restés aux déclarations d’intention : cela tient essentiellement au nombre de scénarios déposés, aux Etats-Unis, par rapport au nombre de films tournés. « Les scénarios déposés chaque année à l’association des scénaristes se chiffrent à plus de 300 000, auxquels il faut ajouter ceux des scénaristes qui ne font pas partie de l’association, plus d’un million ; mais seulement 600 à 700 films sont tournés. On commence par signer un contrat qui, contre paiement de 50 000 dollars, réserve les droits pendant cinq ans. Au bout de la période, si le film n’est pas réalisé, les droits reviennent à l’auteur. Evidemment, tous les scénarios ne sont pas tournés. »

 

Infernal Affairs, film hongkongais

 

Quelles sont les conditions d’accès et de réussite sur le marché américain ? dans les autres pays ?

 

Infernal Affairs, le remake

 

« D’abord, il faut savoir que le marché américain est un leurre : il y a en Chine à ce sujet un malentendu de longue date (误区). On dit que le marché américain est le plus important du monde, mais, en réalité, c’est un marché fermé. Les films américains y détiennent une part constante de 97 % minimum ; il reste 3 % pour les films étrangers, qui sont pour la plupart réservés aux petites salles d’art et d’essai, mais, sur ces 3 %, il y a encore les 3/4 des films qui sont en anglais. Ceux qui ne sont pas en anglais n’ont aucune chance d’accéder au grand public. Dans ces conditions, promouvoir un film chinois sur le marché américain est une entreprise qui demande des efforts hors de proportion avec les résultats que l’on peut en attendre (绝对是事倍功半)

 

Ensuite, une partie du succès d’un film américain est due au nom du réalisateur… Mais l’élément bien plus important encore est l’histoire que le film raconte. Le succès de grosses productions comme Titanic ou Avatar est conditionné à la fois

par l’impact du réalisateur et celui du scénario, c’est ce double impact qui génère la curiosité du public.

 

Or il n’y a plus de réalisateur chinois qui ait une grande notoriété à l’étranger, à part Ang Lee (李安). Celle de John Woo (吴宇森) a décliné après « Red Cliff » (《赤壁》) [en français « Les Trois Royaumes »] ; Zhang Yimou et Chen Kaige n’ont plus la cote ;  Zhang Yimou a encore eu un gros succès international avec « Hero » (《英雄》), mais « Curse of the Golden Flower » [en français « La cité interdite »] (《满城尽带黄金甲》) a ruiné sa popularité.  Et Jiang Wen, qui était très populaire en Europe, a fait à peine plus de 60 000 dollars aux Etats-Unis avec « Let the Bullets Fly ».

 

Par ailleurs, tourner un film dans un pays n’est pas non plus une assurance de réussite dans ce pays, comme l’a montré « Lost in Thailand », mais aussi « The Hangover 2 » (《宿醉2), distribué par la Warner, qui a aussi été tourné en Thailande, mais n’y a eu pas eu plus de succès au box office. « Karaté Kid », avec Jackie Chan, pourtant tourné en Chine, n’y a fait qu’un maigre score au box office [en 2010]. Pour « Iron Man 3 » (《钢铁侠3), c’est une version spéciale qui est sortie en Chine, avec des séquences tournées en Chine et cinq minutes supplémentaires spécialement destinées au public chinois (中国特供版”) [avec Fan Bingbing].

 

Autre cas : le film de Huo Jianqi (霍建起) « Postmen in the Mountain » (《那山·那人·那狗》) [sorti en 1999]  a eu beaucoup de succès au Japon : il y a touché une corde sensible … Les Japonais sont allés voir le film, ont pleuré, et le bouche à oreille a été très bon…. Ce qu’il faut regretter, c’est que rien n’ait été fait pour populariser le réalisateur auprès du public japonais. »

 

Qu’en est-il de l’impact des co-productions ? des facteurs culturels ?

 

« Si « Red Cliff » a été un échec aux Etats-Unis mais un succès au Japon, c’est en partie parce que c’était une co-production avec le Japon :  les Japonais considéraient le film comme une production nationale, comme les Chinois. Mais c’est aussi en raison des facteurs culturels communs. L’histoire des Trois Royaumes est très populaire au Japon, … En fait, beaucoup d’éléments de la culture traditionnelle chinoise sont préservés au Japon, en Corée, et même à Singapour, en Malaisie et au Vietnam bien mieux qu’en Chine même.

 

Mais, au-delà de cette communauté de culture, « Jean-Jacques Annaud ne comprend pas un mot de chinois, mais cela ne l’a pas empêché de tourner cette histoire bien chinoise qu’est « Le totem du loup » (《狼图腾》) qui l’avait touché. »

 

Beaucoup de discussions, peu de résultats…

 

Zhou Tiedaong aime raconter cette histoire : une année, les montres Citizen ont voulu lancer leur marque sur le marché australien ; ils ont imaginé de parachuter des montres d’un avion, elles sont arrivées intactes au sol, preuve de leur qualité à toute épreuve ! Le marché australien s’est ouvert d’un coup. Et de conclure qu’il aimerait bien faire la même chose avec des films, mais le problème, dit-il, c’est qu’il n’en aurait pas beaucoup qui résisterait au parachutage. 

 

« Il ne sert à rien d’acheter des espaces publicitaires dans le New York Times si l’on n’a pas de bons produits. »

Tout tient donc d’abord dans les films, mais les coûts sont aussi à considérer ainsi que les moyens disponibles.

 

« Nous avons passé trois ans à discuter avec la Warner de la diffusion de soixante films chinois aux Etats-Unis, mais sans résultat. En fait, nous sommes d’accord au niveau théorique, mais on n’a pas trouvé un modèle économique. Cela coûte très cher de formater les films et de faire des sous-titres en anglais, au total cela représente un coût de plusieurs dizaines de milliers de yuans, qui va payer ?

 

Nous avons aussi engagé des pourparlers avec des chaînes de télévision en Nouvelle Zélande, en Australie, au Kazakhstan, dans les Emirats arabes unis, au Pakistan, en Thailande… on nous a promis de créer des canaux spéciaux pour les films chinois, mais personne ne veut pas payer de droits. …

 

Cela pose aussi le problème des exigences des différentes parties concernées… . Le problème de la promotion internationale des films, en Chine, dépend des autorités,  mais celles-ci s’arrêtent au niveau du concept ; il n’y a pas d’organismes ni d’équipes pour traiter des problèmes concrets, en particulier financiers.

 

Nous avons réussi à conclure un accord avec une plate-forme américaine de diffusion numérique, pour la diffusion de trente films chinois. Pour chaque film, pour 3$ payés pour le télécharger, 1.8 revient à la partie américaine, 1.2 à la partie chinoise. Mais cela n’a eu aucun succès, il n’y a eu aucun client. »

 

Finalement, quels sont les atouts du cinéma chinois ?

 

« L’atout principal du cinéma chinois, c’est l’inépuisable source d’histoires qu’il a à sa disposition, plus, depuis le début de l’ère des réformes, la forte demande de divertissement, stimulée par l’industrialisation du cinéma et son entrée dans la sphère marchande. Son principe devrait être maintenant de prendre « le national comme base, l’universel comme pensée » (立足本土,思及全球”), principe concrétisé dans la démarche de Jean-Jacques Annaud laissant Paris pour venir tourner en Chine.

 

Le succès de « Iron Man 3 » en Chine semble par ailleurs montrer qu’une « version spécial Chine » (特供版”) est ce qui correspond aux attentes du public chinois. En fait, la Chine est comme un vieil animal de plusieurs milliers d’années soudain tiré de son sommeil : elle a les yeux lourds, et une faim insatiable. Il nous faut trouver la manière d’éduquer l’estomac de cet animal, de domestiquer son appétit, sans pour cela condamner sa tendance à se jeter sur n’importe quoi.

 

Le cinéma est une industrie capitalistique, et les Etats-Unis ont une longueur d’avance. Si nous voulons utiliser le cinéma comme outil de soft power culturel, il nous faut "emprunter un bateau pour traverser l’océan", c’est-à-dire trouver un modus operandi dans lequel chacun soit gagnant. Un modèle possible est celui du « Tibet Code » qui pourrait alors devenir le « Hollywood Code ». Mais, pour attirer les investisseurs, il faut améliorer la qualité des films et le travail promotionnel, et mieux cibler la publicité. C’est la politique de Hollywood depuis plus de cent ans.

 

 

Notes

(1) Voir le texte de l’interview : www.wenxuecity.com/news/2013/09/20/2675664.html

(2) Sur Guo Jingming, voir : www.chinese-shortstories.com/Auteurs_de_a_z_GuoJingming.htm

(3) Autre gros succès au box office en Chine : sorti en mai 2013, il a fait 77 millions de dollars de recettes.

(4) Sorti en Chine en mars 2013, avec Tang Wei (汤唯) dans le rôle principal, le film a été un gros succès financier : il a fait près de 84 millions de dollars de recettes, pour un budget de 5 millions de dollars.

(5)  « Journey to the West, Conquering the Demons », film de Stephen Chow (周星驰) sorti en Chine en février 2013, qui a fait 200 millions de dollars de recettes en Chine continentale et 3.6 millions à Hong Kong.

« Chinese Zodiac », ou « CZ12 », film de Jackie Chan sorti le 20 décembre 2012 en Chine où il a fait 135 millions de dollars de recettes.

(6) « Infernal Affairs » : film hongkongais d’Andrew Lau/Alan Mak, sorti en 2002, première partie d’une trilogie. Le remake américain de cette première partie a été réalisé par Martin Scorsese : « The Departed », sorti en 2006, avec le trio Leonardo DiCaprio, Matt Damon et Jack Nickolson. L’action est transposée à Boston, dans le milieu de la mafia irlandaise. Le film a obtenu en 2007 le Golden Globe Award du meilleur réalisateur et quatre Oscars (meilleur film, meilleur réalisateur, meilleur montage et meilleur scénario adapté).

 

 

 

 

 
 
     
     
     
     
     
     
     
     

 

   

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 



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